Les mangeurs de ricotta Vincenzo Campi 1580
Mangiaricotta
Vincenzo Campi, 1580
Huile sur toile, 77 x 89 cm
Lyon, Musée des Beaux Arts

Si l’on considère successivement, de droite à gauche, les quatre personnages de ce tableau, on assiste à la décomposition d’un même mouvement : la femme tient une cuillère vide, son voisin enfonce la sienne dans la ricotta fraîche, l’homme à l’arrière-plan porte une cuillerée de ce fromage à sa bouche, tandis que le dernier personnage paraît rassasié. L’arc de cercle formé par ces joyeux convives semble se prolonger audelà de l’espace du tableau, le regard de la jeune femme invitant le spectateur à rejoindre la tablée

Dans ce tableau auquel Vincenzo Campi a donné le titre de Buffonaria, un rire communicatif circule de personnage en personnage. Il pourrait même contaminer le spectateur, si l’on en croit les traités de peinture contemporains, pour lesquels la représentation de personnages de milieu modeste en train de rire devait provoquer la même réaction. Parmi ces mangeurs de ricotta, dont l’allure géné- rale évoque les personnages de la Commedia dell’arte*, on identifie les traits du peintre figuré en Pantalone, avec sa chemise à col en pointe et sa barbichette. On pourrait également reconnaître dans cet autoportrait la figure de Démocrite, le philosophe grec qui préférait rire de l’absurdité et de la vanité des activités humaines, au regard de la mort promise à chacun d’entre nous. Ainsi, les cavités creusées dans la ricotta ne lui donneraient-elles pas l’aspect d’un crâne sur lequel une mouche se serait posée ? En se présentant lui-même comme un philosophe rieur, Vincenzo Campi propose de jouir, sans en être dupe, des plaisirs de l’existence qu’il tourne en dérision.

On connaît six autres versions de ce tableau, mais celui de Lyon est considéré comme le seul de la main de Campi, en raison de sa qualité d’exécution supérieure à celle des autres. Conservée dans l’atelier du peintre de son vivant, puis par sa veuve, cette œuvre a dû servir de modèle pour les autres versions réalisées par des membres de son atelier. On peut également penser qu’elle était particulièrement chère au peintre en raison des résonances personnelles dont elle était porteuse.

Une restauration du tableau entreprise en 1991 a permis de rendre à ce tableau son aspect originel. Des repeints de pudeur avaient recouvert une partie du décolleté de la femme, jugé trop généreux, mais aussi une partie du fromage. C’est ainsi que l’on a découvert une mouche, présente dans d’autres natures mortes de Vincenzo Campi, ce qui étaye l’attribution du tableau à ce peintre. La présence de l’insecte permet surtout de confirmer que nous avons affaire à l’évocation d’un crâne et donc que ce tableau peut être qualifié de vanité.

Source : Fiche pédagogique du musée de Lyon

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