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La dame à la licorne

1490

La dame à la Licorne
Anonyme, France fin XVème
Musée de Cluny

Le lieu où cet exceptionnel ensemble de tapisseries a été exécuté, à la fin du XVe siècle, n'a pu être formellement défini. Il fut découvert par George Sand au château de Boussac, dans la Creuse.

Les six panneaux présentent, sur un fond rouge de "mille-fleurs " semé de végétaux et de petits animaux domestiques ou sauvages, voire exotiques, une noble dame richement parée, accompagnée sur certains panneaux d'une suivante, et entourée d'un lion et d'une licorne. Cinq de ces panneaux symbolisent, selon l'avis général, les cinq sens ; le sixième est plus mystérieux : devant une tente portant l'inscription "À mon seul désir ", la dame semble se défaire de ses bijoux, qu'elle dépose dans un coffret tenu par la servante, geste qui pourrait évoquer le renoncement au luxe, mais aussi aux passions, à la sensualité.

La tente symbolise aussi a présence divine et de la vacuité. L'inscription qui domine la tente, A mon seul désir, signifie que le désir de la créature se confond avec celui de la volonté qui la dirige. Dans la mesure où notre existence est un jeu divin, notre part devient libre et active, lorsque nous nous identifions au marionnettiste qui nous crée et nous dirige. Alors le soi se dissout pour faire place au Grand Soi, sous la tente cosmique reliée à l'étoile polaire.

La Dame par sa grâce et sa sagesse (Sophia -Shakti-Shekinah, c'est à dire celle qui est sous la tente) autant que par sa pureté, pacifie les animaux antagonistes du grand œuvre : le lion qui symbolise le soufre, et la licorne qui symbolise le mercure. La corne dressée de la licorne qui, symbolise la fécondation spirituelle et qui capte le flux de l'énergie universelle est en accord avec le symbolisme axial de la tente, prolongé par une pointe avec le symbolisme des deux lances, de la coiffure de la Dame et de sa suivante surmontée d'une aigrette, et des arbres qui célèbrent les noces mystiques de l'Orient et de l'Occident (le chêne et le houx répondant à l'oranger et à l'arbre à pain).

Les armoiries de gueules à la bande d'azur chargée de trois croissants montants d'argent suggèrent que ces tapisseries ont pu être commandées par le prince Djem, fils infortuné de Mahomet II, le conquérant de Constantinople (une autre hypothèse : ce pourraient être les armes de Jean Le Viste). L'idéal de ce prince, longtemps captif dans la Creuse où furent retrouvées ces œuvres ne consistait-il pas à réunir la Croix et le Croissant. L'île ovale qui supporte la scène est découpée comme un lotus, symbole de l'épanouissement spirituel. Quant au petit singe assis devant la Dame, il désigne l'alchimiste en personne, "le singe de la nature" veillant sur sa maîtresse qui peut être assimilée à la materia prima.

La licorne revient fréquemment dans l'iconographie médiévale ; au XVe siècle, on la retrouve intégrée au décor de mille-fleurs parmi d'autres animaux familiers ou fabuleux, ou encore comme thème central : le musée des Cloisters, à New York, conserve une Chasse à la licorne tissée en laine, soie et fils de métal.