Chacun des livres de Patrick Brion sur le cinéma américain, période 32-63 (2001), Albert Lewin (2002), John Ford (2002), Clint Eastwood (2002), John Huston (2003), Le film noir (2004), Martin Scorsese (2004) ou Joseph L. Mankiewicz (2005) est un trésor d'érudition et de passion qui en fait l'ouvrage de référence sur le sujet. Celui-ci, consacré à Elizabeth Taylor, ne fait pas exception à la règle.

Dans sa courte préface de cinq pages, Patrick Brion rappelle qu'il y a au minimum trois raisons de s'attacher à la personnalité d'Elizabeth Taylor. La première est de rendre hommage à sa beauté exceptionnelle, qui en a fait l'une des plus inoubliables actrices de l'âge d'or hollywoodien. La seconde est bien évidemment sa qualité d'actrice : peu d'artistes auraient été capables de personnifier Cléopâtre avec ce sublime mélange d'ambition et de passion, d'amour et de rouerie, d'humour et d'intelligence. Il faut enfin admirer la tendresse qu'elle a manifestée envers les autres, envers tous ceux que la société risquait de heurter et de faire souffrir.

Les cinquante pages de biographie rendent en effet particulièrement hommage à l'amitié dont a fait preuve Elizabeth Taylor envers les plus fragiles, particulièrement envers ses camarades acteurs homosexuels. Lorsque le sida fera les ravages que l'on sait, elle sera d'ailleurs la première à se mobiliser pour récolter des fonds en faveur de la recherche, quand d'autres lui conseillent de s'occuper de causes moins gênantes. Ces choix, rappelle Patrick Brion sont ceux d'une femme libre, prête à braver les conventions. Ceux qui n'ont vu en Elizabeth Taylor qu'une femme riche encombrée de maris et couverte de bijoux n'ont jamais compris son véritable caractère, celui d'une femme qui tint coûte que coûte à assumer sa liberté. Rock Hudson disait qu'elle était indestructible comme le prouvent nombre de maladies, d'accidents, d'opérations et de maris qu'elle a dû affronter.


Le cœur de l'ouvrage est constitué de sa troisième partie où sont auscultés les quelques soixante-trois films dans lesquelles Elizabeth Taylor fut presque toujours l'actrice principale durant sa longue carrière de cinquante deux ans, s'étalant de 1942 à 1994 (même si Patrick Brion consacre aussi une page à son interprétation en 2001 dans, These Old Broads, son dernier téléfilm à ce jour.)

Elizabeth Taylor est une actrice qui joue d'instinct sans avoir pris de cours d'art dramatique, méticuleuse dans le travail. Elle lit trois fois le texte le soir pour le lendemain et n'y pense plus en s'endormant "Je ne passe pas des heures à me demander si je dois faire tel ou tel geste. Je sais que ça paraît drôle mais, pour moi, ça vient facilement, c'est tout". Richard Burton dit avoir appris d'elle l'importance de la tranquillité, l'importance de maintenir sa voix à un niveau pas plus haut que celui d'une conversation au téléphone.


Le talent d'Elizabeth Taylor éclate dès Jane Eyre (1943) puis la petite fille du début devient une jeune fille (Une place au soleil), une fiancée (Le père de la mariée) puis une épouse (Rhapsodie, La piste des éléphants et surtout La chatte sur un toit brûlant). Après Cléopâtre sa carrière est plus inégale mais elle n'hésite pas à interpréter des rôles où elle s'assume plus âgée (Doux oiseau de jeunesse pour la télévision, Qui a peur de Virginia Wolf ?)

C'est probablement Mankiewicz qui utilise au mieux ses talents d'actrice dans le monologue final de Soudain l'été dernier puis dans Cléopâtre. Elle s'y montre capable de personnifier avec ce sublime mélange d'ambition et de passion, d'amour et de rouerie, d'humour et d'intelligence la reine d'Egypte, maîtresse de Jules César puis de Marc Antoine. Le clin d'œil adressé à Jules César à la fin du défilé triomphal destiné à bluffer les Romains est aussi fascinant que la manière dont Cléopâtre choisit la mort plutôt que l'humiliation auprès d'Octave.

Le livre des éditions Riveneuve est illustré de très nombreuses photos noir et blanc et couleurs et complété d'une bibliographie et d'un index. Un ouvrage indispensable sur l'actrice.

 

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Elizabeth Taylor
Editeur : Riveneuve, Collection : Cinéma. Juin 2010. 278 pages au format 17cm x 22,5cm. 26 €
Patrick Brion