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Les cribleuses de blé

1854

Les cribleuses de blé
Gustave Courbet, 1854
Huile sur toile, 131 x 167 cm
Nantes, Musée des arts

Les Cribleuses de blé fut commencé en 1853. Dans une lettre adressée à Champfleury à l’automne 1854, Courbet précise : « J’ai un tableau de mœurs de campagne qui est fait, des cribleuses de blé qui entre dans la série des Demoiselles de village, tableau étrange aussi. » Après sa présentation au Salon de Nantes en 1861, il fut acquis par le musée pour 4 000 francs. Courbet l’avait déjà exposé avec pour titre Les Cribleuses de blé ou les enfants des cultivateurs du Doubs.
Il considère son œuvre à la fois comme une scène de genre et un portrait de groupe. Les Cribleuses appartient à une série traitant des scènes rurales telles que Les Demoiselles de village (1852, New York, Metropolitan Museum of Art) ou La Fileuse endormie (1853, Montpellier, musée Fabre).

L’œuvre n’a cessé d’interroger le spectateur. Traitée dans des tonalités claires, elle met en valeur les sœurs de Courbet qui prennent la pose pour une scène qu’elles n’ont sans doute jamais exécutée en vrai : de dos, au centre, Zoé crible le blé, et Juliette assise trie le grain, tandis qu’un jeune garçon, sans doute Désiré Binet, le fils de Courbet alors âgé de six ans, observe l’intérieur d’un tarare. Le travail absorbe les êtres. Les détails sont nombreux : les sacs de farine, les bols, le drap, le chat en boule sont autant d’indices d’une vie paysanne finement perçue. L’espace ne présente aucun point de fuite. Bien proportionnée, la cribleuse, vue de trois quarts, les genoux à terre, donne l’impression de faire une offrande à quelque divinité. Son bras, vigoureux et tendu, rappelle celui de la Sibylle libyenne de Michel-Ange à la chapelle Sixtine (1510).
Courbet utilise une matière épaisse travaillée à la brosse et au couteau en affinant les détails au pinceau. L’attention est concentrée sur les grains de blé tombant du crible sur le drap clair. On peut y voir aussi une lecture du progrès agricole, depuis la sélection à la main, puis au tamis et au tarare.

Le critique Michael Fried a émis une hypothèse qui parut séduisante : le tableau représenterait une métaphore de la peinture même ; l’artiste se projetterait dans la cribleuse, les grains de blé incarneraient le pigment, tandis que le drap symboliserait la toile. Le contexte renvoie toutefois à l’intention de Courbet : réhabiliter la vie campagnarde en abrogeant les sujets de l’histoire antique et académique. Il rivalise avec Le Vanneur de Jean François Millet exposé au Salon en 1848 (Londres, National Gallery). Courbet renverse ainsi l’échelle des valeurs et révolutionne la peinture de Salon, ce qui lui vaut la gloire du scandale.

Cyrille Sciama : Extrait du Guide des collections du Musée d'arts de Nantes