Le 10 mai 2012, Alain Bergala vient présenter Fengming, chronique d'une femme chinoise (2007) et Le fossé (2012) à l'occasion de leur distribution en France par Capricci.

En 1999, Wang Bing débute avec une petite caméra vidéo du commerce le tournage de son premier documentaire, A l'Ouest des rails à Shenyang dans la province Liaoning. Alors qu'il commence à tourner, le gouvernement décide de la fermeture de cet immense complexe industriel. Wang Bing va filmer les conséquences sur la vie de milliers de Chinois contraints à l'exode.

Il obtient une bourse en Hollande pour effectuer un premier montage de six heures avant celui, définitif, de 9h11 minutes présenté au festival International du Film de Berlin en 2002. Il reçoit ensuite le Grand Prix du Festival International du Documentaire de Lisbonne 2002, le Grand Prix du Festival International du Documentaire à Marseille en 2003, puis la Montgolfière d'Or (Jury Documentaire) du Festival des 3 continents de Nantes en 2003 et le Grand Prix du Festival du film de Yamagata 2003. Alain Bergala, juré de ce Festival, soutient le film aux Cahiers du cinéma et devant les exploitants des salles de recherche. Le film sort à l'été et obtient un succès inattendu. Le film n'est pas distribué en Chine mais sera vu dès que Marin Karmitz l'exloite en DVD. C'est pourquoi Wang Bing demande à Mk2 à ce que les sexes des ouvriers soient floutés pour ne pas gêner, en Chine, les ouvriers qu'il a filmés.

Wang Bing s'installe à Paris sans se donner l'image d'un opposant emblématique du régime. Il travaille pour la mémoire de la Chine alors que la jeunesse chinoise toute occupée à consommer aussi bien que le pouvoir occultent tout retour sur le passé.

Dès 2006, Wang Bing prépare Le fossé, projet très ancien basé sur un livre d'enquêtes déguisées en fiction pour échapper à la censure. Il rencontre une quarantaine de personnes pour préparer son film et tombe sur Fengming qui a déjà écrit un livre sur le sujet. Il la filme. Ce sera Fengming, chronique d'une femme chinoise (2007).

Wang Bing participe aussi à deux projets collectifs, Brutality Factory pour L'Etat du monde (2007) et L'argent du charbon (2009) pour la série documentaire L'usage du Monde. Il met en place au MOMA une installation, Caiyou riji, bande filmée de 24 heures d'une journée de travail dans un champ pétrolifère chinois, d'une sieste volée dans une salle de repos jusqu'au creusement des puits.

Avec l'aide de différents festivals (la Cinéfondation de Cannes, Pusan, Rotterdam), Wang Bing travaille sur son projet du Fossé et obtient un cofinancement franco-belge qui lui permet de commencer le tournage. La Chine tolère et préfère ne pas savoir. Les camps de rééducation de la période des Cent fleurs sont une réalité moins refoulée que ceux de la révolution culturelle. Avec Le fossé, Wang Bing réussit un documentaire reconstitué avec une recherche du réalisme (habitations creusées dans la terre, vêtements, couvertures mortuaires) qui n'exclut pas de montrer, qu'au plus près de la misère extrême (vomi, cannibalisme), la beauté existe. Cela le rapproche ainsi de l'esthétique de Pedro Costa.

On y trouve le motif de la boite et de l'étendue que l'on connait dans les westerns de John Ford, le rythme du film épouse d'ailleurs celui des Cheyennes que l'on laisse mourir à petit feu. De façon plus contemporaine, le film se rapproche du Gerry de Gus van Sant. Il fait par moment penser à des éléments beaucoup plus anciens. Le corps nu déposé sur une couverture pourrait être une déposition de croix et les corps enfermés dans des couvertures rappellent les sarcophages égyptiens.

Résonances avec les traces les plus anciennes de la culture : déposition de croix ou sarcophages égyptiens

Alain Bergala le 10 mai 2012