Editeur : Carlotta-Films, novembre 2008. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20 €.

Suppléments :

  • Le court-métrage inédit de Sergeï M. Eisenstein LE JOURNAL DE GLOUMOV (1923 – N&B – 5 mn)
  • Eisensten dans le souffle révolutionnaire (37 mn) : Natacha Laurent (Déléguée générale de la Cinémathèque de Toulouse et historienne du cinéma soviétique) revient sur la formidable effervescence créative qui a accompagné la Révolution russe et retrace la carrière d'Eisensten.
  • Faire la grève hier et aujourd'hui (13 mn) : Stéphane Sirot (historien du mouvement social) remet en perspective le phénomène de la grève dans le contexte des mouvements sociaux de l'époque tsariste et la confronte aux représentations médiatiques contemporaines.
  • Le Grève, un engagement musical (31 mn) : Pierre Jodlowski revient sur sa partition originale de 1998. De Toulouse à Decazeville, ancien bassin minier, il retrace les origines du projet, ses sources d'inspiration et son engagement.

Lorsque Eisenstein entreprend La grève dans le cadre du Proletkult, une organisation de culture prolétarienne où de jeunes avant-gardistes cherchant à révolutionner le théâtre et les arts, Koulechov et Vertov sont à la pointe du cinéma. Pour Vertov, il faut filmer la réalité telle qu'elle est dans la rue. Le ciné-œil, le documentaire pris sur le vif, s'oppose au ciné-drame qu'il faut combattre car bourgeois.

Eisenstein est un grand admirateur de Vertov et il lui semble suivre ses principes dans La grève en s'opposant au cinéma de fiction. Il se propose de "Faire tout à l'envers : abroger l'intrigue, bannir les stars et, en guise de personnage principal, propulser la masse". Il refuse un récit cohérent et une narration clairement compréhensible. Aucun héros n'est mis en avant pour porter le récit.

Pourtant, Vertov n'approuve pas La grève et qualifie Eisenstein de ciné-sorcier. C'est pour lui un cinéma trop artistique, gangrené par les effets cinématographiques.

Eisenstein comme Vertov veut orienter et influencer les consciences mais leur moyens seront radicalement différents. Eisenstein est un adepte des effets appuyés et son cinéma ne sera jamais documentaire. "Nous ne faisons pas du ciné-œil, mais du ciné-poing" répondra-t-il à Vertov.

La Grève contient en germe tout le cinéma d’Eisenstein qui y met en œuvre le "montage des attractions", d’abord conçu pour le théâtre comme une série de procédés destinés à solliciter violemment l’attention du spectateur et que l’on retrouve dans le célèbre montage parallèle du massacre des ouvriers avec les images d’un bœuf qu’on égorge.

 

LE JOURNAL DE GLOUMOV (1923 – N&B – 5 mn)

Le court-métrage inédit de Sergeï M. Eisenstein

 

Eisensten dans le souffle révolutionnaire (37 mn) : Natacha Laurent

Natacha Laurent (Déléguée générale de la Cinémathèque de Toulouse et historienne du cinéma soviétique) revient sur la formidable effervescence créative qui a accompagné la Révolution russe et retrace la carrière d'Eisensten.

Eisenstein Vertov sont nés avec le cinéma et font du cinéma très jeunes à vingt ans. C'est un art jeune, plus jeune que la littérature, la peinture et l'architecture qui peut ne pas être lié à l'autocratie tsariste.

En 1919, un décret nationalise le cinéma russe. Peu d'impact réel car la plupart des cinéastes ont fuit le régime soviétique. Politique et culture vont ensemble

Koulechov forme Boris Barnett et Poudovkine. Chez lui, l'intrigue, le décor, la construction dramatique comptent peu. L'important est le potentiel de l'acteur et le travail du montage. Il monte le visage d'un acteur avec une expression neutre avec un plan d'assiette de soupe chaude. Dans une deuxième séquence, il montre le même visage avec le plan du corps d'une femme morte dans un cercueil ouvert. Dans une troisième séquence, il monte de nouveau le plan du visage de l'acteur avec une petite fille jouant dans la rue avec un cerceau. Les spectateurs réinterpretent le visage de Vosjoukine. Ils s'émerveillent de voir comment il interprète bien. On lit la faim sur son visage. On lit la peine sur son visage, il est fasciné par l'innocence de la petite fille. Un plan n'a de sens que par rapport à celui qui le précède ou le suit

Vertov refuse le scénario, les acteurs professionnels, les intertitres. Filmer la réalité telle qu'elle est sans artifice sans aucun outil de la façon la plus proche possible. Forte réalité, salle de cinéma, accouchement, femme sur un banc. Pourtant catalogue d'effets : surimpression.

Protazanov le seul a avoir tourné durant la période tsariste a émigré puis est revenu notamment pour tourner Aelita. Le film est généralement considéré comme constructiviste de par ses décors pour la partie située sur la planète mars.

Le tandem Kozintsev - Trauberg travaille à Saint Petersbourg devenu Leningrad dans une des nombreuses petites structures de production semi-privées ou publiques.

Poudovkine est un cinéaste plus classique qui fait jouer des acteurs professionnels sur un scénario écrit et linéaire.

Eisenstein est le chef décorateur du Polikult (contraction en russe de prolétarien et culture), association de différants artistes qui viennent du théâtre qui, au début des années 20, souhaitent créer une véritable culture prolétarienne.

En quatre films muets consacrés à des figures révolutionnaires : l'ouvrier, le matelot mutin, le bolchevique et la paysanne. Pour Eisenstein, le cinéma est la synthèse de tous les arts. Il s'identifie à Léonard de Vinci. 1924 même année que Aelita que Mister west. Montage fonctionne sur le choc, sur le heurt, sur la puissance que deux plans peuvent dégager en se rencontrant et deux plans qui ne sont pas forcement fait pour se rencontrer. Le sens naît des chocs permanents :
plans sombres ou clairs, non chronologique, échelle des plans. Et composition dynamique à l'intérieur des plans, lignes de composition heurts de lumière, de contrastes, de regards. Le film ne cesse de bouger.

Eisenstein va chercher les costumes, les visages. Casting des nuits entières à faire les asiles de nuit.

Reour avec Alexandre Nevsky commande délais coréalisateur sujet scénario premier film parlant dans des contraintes comme n'en a jamais eut prince solaire auquel Staline peut s'identifier charismatique unit un pays derriere lui.

Eisentein réalise la synthèse de son art avec Ivan le terrible. Les influences et thèmes les plus marquants sont celles et ceux de l'expressionnisme, de la nature du pouvoir politique et de l'importance de la croyance.

Si Staline approuve la première partrie, la deuxième partie, descente aux enfers de Ivan enfermé dans l'exercice du pouvoir solitaire et violence d'état police politique. Meurt d'une crise cardiaque en 1948 complètement isolé dans son trois pièces de Moscou. Comment un régime politique qui a commencé dans la lumière dans l'espérance peut se terminer dans une telle noirceur une telle débauche de sang et de violence.

 

Faire la grève hier et aujourd'hui (13 mn) : Stéphane Sirot

Trois grandes vagues de grèves avant 1917, celles de 1905, 1914-1914 et 1915-17 La Grève de 1912-1914
Pas le droit de voter en Russie donc la grève est aussi un moyen d'expression politique et pas seulement social.
Comporte toujours des massacres. La grève de 1912 commence par le massacre de la Lena réprimant les ouvriers des mines d'or de Sibérie, le 17 avril 1912.

Avant 1914, le monde ouvrier russe est très marginal par rapport à l'agriculture qui est le moteur économique de la nation. Très marginal c'est aussi un monde facile à réprimer. Tradition de soumission de la main d'œuvre. Le servage n'a été aboli que depuis un demi-siècle. Et il existe une tradition de soumission sans penser à des droits nouveaux.

La grève c'est aussi les grandes vacances de l'ouvrier. Mais celui-ci s'ennuie souvent, ne sait pas quoi faire. Il est désœuvré parce que pas organisé. Les syndicats revendiquent l'éducation des ouvriers, qu'ils ne restent pas chez eux au lit à boire ou à se chamailler

La grève doit être spectaculaire pour qu'on en parle. Aujourd'hui pour qu'on en parle, il faut gêner le public ou menacer de gestes spectaculaires. L'image n'est diffusée que si elle a quelque chose de singulier à montrer.

Les médias, malheureusement pour eux, se pensent représentatifs des gens qui les regardent. Pendant les grèves de 1995, TF1 montre d'abord les grèves de façon négative. Quand elle interrogeait les usagers ou les clients s'étaient les mécontents. Quand les premiers sondages ont montré que les Français soutenaient les grévistes malgré la gêne occasionnée s'est produit une rupture dans le journal télévisé et l'on interroge des usagers compréhensifs vis à vis des grévistes. A la fin d'un reportage, on ne sait pas pourquoi les gens font grève.

Le salarié ne sait pas toujours comment expliquer sa grève, c'est souvent un peu technique et compliqué et un peu de temps. L'univers des médias demande de l'immédiat et du facile. L'usager passe bien à l'image. Il a envie de dire quelque chose, de très simple, facile à penser et il se précipite pour le faire. C'est typiquement ce qui convient à l'image médiatique d'aujourd'hui. Le syndicaliste n'a pas bonne presse c'est le journaliste qui s'exprime pour lui.

Aujourd'hui, la grève n'est plus un phénomène ouvrier elle est plus typiquement un phénomène du tertiaire de fonctionnaire appartient au monde dominant, à l'élite, aux enseignants. En 1912 dichotomie totale entre les médias et les grévistes

 

La Grève, un engagement musical (31 mn) : Pierre Jodlowski

Pierre Jodlowski revient sur sa partition originale de 1998. De Toulouse à Decazeville, ancien bassin minier, il retrace les origines du projet, ses sources d'inspiration et son engagement.

 

J.-L. L. le 05/11/2008

 

 

 
présente
 
La grève de S. M. Eisenstein