La chasse du
comte Zaroff

d’Ernest B. Schodsak
Un baquet
de sang

de Roger Corman
L'halluciné
de Roger Corman
Le carnaval
des âmes

de Herk Harvey

Editeur : Wild Side Video, mai 2010. Master restauré. V. O. avec sous-titres français. 10 € chacun.

Six films d'horreur au programme de cette troisième série Vintage Classics éditée par Wild side avec trois films de Roger Corman (Un baquet de sang, La petite boutique des horreurs et L'halluciné) qui assura presque à lui tout seul l'émergence du cinéma indépendant américain de série B au tournant des années 60 ; un film de studio d'horreur plus classique mais très efficace et mâtiné de thriller, La nuit de tous les mystères de William Castle et enfin deux chefs-d'oeuvre du film fantastique, La chasse du comte Zaroff d’Ernest B. Schodsak (titre français choisi lors de sa sortie et modifié ensuite en Les chasses du comte Zaroff) et le matriciel Carnaval des âmes de Herk Harvey qui inspira Romero, Lynch et tout récemment encore Yella, le très beau film allemand de Christian Petzold.

 

La chasse du comte Zaroff d’Ernest B. Schodsak
Bob Rainsford, un célèbre chasseur, est le seul rescapé d'un naufrage. Il échoue sur une île sur laquelle règne le Comte Zaroff. Lui aussi est un chasseur de talent, mais il s'ennuie. Il confie ne plus s'intéresser qu'au " gibier le plus dangereux ! ". Rainsford réalise que ce gibier n'est autre que l'homme et que lui-même doit relever le défi : se faire traquer sur une île dont il ne peut s'échapper.

Pour sa forteresse gothique, ses marécages embrumés et sa forêt inextricable, ce film est devenu un classique du film fantastique. S'il relève bien de ce genre tout autant que de celui du film d'aventures c'est non seulement que son tournage est concomittant de celui de King Kong mais aussi parce que Schoedsack fait du raffiné comte Zaroff un fou devenu démon.

Réalisé par Schoedsack, le film est produit par Cooper sous le contrôle de Zelznick qui compte sur ces deux aventuriers pour relancer le studio. C'est le projet de King Kong qui mobilise alors l'énergie des trois hommes mais Schoedsack réussit à tourner celui-ci comme une sorte de banc d'essai. Les décors de l'île, l'équipe technique et l'actrice principale, Fay Wray, sont les mêmes pour les deux films.

Le film est centré sur l'affrontement entre Zaroff et Bob Rainsford. Rainsford déclare sur le bateau que la passion de la chasse annime tout autant l'homme que les grands prédateurs félins. C'est seulement la nature qui, séparant en deux chasseurs et gibiers, lui a donné la chance de faire partie des premiers sans jamais avoir à passer du côté des seconds. (voir : critique complète) COMPLEMENT DVD : BLOODLUST !, le remake par Ralph Brooke (1h05)

 

La nuit de tous les mystères de William Castle
Les milliardaires sont des gens excentriques, par exemple Frederick Loren. Il a loué une maison que l'on dit hantée et il propose 10 000 dollars à cinq personnes pour y passer la nuit. Mieux encore, il remet à chacun un pistolet dans un écrin en forme de cercueil. Ambiance ! À minuit, les portes se ferment. La nuit commence et va se révéler particulièrement mouvementée...

William Castle a été le producteur de La Dame de Shanghai et de Rosemary's Baby, il est aussi l'artisan de plusieurs séries B d'épouvante, agrémentées de trouvailles publicitaires et d'attractions qui le rapproche plus du forain que du réalisateur. William Castle a eu l'idée amusante de faire de son film un spectacle complet : lorsque sur l'écran le squelette émergeait de la cuve d'acide, un faux squelette en plastique sortait dans la salle, d'une boîte qui avait été discrètement placée sous l'écran. L'effet sur le public était - paraît-il - spectaculaire au début, puis plus commun au fur et à mesure qu'il devenait connu.

 

Un baquet de sang de Roger Corman
Walter travaille comme serveur dans un bar. Il rêve de devenir un artiste, ne serait ce que pour séduire sa collègue Carla. Sa discipline : la sculpture. Mais les premières tentatives de Walter se révèlent désastreuses. Jusqu'au jour où celui-ci tue un chat par accident, enrobe le corps d'argile pour en faire une statue… et rencontre le succès sans naturellement mentionner sa nouvelle technique. Les cadavres vont alors se multiplier, pas uniquement d'animaux...

Le film constitue en fait une commande de la Société AIP. Elle propose à Roger Corman de réaliser un film d'horreur en cinq jours pour la somme de 50 000 dollars. Le film s'inspire délibérément de L'Homme au masque de cire, d'Andre De Toth (1953), et accessoirement de la première version signée de Michael Curtiz. Il en emprunte même certaines répliques ("This man knows his anatomy ").

Avant de se mettre au travail, Roger Corman et son scénariste Charles Griffith ont énormément trainé dans les bars du Sunset Strip de Los Angeles pour observer les beatniks. La publicité jouera sur l'humour noir du film, avec une affiche en forme de bande dessinée, et qu'une salle proposera même - paraît il ! - une entrée gratuite pour celui qui se présenterait au cinéma avec un seau de sang.

 

La petite boutique des horreurs de Roger Corman

Les affaires du fleuriste Mushnik ne sont pas brillantes. A tel point qu'il veut se débarrasser de son employé, Seymour. Jusqu'au jour où celui-ci lui montre la plante qu'il a élevée et baptisée "Audrey Junior" en l'honneur d'Audrey sa collègue. La plante, il s'en aperçoit vite, prospère si on la nourrit de sang frais. Pour satisfaire aux appétits d'Audrey, Seymour lui fournit successivement les cadavres d'un veilleur de nuit, d'un dentiste, d'un cambrioleur, ... Mushnik, qui a tout vu, décide de surveiller lui-même la situation. Car les clients se pressent pour observer le végétal qui prend des proportions gigantesques.

Le film a la réputation d'avoir été tourné en deux jours, ce qui n'est pas tout à fait vrai, mais presque : la réalisation a été précédée de trois semaines de répétitions. Le tournage principal en intérieurs s'est déroulé en deux jours et trois nuits, avec trois caméras et deux équipes, un peu comme les sitcoms aujourd'hui. Nicholson raconte que les scènes ne se finissaient jamais vraiment, Corman n'ordonnait jamais " coupez " mais rentrait dans le champ sans prévenir en disant : "la suite".

Les extérieurs ont été tournés pendant deux week-ends successifs et de façon pittoresque. Corman demande à un magasin de prêter un cercueil (qui se révèle plein !), à des clochards de faire la figuration, et à un conducteur de locomotive de la Southern Pacific Railway - moyennant deux bouteilles de scotch - de reculer un instant pour que l'on puisse filmer la mort du vagabond avec un trucage digne des primitifs du cinéma. Au total quinze minutes de films qui coûtent 1 100$, une misère même pour l'époque.

Le film a été distribué un an après par Corman alors qu'il n'y croyait pas et montré en double programme avec un film de Mario Bava. Le bouche à oreille a été plus qu'efficace, et le terme "culte" si souvent galvaudé s'applique vraiment à ce film. La preuve, il aura droit à un spectacle musical à Broadway en 1982 et à une nouvelle version, également musicale, en 1986.

 

Halluciné de Roger Corman

Lors de la retraite de Russie en 1812, André Duvalier, jeune lieutenant de la Grande Armée en déroute, s'est égaré. Epuisé, il est secouru par une fort belle jeune femme sur les cotes baltiques. Elle disparaît aussi rapidement qu'elle est apparue. Il apprend qu'il pourra peut être retrouver celle-ci dans le château du Baron Von Leppe, un vieillard qui vit reclus. Il ne s'est jamais remis de la disparition de sa femme 25 ans plus tôt… André Duvalier est frappé par la ressemblance de la jeune fille et le portrait de la femme du baron, morte il y a vingt-cinq ans.

Comme souvent dans l'œuvre de Roger Corman, le projet du film naît d'un défi : réaliser un film d'horreur avec rien, sinon les décors du précédent film, Le Corbeau, adapté Edgar Allan Poe, et le tourner en deux jours. Pourtant à l'arrivée, écrira Corman, "Ce film représentera la plus longue production de ma carrière : cinq réalisateurs et neuf mois de tournage ! "

Fort de ses décors encore en place, Corman demande à son scénariste de Cry Baby Killer, et par ailleurs comédien, Leo Gordon de lui écrire "quelque chose avec un château comme décor ", et ceci pour la semaine suivante !

Boris Karloff, déjà vedette du Corbeau (l'autre vedette Vincent Price n'est pas disponible), qui incarna aussi le monstre de Frankenstein, approche les 80 ans, et il met toutes les scène en boîte en deux jours. Comme convenu !

Jack Nicholson, tout jeune (26 ans) évolue à l'époque professionnellement dans la galaxie Roger Corman, il se voit confié un de ses rôles les plus importants du moment, de surcroît - et à sa suggestion - aux côtés de sa femme, l'actrice Shirley Knight (dont il divorcera en 1968).

Le tournage du film va ensuite partir très vite en vrille, son tournage s'effectue alors par petits bouts sur 3 mois. Y participent Francis Coppola (qui part filmer à Big Sur les scènes censées se dérouler sur la Baltique), Jack Hill, Monte Hellman, sans oublier Jack Nicholson en personne qui déclare vers la fin des prises "Et pourquoi pas moi ? " et qui se met lui même à réaliser… Le film part dans des directions différentes à chaque réalisateur, en fonction des idées et des sensibilités de chacun, ce qui procure au film un ton singulier.

 

Le carnaval des âmes de Herk Harvey
Marie Henry est une organiste professionnelle. Elle n'aurait pas dû accepter de se lancer dans une course de voiture improvisée. Son véhicule bascule dans une rivière. Ses deux passagères se noient, tandis qu'elle ne parvient à en réchapper que par miracle. Mais à compter de ce moment, les éléments étranges se succèdent. Ils deviennent de plus en plus inquiétants lorsque Mary accepte un travail dans une église de Salt Lake City.

C'est le seul long métrage de Herk Harvey qui travaille pendant plus de 35 ans à Centron Productions à Lawrence (C'est dans le Kansas !), où il réalise près de 400 films institutionnels. L'idée de Carnival of Souls est née un soir ou Herk Harvey rentre de Californie en voiture et découvre un parc d'attractions délabré près de Salt Lake City. Au centre se trouve le pavillon dit "Satair" encore plus déglingué que le reste des installations. En complément, la visite d'une usine de constructions d'orgues lui donne l'idée d'un autre décor et de la profession de son héroïne.

Même si Carnival of Souls est sorti de façon modeste en 1962 dans le circuit des drive-in, son influence se révèlera aussi considérable que progressive. On la retrouve aussi bien dans La nuit des morts vivants qu'Eraserhead de David Lynch ou dans Répulsion de Roman Polanski. Une sorte de chaînon manquant entre Tourneur et Romero !

 

 
présente
 
Vintage Classics, 3ème série