Editeur : Carlotta-Films. Septembre 2011. Nouveau master restauré haute définition. Durée du film : 1h45. 20 € en DVD; 25 € en Blu-ray.

Suppléments :

  • "De l'amour et des contraintes : suppositions sur Je veux seulement que vous m'aimiez" : un film de Robert Fischer. 1h00.
  • Scènes alternatives. 0h24.

Jeune ouvrier, Peter passe l’essentiel de son temps libre à construire une maison pour ses parents, des patrons de bistrot qui ne lui ont jamais donné beaucoup d’affection. Depuis son enfance, le garçon souffre de la froideur et de l’incompréhension de ceux envers qui il manifeste des signes d’amour. Afin de ne pas être un poids pour ses parents dans leur nouvelle maison, Peter déménage à Munich avec Erika, la jeune fille qu’il vient d’épouser. Le couple découvre les affres et les tentations de la grande ville. S’évertuant à offrir à sa compagne le meilleur confort matériel possible, Peter travaille d’arrache-pied et cumule les heures supplémentaires. Mais le couple s’endette irrémédiablement…

Fassbinder applique ici une vision à la fois marxiste et mélodramatique : les personnages sont condamnés pour leur candeur et magnifiés pour leur énergie et leur souffrance.

La vision marxiste telle qu'a pu la développer Stéphane Bouquet (Cahiers du cinéma n°600, avril 2005) montre que Fassbinder met en scène l'impossible échange entre argent et sentiment. Un personnage se trouve souvent en position de vendre ou offrir quelque chose qu'il détient (son corps ou son travail) contre quelque chose qui n'a pas de valeur marchande mais une intense valeur affective et sentimentale. Mais chez Fassbinder les sentiments ne s'échangent pas et le vendeur qui espérait s'enrichir humainement s'est juste bêtement appauvri sans rien gagner en échange.

Dans Je veux seulement que vous m'aimiez, Peter croit à la réciprocité des sentiments. Pour obtenir l'amour de ses parents, de sa fiancée, il s'imagine qu'il lui suffit de témoigner de l'amour et qu'il en recevra en contrepartie : Peter s'endette, fait des heures supplémentaires, tombe malade pour faire des cadeaux qui, espère-t-il seront convertis en sentiments. En vain : il perd sur les deux tableaux, et celui de l'amour et celui du travail. Il est battu par sa mère et serait viré pour longue maladie liée au surmenage s'il ne tuait dans une pulsion incontrôlée. Son tort est d'avoir fait communiquer deux mondes qui n'ont pas de rapport, d'avoir supposé que l'argent pouvait produire autre chose que de l'argent.

En filmant cette quête de la tendresse à une époque où les contacts humains sont corrompus, Fassbinder constate avec amertume que le miracle économique allemand s’est fait au prix des sentiments.

S’il s’inspire des grands mélodrames à la Douglas Sirk (récurrence des plans de fleurs et de miroirs), ce chef-d’oeuvre romanesque est aussi une étude sur les origines quotidiennes de la folie, construite comme un puzzle émotionnel et traversée de flashbacks troublants (le vol des fleurs enfants, la séquence sexuelle avant le mariage) et de deux brefs flash-forward annonçant le drame, irrémédiable.

 

De l'amour et des contraintes : suppositions sur
Je veux seulement que vous m'aimiez"(Robert Fischer, 2010, 1h00)

La chaine WDR a déjà produit Huit heures ne font pas un jour (1972), Le monde sur le fil (1973), Martha (1973) et Peur de la peur (1975) car fassbinder est l'un des rares cinéastes à ne pas dédaigner la télévision

La structure narrative avec ses flash-backs est ici plus difficile à suivre pour un téléspectateur de télévision. Fassbinder traverse alors une grave crise. Nommé directeur du Theater am Turm de Francfort, il met en scène un de ses textes, Les ordures, la ville et la mort et est accusé d'antisémitisme. Il met alors simultanément en chantier Le rôti de Satan (1976) et ce film qu'il sous-titre Un conte sur les contraintes. Il fait jouer dans de petits rôles sa mère (à la poste) et son ex-femme, Ingrid Caven (vendeuse de machine à tricoter). Le tournage s'étend sur 25 jours en 16 mm et son direct. L'axe de camera privilégié est la contre-plongée pour souligner que Peter n'est qu'un enfant.

Demande en mariage dans la boue d'une carrière et travelling sur le pont en légère descente sont des décisions de Fassbinder. Peter est enfermé, il disparaît derrière le pont comme il est souvent emprisonnés dans un cadre (pieds de chaises, métro, miroirs, œilleton de la porte) L'ombre des stores préfigure les futurs barreaux de prison. Cette diversité de cadres dans le cadre évite que l'enferment soit ressenti comme artificiel. Forte dimension autobiographique du film car Fassbinder a souffert du fait que lorsqu'on s'attend à recevoir de l'amour, on est souvent puni.

Le père de Peter, patron de café, a son double dans un autre patron de café. Peter n'a pas le courage de tuer son père. ne plsu se souvenir du numéro de téléphone est un acte manqué. Mais c'est bien un parricide qu'il commert même s'il tue un double. Lui même a recourt à un tiers (symbole du lien brisé), le jeune homme qui entre dans le café, auquel il s'identifie pour accumuler la charge meurtrière. Dans un plan précédant, c'est sa mère qui se tient à l'arrière-plan et non la femme du patron. Les mots qu'il prononce "mère, mère" ne sont pas une marque d'affection mais le signe d'un désarroi infini. C'est le syndrome de Biberkopf (Berlin Alexanderplatz, 1980) : l'amour cause la perte des hommes, les mène en enfer.

 
présente