DVD Jacques Rozier

Editeurs : Potemkine et Agnès B. en Novembre 2011. Coffret 8 DVD, 11 films : L'intégrale des courts (3) et longs (8) métrages d'Andrei Tarkovski. DVD1: L'enfance d'Ivan. DVD2: Andrei Roublev. DVD3: Solaris. DVD4: Le miroir. DVD5: Stalker. DVD6: Nostalghia. DVD7: Le sacrifice. DVD8: Les tueurs, Il n'y aura pas de départ aujourd'hui, Le rouleau compresseur et le violon, Tempo di viaggio. Prix : 100 €.

Suppléments :

  • Présentation de chacun des films par Pierre Murat
  • Entretiens avec les proches collaborateurs du cinéaste. Sur DVD5 : le directeur de la photographie Alexandre Kniajinski ; le décorateur Rashit Saffiouline et le compositeur Edouard Artemiev.
  • Meeting Andrei Tarkovski de Dmitry Trakovsky (2008 – 90 min)

 

Huit longs-métrages (et trois courts métrages) de L'enfance d'Ivan en 1962 au Sacrifice en 1986

L'édition de l'intégrale des œuvres de l'un des plus grands artistes du cinéma est un évènement considérable. Il l'est d'autant plus que les propos du cinéaste lui-même ont encouragé une lecture ésotérique de son oeuvre, volontiers mystérieuse où la mise en scène de la problématique importe bien davantage que le choix de tel ou tel personnage dominant pour porter la supposée parole du cinéaste.

Dans "Le temps scellé", ouvrage qui rassemble les écrits du cinéaste (Editions Cahiers du Cinéma, 1989), sa femme remarque dans la préface : "Andrei Tarkovski estimait que le pessimisme n'avait aucun rapport avec l'art qui était, selon lui, d'essence religieuse. L'art nous donne la force et l'espoir devant un monde monstrueusement cruel et qui touche, dans sa déraison, à l'absurdité."

Le cinéma de Tarkovski met en scène le conflit entre le spirituel et le matériel, la nature et le social, l'histoire et l'individu, abordant des questions aussi essentielles que le pouvoir de la mémoire, l'identité russe, le sens de l'art et l'aliénation de la vie moderne.

Les deux premiers courts métrages Les tueurs (1958) et le très peu vu Il n'y aura pas de départ aujourd'hui (1959) sont des exercices scolaires montés avec des soucis d'efficacité narrative et de gestion du suspens fort éloignés de ce que fera par la suite Tarkovski. Ce seront en effet les grands plans séquences avec mouvements d'appareils qui seront chargés d'explorer les nappes du souvenir alors que le montage fera coexister différents cristaux de temps, juxtaposés dans un fragile équilibre entre foi et doutes existentiels. Le rouleau compresseur et le violon (1960) met déjà en scène la problématique des tensions entre l'artiste, le prolétaire et la loi sans avoir l'ampleur des longs métrages. La réputation de Tarkovski repose en effet sur cinq films réalisés en Russie entre 1962 et 1978 - L'Enfance d'Ivan, Andreï Roublev, Solaris, Le Miroir et Stalker – qui se distinguent par une ambition, une intensité et une virtuosité que l'on ne retrouve chez pratiquement aucun cinéaste soviétique de l'après-guerre et qui émerge aujourd'hui dans le sompteux Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan qui assume sa filiation avec le cinéma douloureux de Tarkovski.

Le génie de Tarkovski est encore à l'œuvre dans ses deux derniers films, Nostalghia et Le Sacrifice, réalisés en Italie et en Suède, mais il lui manque déjà quelque chose. La recherche impossible de ce chaînon manquant constitue le point névralgique de Nostalghia. Le film parle autant des circonstances qui ont entouré sa réalisation – Tarkovski n'était pas retourné dans son pays depuis quatre ans pour s'installer à Londres et en Italie – que de l'exil d'un poète soviétique venu en Italie pour écrire un livre sur un compositeur russe qui y séjourna. Cet autoportrait d'un artiste amoureux de sa terre natale et gagné par une mélancolie liée à son exil porte en lui toutes les contradictions d'un réalisateur partagé entre l'Est et l'Ouest. A partir de Stalker, tous les films de Tarkovski seront la dramatisation de ce dilemme.

 

Présentation de chacun des films par Pierre Murat

L'enfance d'Ivan est le premier long métrage de Tarkovski. Comme le dernier, il s'ouvre sur un arbre qui révèle une nature magnifique puis le visage d'un enfant blond. C'est un rêve, un idéal perdu. En pleine guerre, Ivan a perdu sa famille. Un gamin au milieu de l'horreur nazie. Ce pourrait être un héros (c'est comme cela que l'a reçu la censure russe) mais c'est un monstre qui ne fait plus partie de la race des humains. Il ne cherche que la vengeance. L'art lui est étranger; il a donc perdu son âme. Lion d'or à Venise, il est pris en France comme un film officiel et esthétique. Sartre, est l'un des rares à l'aimer. Il voit que c'est un happy end cette mort d'un enfant étranger à toute victoire. Ivan a peur de rêver, l'eau purificatrice. La forêt de bouleaux l'éternité de l'âme russe

Stalker est un film de science-fiction mais c'est aussi celui qui porte le message le plus pur de Tarkovski. Le film ne suit pas scenario présenté au comité de censure. Tarkovski savait, qu'une fois tourné, le film finirait sur des étagères. Cependant la censure russe le passait occasionnellement bien qu'interdit. Ainsi Pierre Murat le voit-il au Festival de Moscou lors d'une projection unique dans une salle de 3000 places, pleine à craquer. Le film était présenté sans sous-titres et le public se regroupait par quinzaines autour de traducteurs improvisés. Le film sera ensuite présenté au Festival de Cannes puis en salles à l'étranger. Plus encore que Le miroir, interdit pour être un "rébus de subjectivité" loin du réalisme soviétique, celui-ci était condamné d'avance. Il oppose en effet frontalement un gouvernement, certes de science-fiction, mais omni-présent et tout puissant à des guides hors-la-loi allant dans la zone interdite.

On passe de la noirceur des premières images, en noir et blanc, vers la zone de liberté, en couleur, au milieu de laquelle on trouve la chambre des désirs. On retrouve le thème de Solaris sur la nature du désir. Lorsque des gens osent s'aventurer face à eux même, à ce qu'ils ont en eux et dont ils ne sont pas très fiers, ils se découvrent et peuvent se suicider. La peur se retourne contre soi.

Le choix d'une trinité de personnages n'est pas anodin. Deux des pôles représentent la culture haute : l'intellectuel et le savant. Mais ils n'y croient plus. L'écrivain ne croit plus en l'écriture. Il croyait changer les autres grâce à l'écriture et c'est lui qui a changé constate-t-il. Le scientifique, chargé d'expliquer, a fini par avoir peur de tous et de tout. Il craint que chambre, une fois connue de tous, attirer les dissidents. Le guide vers la liberté est donc engagé par deux incrédules dont un fanatique. C'est un personnage dostoïevskien, anormal, dont la fille est une mutante. Sa foi du charbonnier renvoie les autres à leur vacuité : "pourquoi détruire la foi" se demande-t-il même s'il est une larve. Contrairement aux autres qui devraient croire. Pour Tarkovski, les faibles sont ceux qui vaincront. La dureté ne sert à rien. Ivan déjà était le plus fort. L'humanité sera sauvée par la faiblesse.

 

Nostalghia est un film de souffrance, de quelqu'un qui est exilé. La dimension autobiographique est manifeste. Tarkovski a choisi pour interpréter le personnage principal l'acteur Andrei Gorèakov qui jouait son père et lui-même adulte dans Le miroir.

La nostalgie est ici presque une maladie mortelle, comme celle qui va emporter plus tard Tarkovski. Il semble ici à bout car il a des problèmes et la nostalgie est une chose affreuse à vivre qui lui fait dire "Je suis las de ces beautés écœurantes", preuve qu'il ne va pas bien.

Supériorité du russe sur la belle femme occidentale qui, debout, a perdu la faculté de s'agenouiller, ne l'entend pas, ne le peut pas, ne le veut pas. Le film exprime la douleur, souffrance des occidentaux qui perdent foi en eux-mêmes et des russes dans l'art. Le prêcheur, idiot à la russe, un simple d'esprit qui voit plus loin, plus profondément que les autres. Comme un artiste, il nous rappelle qu'il faut transcender la réalité sans cesse.

Motif des chiens errants et de l'eau stagnante. Ne pas chercher de sens dans ce film qui regorge de pistes et de symboles car le cinéma de Tarkovski nécessite l'abandon. Michel Perez disait que ce film est "un théâtre fellinien frappé de mélancolie". "Si vous chercher un sens pendant durant la projection, vous allez manquer ce qui se passe". Le spectateur idéal pour moi, disait Tarkovski, regarde un film comme un voyageur les paysages qu'il traverse en train".


Meeting Andrei Tarkovski de Dmitry Trakovsky (2008 – 90 min)

Dmitry Trakovsky essaie de cerner l'œuvre de Tarkovski en interrogeant différentes personnes l'ayant approché.

Il y a tout d'abord le linguiste Vyacheslav Ivanov, ami de la famille, pour qui l'essence du cinéma de Tarkovski est un travail d'effacement du superflu. Il serait proche de Pasolini qui déclarait : "Le montage est au film ce que la mort est à la vie humaine : la mort fait apparaître ce qu'a été la vie d'une personne". Dans le cinéma, on fait pareil en utilisant des moyens cinématographiques. Il tire d'une phrase que Tarkovski avait prononcée au cours d'une promenade l'objet de son cinéma : "De la saleté de la Russie d'aujourd'hui, extraire un art authentique". Le matériau et l'intention demeurent profondément liés à l'histoire russe.

Dmitry Trakovsky se rend ensuite à Monterchi où est exposée La madone del Parto et interviewe Angelo Perla, directeur du musée pour qui Tarkovski voyait dans la peinture de Pierro della Francesca un hymne à la vierge femme.

Sont ensuite interviewés : Domiziana Giordano, Donatella Baglivo, Fabriziano Borin, Krzysztof Zanussi et Erland Josephson.

 

Entretien avec Alexandre Kniajinski

Le chef opérateur est le dernier survivant de l'équipe technique de Stalker. Il a tourné toutes les scènes dans une lumière crépusculaire. Tarkovski ne voulait tourner qu'à partir de huit heures du soir.

Entretien avec Alexandre Misharine

Le scénariste du Miroir, de huit ans plus jeune que Tarkovski rencontre celui-ci alors qu'il termine Andrei Roublev. Il l'aide à obtenir une version plus courte. Ils écrivent ensemble Le miroir, chacun d'eux écrivant un épisode par jour durant les quatorze jours d'une retraite studieuse. Le film réalisé passe de 28 à 34 épisodes. Le montage de ceux-ci dans la continuité chronologique n'est pas satisfaisant. Ils ont d'abord recour à un tirage au sort pour les réorganiser puis, par tatonnement, le film finit par trouver la structure qui lui convient.

Le film est acheté une fois et demi le prix de Guerre et paix au festival du film de Moscou. Ils n'en toucheront pas un centime.

Importance d'une nouvelle de Crossman, Tout passe. Tendre la main à ceux qui nous quitté et principalement à la vie qu'à connue notre mère. Tout doit aller comme un vaste flux qui emporte tout, les poèmes du père, les événements de l'époque...

un premier essai raté tarkovxki arrteses etude au moitié du budget, peu montré en Russie gene d'utiliser ainsi un enfant.

 
présentent
 
Coffret Andrei Tarkovski