Les plus belles années de notre vie

1946

Genre : Mélodrame

(The best years of our Life). Avec : Dana Andrews (Fred Derry), Teresa Wright (Peggy Stephenson), Myrna Loy (Milly Stephenson), Fredric March (Al Stephenson), Virginia Mayo (Marie Derry), Harold Russell (Homer Parrish), Cathy O'Donnell (Wilma Cameron), Hoagy Carmichael (Butch Engle), Gladys George (Hortense Derry), Roman Bohnen (Pat Derry), Ray Collins (Mr. Milton). 2h50.

En 1945, trois soldats font connaissance dans un centre de démobilisation aux Etats-Unis : le capitaine d'aviation Fred Derry, le marin Homer Parrish et le sergent d'infanterie Al Stephenson. Ils prennent un même avion de l'armée pour arriver dans leur ville natale du Midwest, Boone City. Ils appréhendent le retour à la vie civile et de retrouver leurs proches après deux années de guerre. Homer était un lycéen vivant avec ses parents de la classe moyenne et sa sœur cadette. Athlète vedette à l'école, Homer sortait également avec sa voisine, Wilma, et ils s'étaient engagés à se marier à son retour. Mais Homer a perdu ses deux mains, brulées dans un naufrage qui sont remplacées par deux crochets qu'il manie avec dextérité. Al est marié depuis vingt ans et a deux enfants. Fred s'est marié alors qu'il faisait ses classes et n'a pas eu un mois pour connaitre sa femme.

L'avion atterrit sur l'aéroport où sont entreposés des  milliers d'avions, endommagés ou presque neufs, que l'industrie de guerre a produit jusqu’aux derniers jours de la guerre et qui sont maintenant inutiles. Un taxi militaire conduit chacun des trois hommes devant leur domicile. Homer est accueilli chaleureusement par sa petite sœur mais ses parents ont du mal à retenir leurs larmes devant ses mains-crochets. Wilma se montre tendre et amoureuse mais Homer semble ne pas répondre à son affection. C'est ce que notent Fred et Al. Celui-ci arrive devant le plus luxueux immeuble de la ville où il occupe un grand appartement. C’est un banquier. Il fait la surprise de son arrivée à ses deux enfants et sa femme qui ne l'attendaient que dans quelques jours. Son fils en sait plus que lui sur la guerre et les dangers de la bombe atomique. Ses cadeaux, drapeau et sabre japonais le laissent poliment indifférent. Fred rejoint la partie la dans la partie la plus pauvre de la ville où il vivait avec ses parents, Pat et Hortense. Ils lui apprennent que sa femme, Marie, n'habite plus avec eux, qu'elle a trouvé un appartement en ville et travaille dans un dancing. Fred se met en quête de la retrouver

Peggy est pleine d’attention pour ses parents et les laissent discuter ensemble. Mais Al veut fêter son retour en ville. Il embarque sa famille dans une tournée des bars où il se révèle vite saoul. Ils finissent par arriver chez Butch, l'oncle de Homer, qui se trouve là aussi car il ne supportait plus les airs apitoyés de sa famille ainsi que Fred qui cherche vainement sa femme dans toutes les boites de la ville. Butch protège son neveu contre l'alcoolisme mais offre généreusement ce qu'ils veulent à ses amis. Si bien que Al et Fred se révèlent vite très ivres sous le regard amusé mais un peu contrit de Peggy et Millie. Ils condusinet Fred dans devsnt l’appartement de Marie mais personne en répond et il s'écroule par terre. Elles décident de le ramener chez eux. Peggy lui offre sa chambre pendant qu'elle dort sur le canapé. Durant la nuit elle entend Fred faire un cauchemar sur un accident d'avion. Au petit déjeuner, Fred remercie Millie et Peggy qui l'accompagne devant chez Lui. Après plusieurs coups de sonnette, Marie répond et est émerveillée de la prestance de Fred dans son uniforme.

Avant la guerre, Fred avait un emploi subalterne dans un drugstore où il vendait des glaces. Le petit drugstore a été racheté par une chaine et son directeur ne lui propose que de reprendre le même emploi car son expérience militaire, trop technique, ne lui a rien appris en terme de commandements. Al est, dès son retour, harcelé par Milton qui dirige la banque où il était un cadre opérationnel. Milton lui propose un poste plus élevé : son expérience militaire le destine à la direction des prêts à court terme, aidé par l'état et destiné aux militaires revenus à la vie civile.

Al continue de lutter pour rentrer dans la vie normale. Il accorde un prêt sans garantie à un vétéran qui veut acheter une ferme. Il est réprimandé par Milton dont il sait qu’il ne lui pardonnera pas une autre prise de risque.

Homer est très adroit dans l'utilisation de ses crochets mécaniques, mais il ne peut se résoudre à croire que Wilma voudra toujours l'épouser. Fred, bien que décoré ne peut pas trouver d'emploi civil en raison de son manque d'expérience à autre chose que de larguer des bombes et est obligé de retourner à la pharmacie pour travailler derrière le comptoir. Le seul point positif pour Fred est la fille d'Al, Peggy qui vient le voir travailler et avec laquelle il déjeune dans un bistrot. Il la raccompagne jusqu'à sa voiture et, bien qu'il sache que c'est mal, l'embrasse. Peggy avoue à se parents être amoureuse de Fred. Elle l'a invité lui et sa femme dans une soirée pour se persuader de renoncer à lui. Mais elle découvre là à quel point ils ne s'aiment pas et tout le cynisme de Marie.

Lors de cette même soirée, Al doit faire un discours face aux actionnaires de la banque. Déjà très aoul, il ne doit qu'aux interventions discrètes de sa femme de ne pas partir en vrille. Il fait toutefois l'éloge des valeurs humaines vis à vis de la prudence et de l'inaction des banques qui lui vaut l'approbation un peu contrite de tous.

Quand elle retrouve se parents, Peggy déclare  vouloir briser le ménage de Fred pour le libérer de sa femme. Al, qui, malgré son affection pour Fred, ne veut pas que sa fille soit impliquée avec un homme marié, lui fixe un rendez-vous chez Butch et lui demande de rompre. Fred, conscient qu’il ne peut faire le bonheur de Peggy, accepte. Peggy, effondrée, raconte à sa mère que Fred vient de lu dire qu'elle n'était qu'une passade et se promet de l'oublier

Homer continue d'éviter sa fiancée, Wilma, et à la grande angoisse de la famille, il ne semble pas vouloir poursuivre la relation. Chaque nuit, le père d'Homer l'aide à retirer ses prothèses de bras et le place dans son lit. Wilma vient lui demander de se déclarer mais Homer se croyant moqué par sa jeune sœur et ses amis explose de rage et brise une vitre alors qu'il n'arrive pas à ouvrir la porte. Il s’excuse ensuite d'avoir effrayé les enfants. Un soir, alors qu'Homer se rend au drugstore pour une crème glacée, un autre client entame une conversation avec lui. Le sujet tourne au vinaigre lorsque le client fait allusion aux dernières nouvelles selon lesquelles le pays est désormais en désaccord avec les gouvernements de l'Union soviétique et de la Chine, en disant : "Vous avez perdu votre temps en combattant le mauvais ennemi". Homer se met en colère; Fred vient à son aide et frappe le libéral nationaliste au visage. Après avoir été viré, Fred conseille à Homer d'avouer ses véritables sentiments à Wilma.

Wilma vient trouver Homer avant qu’il ne demande l'aide de son père pour le coucher. Homer est déterminé à éviter le sujet de leur relation, mais Wilma annonce que ses parents veulent l'envoyer vivre loin de lui pour l'oublier. Homer est d'abord d'accord avec la décision, mais comme Wilma le presse de ses vrais sentiments, il accepte de lui montrer ses handicaps et ce que l'avenir impliquerait. Tendrement, Wilma boutonne sa chemise et l'embrasse pour lui souhaiter bonne nuit, laissant Homer les larmes aux yeux dans son lit.

Pendant ce temps, la femme de Fred, Marie, frustrée par son manque de succès financier et sa vie nocturne passée, dit à Fred qu'elle va divorcer. Le cœur brisé et ne voyant aucun avenir à Boone City, Fred décide de faire ses valises et de prendre le prochain avion. En attendant à l'aéroport, il entre dans un cimetière d'avions, où il monte dans l'un des B-17 b désaffectés. Assis dans le siège du bombardier, son esprit revient à 1944 en 'Allemagne. Il est tiré de ses souvenirs stressants par un contremaître qui l'informe que les avions sont démolis pour être utilisés dans l'industrie croissante du logement préfabriqué. Fred lui demande s'ils ont besoin d'aide dans l'entreprise naissante et est embauché.

Homer et Wilma se marient. Fred, témoin d'Homer, échange quelques mots avec Al et Milly mais se contente de regarder Peggy de loin. Alors que les vœux sont prononcés entre les jeunes mariés, ils ne peuvent s'empêcher de se regarder. Ayant vu Peggy les yeux humides, Fred marche vers elle et ils s'embrassent alors que tous entourent les jeunes mariés. Fred exprime son amour avec la mise en garde que les choses peuvent être un peu difficiles financièrement, même avec son nouveau travail. Peggy l'embrasse avec passion.

C'est en lisant un article du 7 août 1944 dans Time sur les difficultés rencontrées par les anciens combattants en retournant à la vie civile que Samuel Goldwyn décide de produire le film. Il a engage l'ancien correspondant de guerre MacKinlay Kantor pour écrire un scénario qui publie son travail sous forme de roman. Robert E. Sherwood l'adapte ensuite en scénario. Le tournage commence peu plus de sept mois après la fin de la guerre, à partir du 15 avril 1946.

William Wyler avait effectué des missions de combat au-dessus de l'Europe lors du tournage de Memphis Belle (1944) et s'implique pour des détails précis auprès des anciens combattants qu'il rencontrée. Il remplace le personnage d'un vétéran souffrant de trouble de stress post-traumatique (Fred s'en trouve affublé avec son cauchemar) et trouve en Harold Russell, un acteur non-professionnel, pour assumer le rôle exigeant d'Homer Parrish. Wyler fait construire des décors plus amples que ceux standard pour obtenir des séquences en grande profondeur de champ dont il est, avec Orson Welles, le grand spécialiste.

Deux séquences sont particulièrement remarquables. Lorsque Al demande à Fred de rompre avec Peggy, sa fille, il laisse celui-ci aller vers la cabine téléphonique à l'entrée du café de Butch pour lui dire quils ne se revrront plus. Homer arrive et vient demander à Al de le regarder jouer au piano avec Butch. Ce numéro enjoué occupe le premier plan mais l'action dramatique est renvoyée à l'arrière-plan avec deux plans successifs traçant une diagonale du premier plan à l'arrière-plan reliant Al à Fred terminant sa conversation téléphonique avec Peggy.

La profondeur de champ est aussi remarquablement travaillée lors de la séquence de mariage dans l'avant dernier plan du film, de plus de 50’. Hors champ le prêtre termine les phrases consacrant le mariage. Fred et Peggy avaient échangé en champs- contrechamp des regards évocateurs. L’avant-dernier plan est composé de Fred en amorce avec une première diagonale sur la séquence principale l’échange des vœux de Homer et Wilma et des parents de celle-ci;  la seconde diagonale part de Fred vers Peggy aux coté de ses parents qui avaient dans un premier temps écarté Fred de leur fille. Lorsque, vers la fin du plan, tous se dirigent pour féliciter les nouveaux mariés, Fred se dirige vers Peggy qu'il embrasse. Le dernier plan du film sera constitué de la demande en mariage et du baisser en scellant l'accord.

La ville fictive de Boone a été calquée sur Cincinnati, Ohio. Le stade de football "Jackson High" vu au début des images aériennes du bombardier survolant la ville de Boone, est le stade Corcoran situé à l'Université Xavier de Cincinnati. Quelques secondes plus tard, le lycée Walnut Hills avec son dôme et son terrain de football peut être vu avec l'horizon du centre-ville de Cincinnati (Carew Tower et Fourth and Vine Tower) en arrière-plan. Après la guerre, les avions de combat présentés dans le film ont été détruits et démontés pour être réutilisés comme ferraille. La scène de la marche de Derry parmi les ruines d'avions est filmée à l'aérodrome de l'armée de l'Ontario à Ontario, en Californie. L'ancien centre d'entraînement avait été converti en un parc à ferraille, abritant près de 2 000 anciens avions de combat dans divers états de démontage et de récupération.

Jean-Luc Lacuve, le 13 juillet 2022