Editeur : MK2. Aout 2007. Durée du film : 117’ - Durée du DVD : 167' - Format Image : 16/9 - Format Audio : Stéréo

Suppléments :

  • Préface de Serge Toubiana 5’
  • Entretien avec Alain Resnais 20’
  • Entretien avec Jorge Semprun 32
  • La collection Resnais 10’

1965. Diego, militant du parti communiste espagnol, vit en exil à Paris. Régulièrement, il passe la frontière sous des identités d'emprunt assurant ainsi la liaison entre les militants exilés et ceux restés en Espagne. De retour d'une mission difficile, Diego se prend à douter du sens de son action et des moyens mis en oeuvre. Sa confrontation avec les jeunes militants de gauche, qui deviendront les acteurs de mai 1968, est prémonitoire de l'évolution des formes de lutte.

 

Le titre, loin d'être un constat d'échec du combat contre le franquisme, s'interroge au contraire sur les nouvelles formes de lutte nécessaires pour un retour de la démocratie en Espagne. Comme Diego l'énoncera, excédé, aux amis de Marianne :

"L'Espagne est devenue la bonne conscience lyrique de toute la gauche, un mythe pour anciens combattants. En attendant, 14 millions de touristes vont passer leurs vacances en Espagne. L'Espagne n'est plus qu'un rêve de touriste ou la légende de la guerre civile. Tout ça mélangé au théâtre de Lorca. Et j'en ai assez du théâtre de Lorca. Les femmes stériles et les drames ruraux, ça suffit comme ça et la légende aussi ça suffit comme ça. Je n'ai pas été à Verdun moi, je n'ai pas non plus été à Teruel ni sur le pont de l'Ebre. Et ceux qui font des choses aujourd'hui en Espagne, des choses vraiment importantes, n'y ont pas été non plus. Ils ont vingt ans et ce n'est pas notre passé qui les fait bouger mais leur avenir. L'Espagne n'est plus le rêve de 36 mais la réalité de 65 même si elle semble déconcertante. 30 ans se sont passé et les anciens combattants m'emmerdent."

Un film politique et un film d'espionnage

Son rôle de permanent du parti, appointé à 80 00 francs par mois puis 87 500 après augmentation (sa compagne éditrice gagne, elle 300 000) pèse d'autant plus à Diego qu'il sent bien que les mots d'ordre de la direction du parti réfugiée en France sont déconnectés des possibilités du prolétariat espagnol. Pour lui, la grève générale prévue dans 12 jour suivie d'un 1er mai revendicatif, "ça ne veut rien dire. C'est comme si on promenait des idoles pour faire tomber la pluie".

Il ne sera, plus tard, pas d'accord non plus avec les mots d'ordre terroristes des jeunes militants espagnols. Il ne leur en rendra pas moins la clé pour qu'ils récupèrent leur valise d'explosifs. S'il leur fait remarquer que Lénine n'est pas un moulin à prières, il n'est pas bien sur que la seule devise qu'il retienne (La patience et l'ironie sont les vertus principales des Bolcheviques) soit bien motivante. Certes, il leur prédit qu'ils sauteront avec leur bombe mais il ne réfute pas leur argumentaire politique qui consiste à "frapper le tourisme étranger en Espagne car, associé aux bons souvenirs de vacances, il est démobilisateur. Le terrorisme vise ainsi un double objectif : tarir les sources de devises et réveiller la conscience prolétarienne. Y-a-t-il d'autre choix : toutes les grèves générales depuis 59 ont été des échecs ? "

C'est la première fois dans un film que l'on parle de terroristes. A ce moment de l'histoire espagnole, ils commencent à déborder le parti communiste et veulent faire comme les castristes et ou les Portugais.

Semprun venait d'être exclu de la direction en exil. Il faisait le constat d'une Espagne non plus opprimée et pauvre mais opprimée et économiquement développée. Pour lui, l'Espagne avait changé et il fallait accepter une démocratie bourgeoise. Ce qui motive encore Diego dans sa lutte, c'est la fraternité : "Les copains, les inconnus, qui t'ouvrent une porte et qui te reconnaissent. On est ensemble."

Il est probable qu'il s'agisse pour Diego de sa dernière mission, son analyse était juste, il a bien été repéré et s'il est sauvé, il ne pourra même plus rentrer en Espagne comme il en fait la proposition à Marianne.


Quelle place dans le monde ?

Si Diego s'interroge sur l'action politique, il est aussi confronté chaque instant à l'ambiguïté du réel. "Le monde où nous vivons est devenu mouvant, trouble, rempli de pièges." Dans l'idéalisme politique de Roberto ce qu'il critique c'est moins le côté politique que l'idéalisme : "La réalité du monde nous résiste. Il voyait la réalité comme le rêve d'une progression indéfinie et il t'en veut presque comme si tu étais le messager malveillant de cette réalité opaque, imprévisible". Et à Nadine qui le félicite en lui disant "vous travaillez dans le détail", il répliquera que "c'est plutôt l'ensemble qui nous échappe".

Cette incertitude est figurée aussi par les ombres mouvantes sur le plafond que Diego regarde avant de s'endormir ou par celles qui dansent sur la porte de la chambre après qu'il ai fait l'amour avec Marianne.

Les signes du réel sont trompeurs. A Aubervilliers malgré les lettres bien visibles des bâtiments, Diego ne retrouve pas l'immeuble G avec son dixième étage où il rencontra autrefois Mme Lopez.

La figure du flash mental comme autant d'alternatives reste la figure majeure du film. Représentative, la figure du bouton de l'ascenseur qui clignote qui pose la question de savoir si Juan a ou non été arrêté. A la figure formelle, se superpose le rythme du texte :

"Mais Andres avait disparu, il a disparu, il aurait pu disparaître chaque jour depuis quinze ans et Carmen l'a attendu, pressenti, accepté d'avance dans l'angoisse et la colère, cette disparition qui claque sur elle aujourd'hui. Jeudi soir à dix-huit heures Andres n'est pas venu au rendez-vous du jardin botanique."

Seuls les signes du désir ne trompent pas. C'est le visage tendu de la femme de Ramon qui interpelle son mari pour savoir si elle aussi "c'est de la routine" face à l'aventure d'un voyage en Espagne. C'est le désir palpable entre Carlos et Nadine lors de leur première rencontre. Ce sont surtout ces deux séries de visages de femmes qui surgissent de la mémoire de Carlos et qu'il lie de manière prémonitoire à son prochain déplacement chez Sallanches avec l'apparition du fameux numéro 7 de la rue de l'Estrapade. A ces visages de femmes, s'ajoute aussi celui de la femme du militant français qui l'aida au début à franchir la frontière. Ainsi avant de d'aller chez les Sallanches le désir refoulé de Carlos est-il à son comble.

Renais a particulièrement travaillé les deux scènes érotiques du film, celles avec Geneviève Bujold et celle avec Ingrid Thulin. Ces deux scènes érotiques, stylisées, muettes avec une musique lyrique ne sont pas écrites par Semprun mais relevent de la seule volonté de Resnais qui, en 1965, voulait franchir les barrières très verrouillées sur ce point.

Resnais construit ainsi son film sous forme de puzzle, mêlant flash-mental, flash forward, images sorties de l'imagination (l'enterrement de Ramon auquel Diego ne pourra assister puisqu'il part à Barcelone) et flash-back pour obliger le spectateur à se remémorer ce qui a pu se passer et à se projeter dans l'avenir du personnage.

Pour Resnais, le spectateur doit être en action. Comme il le dit en avril 2007 dans le bonus de l'édition DVD : "La pensée en action remplace l'action du cinéma américain ".

J. L. L. le 21/08/2007

 

Entretien audio avec Alain Resnais 0h20

Resnais a peur que les scènes érotiques, "intimes", soient devenues désuètes. En 1965, il voulait franchir les barrières très verrouillées sur ce point.

Les tracts du film appelant à la grève générale sont les vrais tracts de 1965 et Resnais et Semprun ne savent pas si la grève sera ou non un échec. On les a accusés de faire de faux tracts.

Resnais construit son film pour obliger le spectateur à se remémorer ce qui a pu se passer et à se projeter. Il doit partir de sa connaissance et se remémorer. Le spectateur doit être en action. La pensée en action remplace l'action du cinéma américain.

Resnais ne voulait pas être cinéaste mais monteur. Il pense toujours aux collures

La commission de censure prévient qu'au vu du scénario, étant donné "la violence du film", il serait interdit aux moins de 18 ans et à l'exportation. Le film a été arrêté huit à quinze jours mais, les contrats étant signés, les producteurs ont calculé qu'ils ne perdraient pas plus d'argent en continuant le film. Finalement, à sa sortie, le film reçoit un visa tout public... Ce qui en fait pas l'affaire des exploitants de provinces confrontés le dimanche au public familial qui trouva très choquantes les scènes érotiques.

Entretien avec Jorge Semprun 0h32

Resnais avait dit à Semprun : "On ne parlera pas de la Bretagne parce que je suis Breton ou de l'Espagne parce que vous êtes Espagnol". Mais, finalement, après que Semprun ai écrit une courte nouvelle sur l'enterrement d'un militant communiste, Renais accepte que le contexte soit celui des résistants espagnols.

Semprun venait d'être exclu de la direction en exil. Il faisait le constat d'une Espagne non plus opprimée et pauvre mais opprimée et économiquement développée. Pour lui, l'Espagne avait changé et il fallait accepter une démocratie bourgeoise. C'est la première fois dans un film que l'on parle de terroristes. A ce moment de l'histoire espagnole, ils commencent à déborder le partie communiste. Ils voulaient faire comme les castristes et ou les Portugais.

Le parti communiste espagnol a refusé que le film soit en compétition en Tchécoslovaquie alors que, pour Cannes, ce sont les franquistes qui conteste le droit au film de représenter l'Espagne.

Montand est à une époque charnière de sa carrière. Il sort du Milliardaire et n'a pas une grande filmographie. Resnais l'impose aux producteurs

Lles deux scènes érotiques stylisées, muettes avec une musique lyrique ne sont pas écrites par Semprun.

Semprun était interdit de plateau. Le montage est une réécriture, le scénariste doit être là deux fois par semaine comme pour l'écriture.

Semprun écrit ensuite L'aveu avec Montand pour Costa Gavras qui s'est intéressé à lui après La guerre est finie. Il adapte Lindon. Montand semble avoir évolué de l'un à l'autre personnage.

Le poids de la réalité historique plus lourd qui désoriente le public de Resnais alors que le public populaire a aimé Montand. Jean Dasté dans la réunion clandestine ressemble à Waldeck Rocher physiquement comme moralement : Carlos est pour lui un pauvre pêcheur qu'on peut sans doute ramener au sein de l'église communiste.

 

 
présente
 
La guerre est finie de Alain Resnais