Un matin, Diane découvre que l'homme qu'elle aime, Hermann, l'éditeur bien connu, va publier un livre de Worms, l'écrivain bien connu dont elle a autrefois partagé la vie, - et que ce livre parle d'elle... Un autre matin, Hermann rencontre son ancienne amie, Anne, qu'il a jadis quittée pour Diane... Worms, qui se trouve là, surprend et photographie sur son portable la rencontre... dont il envoie l'image à Diane... Crise... La même nuit, Anne débarque chez Hermann, tandis que Diane rend visite à Antoine, l'ancien médecin de Anne devenu le mari de celle-ci... Le vaudeville va se muer alors en drame, puis en tragédie...

Pascal Bonitzer reprend pour son quatrième long-métrage, le même thème que celui des trois précédents : un personnage masculin mis à mal par une suite d'événements inattendus et ses relations troubles avec les femmes. C'est cette fois Edouard Baer qui joue le rôle pivot du film après Jackie Berroyer dans Encore, Fabrice Luchini dans Rien sur Robert (1999) et Daniel Auteuil dans, Petites coupures (2002).

La mise en scène demeure aussi précise que précédemment, reposant sur un choix d'accessoires limités qui construisent un piège autour des personnages. Fragilisés, ils sont alors balayés par les forces obscures qui finissent par avoir raison de leur discours protecteur.

Moins excentrique, expansif ou tourmenté que les héros précédents de Bonitzer, Hermann est un modèle de solidité, de compréhension et d'attention aux autres qui semble lui avoir parfaitement réussi dans son milieu d'éditeur. Il sait gentiment rabrouer les importuns d'un "Pas du tout" qu'ils finissent par comprendre comme un refus définitif. Il commettra pourtant deux gaffes qui conduiront à la tragédie.

A la sortie du cimetière, il rencontre Anna, venue l'attendre pour reprendre contact avec lui. S'accordant avec elle, il lui avoue que l'écrivain Worms commence à l'importuner sérieusement. Hors, celui-ci le suivant par appel avec son téléphone portable le repère juste à ce moment et fait une photo malveillante qu'il adresse à Diane, la femme d'Hermann. Ce sera ensuite Anne qui surgira dans son dos lorsqu'il affirmera qu'il n'éprouve plus rien pour elle et que ses sentiments poisseux le répugnent. C'en suivra une fuite avec échange de téléphone portable où Anne lira sur le portable de Diane le message amoureux que lui adresse Antoine son mari de docteur.

Le téléphone est l'instrument du drame, mais l'eau, le mouillé ainsi que la forêt renvoient au désespoir tragique des personnages. Le film commence devant la baignoire et elle servira d'instrument d'un double assassinat possible. Mais c'est surtout la fuite désespérée d'Anna dans ses vêtements mouillés avec le manteau de Diane et son portable qui la figent dans le désespoir. Après s'être enfuie une première fois, elle devra repartir une seconde fois au petit matin, chassée par Hermann. Sortant du bois de Vincennes sous le ciel chargée, son désespoir est palpable que vient figurer sa descente dans le noir de la bouche de métro de La porte dorée.

Lorsqu'un peu plus tard les sirènes des pompiers et de la police viendront cerner le métro sous les yeux impuissants d'Hermann et Diane, aucun dialogue ne sera nécessaire pour comprendre la mort de Anne que viendra confirmer pour les seuls personnages l'arrivée d'Antoine.

Solide, Hermann n'a peut-être pas su prendre en compte le désir des deux femmes qu'il a aimées. L'inquiétude et la mort, qui rodaient déjà sous la forme d'une hypersensibilité à l'antisémitisme aussi drôle que pathétique, auront eu raison de lui aussi.

Bonitzer, qui ne s'est pas privé de charger l'odieux personnage de Worms, en fait pourtant sans doute le seul porteur d'une vérité fut-elle difficile à entendre. Diane a des tendances lesbiennes qu'Hermann refuse de satisfaire. Surtout, Bonitzer lui laisse le dernier mot. Anne ne pourra survivre que dans la littérature, hors de portée de ceux qui n'ont jamais su la protéger.

 

Jean-Luc Lacuve le 05/12/2006

 

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Je pense à vous
2006
Genre : Drame sentimental
Avec : Edouard Baer (Hermann), Géraldine Pailhas (Diane), Marina de Van (Anne), Charles Berling (Worms), Hippolyte Girardot (Antoine Carré), Philippe Caroit (Maître Rivière), Agathe Bonitzer (la fille d'Hermann). 1h22.