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Icônes américaines
Chefs-d’œuvre du San Francisco Museum of Modern Art
et de la collection Fisher
Grand Palais, Galeries nationales Entrée galerie Sud-Est
8 avril - 22 juin 2015

Durant la rénovation du San Francisco Museum of Modern Art, le Grand Palais accueille les oeuvres les plus emblématiques du musée, ainsi que des pièces de la collection Fisher - dont le SF Moma est dépositaire - l’une des collections privées d’art moderne et contemporain les plus importantes du monde. Commencée dans les années 1970, la collection de Doris et Donald Fisher, co-fondateurs de l’entreprise Gap, rassemble plus d’un millier d’oeuvres signées de 185 artistes tels que Alexander Calder, Roy Lichtenstein, Agnes Martin, Richard Serra ou encore Andy Warhol. -

L’exposition prend pour point de départ l’œuvre d’Alexander Calder et d’Ellsworth Kelly qui, par leur exploration inventive de la couleur et de la forme, incarnent les débuts de l’abstraction avant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Les courants qui traversent la scène artistique new-yorkaise du début des années 1960 sont représentés ici par le pop art de Roy Lichtenstein et d’Andy Warhol et par des figures clés associées à l’art minimaliste, tels Carl Andre, Dan Flavin, Donald Judd et Sol LeWitt. Les peintures singulières novatrices de Richard Diebenkorn, Brice Marden, Agnes Martin et Cy Twombly révèlent la diversité d’approches de l’abstraction picturale telle qu’elle se développe aux États-Unis dans les années 1950 et 1960, et au sein de laquelle la trace de la main de l’artiste conserve toute son importance. L’influence de ces premières manifestations du pop art, du minimalisme et de l’abstraction se retrouve dans les toiles figuratives de Chuck Close et de Philip Guston, qui, vues de près, fascinent par la vigueur de leur gestuelle et qui, à distance, traduisent leurs sujets de manière à la fois puissante et énigmatique

 

Alexander Calder

Alexander Calder (1898-1976) a révolutionné l’art au début des années 1930 en introduisant le mouvement dans des compositions picturales et sculpturales jusque là statiques. Dans sa jeunesse, il a gravité dans les milieux de l’avant-garde artistique, alternativement à Paris et à New York, et ses premières expériences avec la mobilité coïncident avec la transition qu’il opère de l’art figuratif vers l’art non objectif. Bien qu’issu d’une famille d’artistes, Calder a d’abord suivi une formation d’ingé- nieur et cette combinaison d’intelligence technique et de dons artistiques va lui permettre d’utiliser les lois de la physique pour régler, dans ses compositions abstraites, des problèmes d’équilibre ou de dynamique. Dans ce choix circonscrit d’œuvres des années 1940 et du début des années 1950, on découvre des constructions murales ludiques, en forme de machines, connues génériquement sous le nom de « constellations » et de « tours », et des mobiles suspendus ou posés au sol, animés par les courants d’air ambiants. À l’époque, Calder n’était pas encore reconnu comme l’un des plus grands artistes américains du XXème siècle, mais les œuvres présentées ici montrent déjà la vitalité, l’ingéniosité et les étonnantes inventions formelles qui lui vaudront bientôt son immense réputation

Ellsworth Kelly

   

Ellsworth Kelly (né en 1923) a élaboré son approche de la peinture lors de son séjour en France entre 1948 et 1954. Expérimentant diverses techniques aléatoires, pratiquant la photographie et le collage, il développe une forme d’abstraction ancrée dans son observation de la nature et de l’environnement bâti, qu’il s’agisse d’oiseaux, de plantes ou de fragments architecturaux. Cité (1951) a été inspiré par un rêve dont s’est souvenu l’artiste après une nuit passée à la Cité internationale universitaire à Paris. Composée de vingt panneaux de bois jointoyés qui, par leurs bordures ondulées, amplifient le rythme dansant des bandes peintes, cette œuvre traduit la conviction de Kelly, qui voit en ses peintures des objets à part entière plutôt que des représentations de sujets extérieurs. Coloriste exceptionnel, Kelly, par sa palette, se distingue nettement des gammes chromatiques plus sombres et très mélangées qui dominent la peinture américaine à la fin des années 1940 et au début des années 1950, et que l’on voit ailleurs dans cette exposition chez des artistes comme Philip Guston et Richard Diebenkorn. L’œuvre précoce Spectrum I (1953) figure parmi les dizaines de peintures et de collages au travers desquelles Kelly explore la question complexe de l’effet d’harmonisation au sein du spectre des couleurs. La relation entre la figure et le fond dans Red White (1962) illustre le sens tout aussi développé de la géométrie et des proportions qui caractérise ses compositions. Utilisant la couleur et la forme pour stimuler les sens et provoquer des réactions émotionnelles, Kelly enrichit ses abstractions soigneusement calibrées en y introduisant des résonnances avec les jeux de formes, de couleurs et de lumières qui peuplent notre vie quotidienne.

Cy Twombly

   

Très tôt dans sa carrière, au début des années 1950, Cy Twombly (1928-2011) s’est détourné de l’abstraction pure, adaptant à ses propres fins l’intensité émotionnelle et la touche dramatique caractéristiques des peintres de l’école de New York pour créer des œuvres personnelles qui font directement référence à des paysages et des épisodes de l’histoire et de la culture de l’humanité. En s’établissant définitivement en Italie en 1957, Twombly creusera encore le fossé qui le sépare de l’univers artistique américain. Son immersion dans la vie italienne et ses nombreux voyages en Europe, en Afrique du Nord et au Proche-Orient vont alimenter son imagination et lui inspirer des œuvres comme Second Voyage to Italy (Second Version) (1962), qui évoque le voyage d’un héros classique, ou Untitled (Bacchus 1st Version IV) (2004), qui rend la dimension très charnelle du dieu romain du vin et du plaisir. Immergé dans la littérature, la poésie et la mythologie antique, Twombly a élaboré tout un répertoire de touches frénétiques, de dessins griffonnés en tous sens et de marques ressemblant à des lettres, qui évoque des préoccupations plus ordinaires de l’existence humaine. La série de peintures grises et sobres qu’il commence au milieu des années 1960 – comme Untitled (Bacchus 1st Version IV) (2004) – sont souvent désignées sous le nom de « tableaux noirs » à cause de leur ressemblance superficielle avec les tableaux noirs des écoles couverts d’annotations à la craie dans les salles de classe. Twombly y bouscule les frontières entre la peinture, le dessin et l’écriture manuscrite, et évite toute allusion directe à des récits littéraires ou historiques. Cependant, même ces œuvres tourbillonnantes et totalement abstraites suggèrent la profondeur et la complexité de l’expérience humaine ; elles affirment que le fait de laisser sa marque sur la toile est, en soi, l’expression d’une force créatrice vitale.

Philip Guston

   

Les œuvres lyriques de Philip Guston (1913-1980), créées dans les années 1950, ont valu à cet artiste d’être reconnu comme l’un des plus grands peintres expressionnistes abstraits de la décennie. Les touches intenses de rose, de rouge et de blanc qui planent au centre de For M. (1955) – œuvre que l’artiste dédie à sa femme Musa – sont emblématiques de ses toiles abstraites brillantes. Dans les années 1960, une période de profonde réflexion et d’expérimentation conduit Guston à opérer une transition spectaculaire vers des formes grossières, à la fois sombres et ludiques, qui évoquent la bande dessinée et qu’il commence à incorporer dans ses œuvres figuratives des années 1970. Il poursuivra cette orientation durant tout le reste de sa carrière. Lors d’une exposition à la Marlborough Gallery à New York, en 1970, Guston choque le monde artistique avec ses premières œuvres, comme Evidence (1970) qui fait référence au monde exté- rieur avec ses empilements de vieilles chaussures, ses briques volantes, ou encore son doigt pointé côtoyant des corps jonchant le sol. Le nouveau vocabulaire que l’on découvre ici se construit sur l’immersion que l’artiste a connue enfant dans la culture populaire, et notamment dans les films et les dessins animés (domaine qu’il a d’ailleurs brièvement étudié par correspondance durant sa jeunesse à Los Angeles), mais il naît aussi d’un désir de sortir des confins de son atelier. Rattachant ses conflits intérieurs entre l’abstraction et la figuration à son besoin de s’engager dans le monde à travers son œuvre, il explique : « Je me sentais partagé, schizophrène. La guerre, ce qui arrivait à l’Amérique, la brutalité du monde. Quelle sorte d’homme suis-je, assis chez moi à lire des magazines, me mettant en fureur à propos de tout, frustré, puis allant dans mon atelier pour ajuster un rouge par rapport à un bleu ? »

Richard Diebenkorn

   

Richard Diebenkorn (1922–1993) est célèbre comme peintre figuratif, mais il est peut-être surtout connu pour ses toiles abstraites qui ont pour titres les noms des villes ou des quartiers dans lesquels elles ont été peintes. Visiblement travaillés et retravaillés, ces tableaux représentent moins des localités qu’ils ne cherchent à exprimer l’expérience contingente et toujours changeante que l’artiste a vécue en un lieu donné. Cette expérience, qui trouve sa traduction dans des couleurs, des lignes et de nombreux repentirs – sous forme de traces d’états antérieurs et d’altérations –, se caractérise par des émotions autant que par des caractéristiques géographiques. Entre 1953 et 1956, années qui conduisent à la transition inattendue et controversée qu’il opère vers la figuration, Diebenkorn exécute près de soixante toiles abstraites portant le titre Berkeley – la ville où il vivait et travaillait alors en Californie –, suivi d’un numéro d’ordre. Des œuvres comme Berkeley #23 et Berkeley #47, toutes deux peintes en 1955, montrent l’étendue des effets chromatiques et la diversité des compositions qu’il parvient à créer. D’autres, comme Ocean Park #54 (1972) et Ocean Park #122 (1980), sont issues d’une série de plus de cent quarante peintures et de plusieurs centaines d’œuvres sur papier que l’artiste a commencées en 1967 après s’être établi à Los Angeles, en Californie. Revenant à l’abstraction, il utilise des géométries linéaires qui rappellent celles dont il se servait pour définir les espaces intérieurs de ses tableaux figuratifs. Diebenkorn dira plus tard que les toiles d’Ocean Park sont libérées de toute obligation de représenter « le concentré de psychologie qu’est une personne » ; néanmoins, par leurs surfaces faites de strates multiples, leur dessin sous-jacent apparent et leurs passages retravaillés, elles portent les marques du travail physique et psychologique qui entre dans leur création.

Carl Andre

 

Depuis cinquante ans, Carl Andre (né en 1935) élabore un mode de sculpture qui consiste à placer des matériaux bruts dans une certaine relation à l’espace qui les entoure. Comme il l’explique, cette démarche s’inspire du travail du carreleur et du maçon qui monte un mur en briques ou en pierres, mais contrairement au maçon, Andre ne fixe pas définitivement ses briques ou ses carreaux qui, demeurant des unités indépendantes et mobiles, composent des créations que n’importe qui – en apparence – pourrait faire et défaire manuellement. Andre est surtout connu pour des œuvres comme Copper-Zinc Plain (1969), constituées d’éléments distincts posés directement sur l’étendue plane et horizontale du sol auquel elles font directement écho. Cependant, loin de se fondre dans leur environnement, ces œuvres incitent le spectateur à les aborder depuis de multiples points de vue et à s’interroger sur l’espace qu’occupe l’art dans sa relation à tout ce qui l’entoure ; elles sont même conçues au départ pour que l’on puisse marcher dessus et les voir d’en haut. Dans des œuvres ultérieures, comme Parisite, où deux bandes de cuivre croisées viennent animer l’architecture de la galerie, ou 13th PbFe Triangle (1987) avec sa bordure de plomb en dents de scie qui pénètre dans l’espace, Andre développe ses explorations antérieures sur la relation spatiale entre l’art et le spectateur. Pour certains, l’œuvre d’Andre est l’exemple même du minimalisme ; pour d’autres, elle est l’expression enjouée de la rigueur critique qui sous-tend une grande partie de l’art de la fin du XXème siècle.

 

Chuck Close

Cette salle présente les portraits que Chuck Close (né en 1940) a réalisés d’artistes qui sont ses aînés, comme Robert Rauschenberg, Roy Lichtenstein et Agnes Martin. Sa méthode de travail rigoureuse, affinée au cours de plus de quarante-cinq de carrière, lui permet de transposer sur la toile les traits de ses modèles : des amis, des membres de sa famille et des artistes. Close commence par prendre des photos de son modèle, parmi lesquelles il en choisit une qu’il subdivise en de multiples cellules à l’aide d’une grille. Puis, dans un processus qui lui demande de nombreux mois de travail, il peint à partir de cette grille le portrait correspondant à l’image. L’aptitude de Close à créer des portraits immédiatement identifiables grâce à cette juxtaposition de centaines de cellules individuelles est d’autant plus remarquable que l’artiste lui-même est atteint d’une déficience cognitive qui le rend incapable de reconnaître les visages. Close a rencontré la plupart des personnages qui sont devenus ses sujets après s’être installé en 1967 à New York, où les vives discussions entre artistes vont l’aider à définir sa propre position esthé- tique. Dans ses portraits, il transpose d’ailleurs ces conversations sur la toile, car les techniques et mé- thodes qu’il adopte entrent en dialogue avec les innovations artistiques de ses sujets. Dans Robert (1996-1997), par exemple, qui est un portrait de Rauschenberg, il rend hommage à la manière dont cet artiste abolit la hiérarchie entre la peinture et la photographie. De même, les touches de peinture qui composent Roy I (1994) sont, comme les points Benday de Lichtenstein, des marques que l’on peut apprécier individuellement en tant que telles, mais aussi des unités qui, ensemble, composent une image. Agnes (1998) est un hommage rendu à Agnes Martin et à la grille, qui est une base fondamentale du travail des deux artistes.

Roy Lichtenstein

 

 

Les peintures de Roy Lichtenstein (1923-1997), inspirées par la bande dessinée, sont devenues emblématiques du pop art. Ses œuvres les plus connues reposent sur une imagerie issue des bandes dessinées de guerre et sentimentales, mais son véritable sujet n’est pas les comics, c’est l’art lui-même. Au cours d’une carrière de plus de quarante ans, il a produit un important corpus de peintures, sculptures et estampes, où il explore dans quelle mesure toute représentation – dans le domaine des beaux-arts comme dans celui de la culture populaire – repose sur des systèmes abstraits de marques. Dans Live Ammo (Tzing!) (1962) et autres toiles du début des années 1960, Lichtenstein emprunte à son matériau-source populaire non seulement son sujet mais aussi son style, en adoptant les couches successives de points Benday utilisés dans les illustrations commerciales sont un moyen économique d’enrichir la palette standard de rouge, jaune, bleu et noir de l’impression en quadrichromie. Dans ses représentations simplifiées d’objets ordinaires, comme Tire (1962), il explore la manière dont l’imagerie stylisée de la publicité et des catalogues commerciaux peut conditionner notre rencontre avec l’art, et inversement. Postmoderne avant la lettre, il s’appuie beaucoup sur l’appropriation et le pastiche, mêlant souvent des références à différents mouvements, sujets et styles artistiques. Dans Figures with Sunset (1978), qui fait partie d’une série inspirée par le surréalisme, Lichtenstein combine librement une imagerie issue de Salvador Dali et de Pablo Picasso avec des motifs provenant de sa volumineuse production personnelle, ce qui est une façon de nous rappeler que l’art moderne prend forme et circule dans le même univers visuel que les autres formes d’imagerie populaire.

 

Donald Judd

Entre le début des années 1960 et le début des années 1990, Donald Judd (1928-1994) forge les principes d’un art géométrique abstrait radicalement nouveau. Considéré par beaucoup comme le principal théoricien et praticien du minimalisme, lui-même n’estime appartenir à aucune école artistique particulière, préférant être qualifié d’« empiriste », s’il faut à tout prix lui coller une étiquette. Quoi qu’il en soit, Judd crée des œuvres qui demandent à être comprises par le biais d’une expérience directe, car il se débarrasse systématiquement des signifiants et des caractéristiques conventionnelles de l’art en éliminant les socles, en supprimant toute trace de la main de l’artiste et en rejetant les matériaux traditionnels des beaux-arts. Parmi les premières œuvres de Judd, l’une des plus connues et des plus iconiques est To Susan Buckwalter (1964), grande sculpture composée de quatre boîtes en fer galvanisé de mêmes dimensions, disposées à intervalles réguliers et rattachées par une barre en aluminium d’un bleu éclatant. C’est aussi l’une des premières qu’il fait fabriquer par une entreprise industrielle. Elle est associée ici à deux œuvres orientées verticalement – toutes deux sans titre et datant respectivement de 1973 et de 1988 – qui, ensemble, montrent la diversité des effets que l’artiste parvient à créer à partir de différents matériaux. De mêmes dimensions, ces deux sculptures, généralement appelées « empilements », se composent chacune de dix unités, mais alors que l’œuvre en acier inoxydable donne l’impression d’être dense, compacte et ancrée dans le mur, celle en cuivre et en Plexiglas, qui ressemble à un puits ouvert de métal brillant et de lumière, crée à l’inverse une impression de fluidité et de légèreté éphémère.

Dan Flavin

Dan Flavin (1933-1996) a créé presque sept cents œuvres d’art uniques à partir d’ampoules et de luminaires fluorescents achetés dans le commerce. Ce matériau, qu’il introduit dans le monde de l’art en 1963, devient rapidement sa marque de fabrique. Par son usage systématique d’articles industriels, Flavin se situe dans la lignée d’artistes comme Donald Judd et Carl Andre qui sont parmi les premiers à avoir été qualifiés de minimalistes. Cependant, Flavin lui-même s’inscrit en faux contre les connotations d’austérité que contient cette désignation, qui ne rend pas justice à l’utilisation luxuriante qu’il fait de la couleur et de la lumière, à ses brillantes interventions architecturales et à l’intelligence avec laquelle il a transformé des luminaires bon marché en un médium artistique à part entière. Les deux sculptures présentées ici, toutes deux de 1969 et issues de deux importants corpus d’œuvres, mettent en évidence la dimension conceptuelle de la pratique de Flavin. “monument” for V. Tatlin fait partie d’une série de trente-neuf œuvres exécutées entre 1964 et 1990 et dédiées au constructiviste russe Vladimir Tatlin. Utilisant exclusivement la lumière, toutes deux rappellent Tatlin à la fois par leur silhouette et par la manière dont elles réussissent la fusion de l’art et de la technologie. untitled (to dear, durable Sol from Stephen, Sonja, and Dan) one est un des premiers « carrés d’angle », ainsi appelés parce que cette structure d’environ 244 x 244 centimètres est placée dans l’angle d’une pièce. Par cette œuvre composée de deux types de lumière blanche, Flavin rend un hommage poétique et admiratif à son ami Sol LeWitt, d’abord en le mentionnant dans le titre mais aussi en adoptant – et en illuminant – l’esthétique magnifiquement dépouillée et conceptuellement rigoureuse de ce maître du cube.

 

 

 

Sol LeWitt

Sol LeWitt (1928-2007) posait pour principe qu’une idée peut suffire à constituer une œuvre d’art et il estimait par ailleurs que les meilleures créations artistiques naissent quand on suit, absolument et logiquement, des pensées originales, et même irrationnelles. Au milieu des années 1960, LeWitt élabore systématiquement un répertoire de formes géométriques qui vont lui servir d’éléments de construction pour représenter lignes, formes, volumes et espaces. Dans sa simplicité, ce vocabulaire formel lui permet d’éliminer tout contenu subjectif de son art, et d’explorer les multiples possibilités de la sérialité et de la modularité. Wall Grid (3 x 3) (1966) met en lumière la préoccupation constante de LeWitt pour l’interaction entre l’art et l’espace qu’il occupe, le mur devenant un élément même de l’œuvre qui y est accrochée. Intéressé par la production d’œuvres véritablement bidimensionnelles, LeWitt en vient à la conclusion que la seule solution consiste à dessiner à même le mur. En octobre 1968, il exécute Wall Drawing 1, le premier d’une série de plus de mille deux cents Wall Drawings qu’il concevra au cours des quarante années suivantes. Dans Wall Drawing 1A, exécuté pour la première fois en 2002, il démontre l’impact visuel de la couleur en remplaçant le graphite de la composition de 1968 par du crayon de couleur. Conformément à la séparation prônée par l’artiste entre l’idée qui inspire la création d’une œuvre et sa concrétisation dans l’exécution, chaque Wall Drawing existe sous forme d’un ensemble d’instructions qui peuvent être exécutées à de multiples reprises et en différents lieux par des assistants qualifiés. Chaque installation est temporaire, le mur étant repeint à la fin de chaque exposition.

 

Brice Marden

   

Les peintures de Brice Marden (né en 1938) sont à la fois érudites et instinctives, combinant une observation aiguë de l’art et de la nature avec un processus de production très physique, qui, selon l’artiste, ressemble à une danse. Marden s’est d’abord fait un nom au milieu des années 1960 avec des toiles monochromes aux surfaces mates et sensuelles faites de couches de peinture à l’huile associée à de la cire d’abeille et à de l’essence de térébenthine. Dans les années 1980, il commence à expérimenter avec la structure en grille caractéristique de certaines formes de calligraphie, travaillant avec une peinture à l’huile diluée, ponçant et grattant la toile pour produire des surfaces complexes qui semblent perdre en épaisseur alors même que les couches s’accumulent. À cette époque, le travail de Marden est très influencé par la calligraphie chinoise, et notamment par les écrits d’un poète légendaire de la dynastie Tang (608-906) surnommé « Montagne froide », à qui l’artiste rend hommage dans Cold Mountain 6 (Bridge) (1989-1991). Les trois toiles exposées ici illustrent le travail de Marden depuis les années 1980. Elles ont été exécutées en appliquant la peinture à distance à l’aide de longs pinceaux, puis en l’essuyant de près, ce qui est une manière de remettre en question la distinction traditionnelle entre la figure et le fond. On entrevoit également les traits « annulés » : recouverts de peinture claire, ils deviennent ce que l’artiste appelle des « figures fantômes », qui représentent à la fois l’histoire de l’œuvre et une forme de possession métaphysique du présent par le passé. Marden nous rappelle ainsi que nous regardons rarement vers l’avant sans nous retourner aussi vers le passé.

Agnes Martin

   

Agnes Martin (1912-2004) a cherché à traduire l’immatériel en formes visibles et concrètes. Travaillant à partir d’un nombre extrêmement restreint de contraintes qu’elle s’imposait, elle a produit un remarquable ensemble d’œuvres fondées presque exclusivement sur la grille, celle-ci lui permettant, comme elle l’a expliqué, d’exprimer l’innocence et une sorte de liberté par rapport au chaos et à l’agitation de la vie quotidienne. Pour Martin, ses toiles étaient un répit qu’elle s’accordait, et une occasion d’entrevoir la perfection et la véritable beauté. La variété des effets qu’elle crée en faisant glisser son pinceau et son crayon sur la surface texturée de la toile atteste sa profonde maîtrise des propriétés physiques des matériaux qu’elle utilise. À l’intérieur des paramètres stricts qu’elle se fixe – ses tableaux sont toujours carrés et construits sur des combinaisons de lignes parallèles et perpendiculaires, avec peu d’inflexions de surface –, Martin parvient à une étonnante richesse de tons, de textures et d’impressions optiques. Sa production présente en effet une grande diversité, depuis les grilles blanches précises, composées de traits au graphite fins comme une lame de rasoir, jusqu’aux compositions sombres, grises, en forme de carreaux de fenêtres, ou encore aux toiles faites de bandes fluides aux couleurs gaies. Vue à distance, un tableau comme Falling Blue (1963) a une présence atténuée, ses surfaces complexes se fondant en des carrés de couleurs qui flottent, mais un examen plus attentif révèle la présence de centaines de traits minutieusement et laborieusement appliqués au graphite et à la peinture. La subtilité optique de ces peintures exige du spectateur qu’il les regarde avec une extrême sensibilité et en prenant son temps ; elle invite à une forme de méditation visuelle.

 

Andy Warhol

   

 

Andy Warhol (1928-1987) a créé des images de célébrités qui figurent parmi les plus provocantes et les plus durables du XXème siècle tout en ayant cultivé lui-même une personnalité énigmatique. D’abord illustrateur connu pour ses illustrations fantaisistes dans des magazines de mode, il va appliquer cette expérience à sa pratique des beaux-arts en utilisant des méthodes de travail et des stratégies issues du monde du commerce et de la publicité. En 1962, après avoir expérimenté des techniques picturales manuelles, il choisit pour principal médium la sérigraphie, qui est une méthode de reproduction photomécanique. Toutefois, il ne se contente pas d’adopter les techniques des mass-médias ; dans certaines de ses peintures les plus célèbres, il crée des images multiples de célébrités pour mieux souligner le caractère insaisissable de leur personnalité. La qualité cinématique de ces œuvres correspond parfaitement à leurs sujets, qui semblent surgir et s’effacer tels des apparitions vacillantes. Silver Marlon (1963) et National Velvet (1963) représentent les jeunes vedettes de cinéma Marlon Brando et Elizabeth Taylor — que Warhol a également peinte dans Liz #6 [Early Colored Liz] (1963) et de nombreuses autres œuvres – en symboles omniprésents mais impossibles à cerner. Cette fascination de Warhol pour les célébrités n’est pas incompatible avec ses autres centres d’intérêt à l’époque : les criminels – comme dans sa série Most Wanted Men –, les accidents de voiture, les violences raciales et les tragédies de la vie quotidienne. Dans toutes ces œuvres, Warhol pose des questions insolubles concernant la mort, la culture, la consommation et l’identité

Sources: