Le jeudi 20 septembre Serge Bozon présentait Tip-Tap au cinéma Lux

Serge Bozon ne voulait pas d'un film construit sur une mécanique d'intrigues à la Agatha Christie. Il souhaitait d'abord réaliser le portrait de personnes dans un milieu, le nord de la France.

Une adaptation fidèle mais pas trop

La fin abrupte, Sally ouvrant la porte avec un marteau, est la même que dans le roman de Bill Jones dont le film est adapté. Le romancier ne prend pas même la peine de désigner les coupables, Bontemps et Belkacem. Serge Bozon a aimé le style d'humour agressif du roman mais moins le jeu de massacre où, par exemple, systématiquement les femmes trompent leurs maris. Il a donc décidé d'être un peu plus clair sur l'intrigue et de designer sa coupable très tôt, du moins pour les cinéphiles : Rachida Belkacem a un problème à l'œil comme les méchants dans les James Bond. Il a surtout pris le contrepied d'avoir des femmes qui aiment leur mari et a transplanté l'intrigue de la bourgeoise anglaise aux quartiers des villes nouvelles du Nord de la France avec le thème souterrain de l'inquiétude, travaillé sur deux versants : l'inquiétude par rapport à l'Algérie et l'inquiétude envers l'enfant

Un langage corporel abstrait

Serge Bozon voulait aussi se dégager des polars français d'hommes avec leur fascination des flics pour les truands et leur machisme ordinaire. Le second degré introduit par une enquête de la police sur la police permet de révéler les méthodes de celle-ci : l'excès de surveillance et de violence sont les risques intrinsèques au métier que les deux femmes emportent dans leur vie privée.

On a un duo comique féminin entre une mince et une autre mince qui veut imiter l'autre jusque dans sa coupe de cheveux et ses vêtements. C'est un duo de femmes excentriques ce qui est plus généreux qu'un duo décalé qui dépendrait de la situation. Là le comique est autonome. Le film s'arrête quand il est allé au bout de son sablier interne, quand il est allé au bout du mimétisme : Sally a changé et est devenue comme Esther. Mate se fait frapper, claque à la fin

Pas de mouvements, mais des lignes de fuite avec Damiens en inspecteur Nunuche qui veut aller à Paris. Bozon n'aime pas les films policiers sans imperfection comme les films d'Audiard qu'il juge trop froids. Damiens improvise des dialogues burlesques: un chef de gang doit être placide, le discours où il accumule des grands mots : équité, générosité, incorruptibilité..., son conseil, maintenant il n'y a plus qu'à manger... équilibré. C'est pour cette performance que Bozon l'a engagé suite à son observation des discours fous qui sont restés dans les chutes de La famille Wolberg.

Les ruptures de ton sont favorisées par le faible nombre de décors qui, comme dans les séries B américaines, rend les retours sur les mêmes lieux obsessionnels (lac, vent butte, deux petits immeubles douceur de la butte) C'est dans les détails que l'on retrouve la vérité d'une époque. La nouvelle vague était à ses début en phase avec son époque puis beaucoup moins. Mocky seule retrouvait cette adéquation avec son attention aux caisses de supermarché. Serge Bozon aime son humour agressif mais moins son point de vue surplombant. Il n'ya pas ici de bouffonnerie généralisée. Virginie Benamar en est ainsi totalement dénuée.

Film tourné intégralement en Belgique et au Luxembourg. Pas de musique hors de la chanson turque entendue in et musique du téléphone car proposer un compositeur luxembourgeois donne 15 points pour accéder au financement.


Contrôleur général plus grand accent arabe parle fort avec "c'est tout" refuser qu'un acteur fasse son numéro. Trio nordique teint clairs et taches de rousseur.
Atmosphère onirique comme Bellamy rêverie imagination rêve et réalité. Les quatre gouttes de sang qui tombe du nez d'Isabelle Huppert sont réalisées par effet numérique. Un seul gros plan sur "Je crois que je ne vais pas réussir à vous déplacardiser"

Le film ne recherche ni l'élégance hollywoodienne (juste une reprise d'un raccord de Berlin express après le passage du bus comme ici après le passage du RER) ni une comédie pour beaufs. Quelque chose de plus aride et rendu tel par la suppression de 30 pages de scénario une semaine de tournage en moins.

Jean-Luc Lacuve le 27/09/2013