Jenny Hager n'est pas une petite fille qui a eu une enfance heureuse. Entre son père alcoolique et sa mère absente, Jenny doit trouver ses marques. Un jour qu'elle jouait avec des amis elle tente de noyer un de ses camarades. Une personne de la ville, qui s'avère être le juge, arrive à temps pour le sauver. Jenny explique que se sont les garçons qui l'ont poussé dans l'eau et qu'elle a plongé pour le sauver. Ce dernier propose à Jenny de venir travailler chez lui en échange de quoi elle pourrait rejoindre le pensionnat. Jenny refuse. Son père lui avoue qu'il la verrait mieux au pensionnat que de vivre avec lui. Elle lui rétorque que plus tard elle aura tout ce qu'elle veut : la richesse et les hommes...

Ulmer offre au spectateur le portrait d'une femme représentant une partie des pêchés capitaux cités dans la bible : la luxure, l'envie. Jenny est une femme qui a un total contrôle sur la gente masculine mais également sur la société. Elle arrive à offrir un portrait d'elle comme étant une femme généreuse, prenant soin de son prochain.

La femme comme figure de l'antéchrist

Or la sphère familial a une toute autre allure. En effet, elle n'hésite à épouser le vieux Porter devenu riche puis à séduire son fils en finissant par épouser le mari de Meg. Le réalisateur représente au spectateur un portrait de tout ce qu'il peut y avoir de négatif chez l'être humain. Jenny est un concentré de toutes ses pulsions négatives qui composent un être. Hormis le fait qu'elle a un contrôle sur les hommes ainsi que sur la société, il serait donc juste de dire que Jenny a également un contrôle sur l'histoire. En effet, en séduisant tel ou tel homme elle réécrit son destin et par la même occasion l'histoire du film. C'est elle qui tire les ficelles et qui dirige le film dans tel ou tel directions. Après une première vision, Jenny apparaît au spectateur comme un personnage diabolique dominant le scénario et tout ce qui le compose. Elle a les pleins pouvoirs sur le film. Elle représente également la frustrations sexuelle de l'homme.. Le spectateur quand a lui ne peut qu'éprouver envers Jenny qu'un sentiment de haine et de peur.

Cependant, le personnage de Jenny ne ressort pas vainqueur de tout cela. Bien au contraire, il s'avère qu'elle ne peut pas avoir d'enfant. Cet élément scénaristique et tout à fait louable puisque comme nous l'avons énoncé précédemment, ce personnage représente une figure diabolique. Or le mal ne peut fécondé car s'il en avait la possibilité ce dernier donnerait naissance également au mal. Le mal ne peut se reproduire dans le sang, dans la chair. Le mal meurt avec lui-même, il s'éteint en mourant.

Le film et son rapport à l'Histoire

Le film d'Ulmer fut réalisé en 1946 c'est-à-dire seulement un an après la fin de la seconde guerre mondiale. Au vu du portrait que nous avons fait du personnage de Jenny nous allons tenter de voir en quoi ce personnage peut-il avoir un rapport avec ce conflit. Le film d'Ulmer pourrait représenter, de manière symbolique, la victoire des alliés sur les forces de l'axe. En effet, le mal caractérisé par le personnage de Jenny, représenterait l'idéologie fasciste avec cette volonté de s'accaparer le monde entier. Dans le film, Jenny a déjà séduit la population de la ville de Bargo. Elle a réussit à endoctriner la population pour pouvoir ensuite mieux les contrôler. Si nous continuons sur notre lancée théorique nous pourrions donc avancer le fait que le film suit parfaitement le cours de l'Histoire puisqu'à la fin du film d'Ulmer, Jenny trouve la mort après avoir voulu dans un dernier élan détruire celui qu'elle aime et son amie Meg Saladine. Nous pourrions donc voir dans sa mort la défaite de l'idéologie endoctrinale.

Jenny Hager ou le mal de vivre des femmes post seconde guerre mondiale

Certes, le spectateur peut voir en Jenny une figure du mal absolu mais en creusant un peu il peut se rendre compte qu'elle représente le mal de vivre des femmes après la fin de la seconde guerre mondiale. En effet, pendant que leurs maris étaient partis à la guerre, la femme était seule au foyer et travaillait même à l'usine. La femme durant cette période avait comme trouvé une sorte d'émancipation d'un point de vue financier mais aussi d'un point de vue humain. Dans le comportement de Jenny envers les hommes nous pourrions donc comprendre la frustration qu'ont pu avoir les femmes lors du retour des hommes dans leurs foyers. Elles allaient devoir rester à la maison à s'occuper des enfants et de la maison. Jenny représente tout de même un personnage souhaitant s'émanciper le plus possible dans la société en utilisant tous les moyens possibles et inimaginables. Le spectateur peut avoir dans les agissements de Jenny envers les hommes comme une sorte de représailles envers cette émancipation qui fut " enlevée " aux femmes après la seconde guerre mondiale.

Anthony Boscher le 04/11/2007

 

Test du DVD

Editeur : Bach Films. Version originale anglaise sous-titrée en français. Son : Mono. 1h40.

   
Le démon de la chair

Film noir, polar par Jean-Hugues Oppel (3 min), Claude Mesplède (3 min) Nadine Monfils (2 min) et François Guérif (4 min). "A propos du film " par Stéphane Bourgoin (25 min) " Le noir, univers transgenre " par François Guérif (3 min) et Claude Mesplède (3 min)

 

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Le démon de la chair
1946
Genre : Mélodrame
(The strange woman). Avec : Hedy Lamarr (Jenny Hager), George Sanders (John Evered), Louis Hayward (Ephraim Poster), Gene Lockhart (Isaiah Poster), Hillary Brooke (Meg Saladine), Rhys Williams (Deacon Adams), June Storey (Lena Tempest). 1h40.
dvd chez Bach Films