Le lion est mort ce soir

2017

Avec : Jean-Pierre Léaud (Jean), Pauline Etienne (Juliette), Maud Wyler (Céline), Arthur Harari (Philippe), Isabelle Weingarten (Marie), Noë Sampy (Yuki), Louis-Do de Lencquesaing (Le réalisateur), Jean-Louis Berard (Claude). 1h43.

Dans le Sud de la France, Jean, un acteur vieillissant s'angoisse de devoir jouer la mort. Son réalisateur est davantage préoccupé par Anna, son actrice principale, qui refuse de sortir de sa chambre. En proie à un chagrin d'amour, elle sanglote sans cesse. Jean est alors libre pour quelques jours. Il en profite pour voir une vieille amie de jeunesse dans le quartier. Marie Berthier n'est pas là mais Jean rencontre Yuki, sa petite-fille. A peine a-t-il croisé Marie qu'il s'en va. "Ce n'est pas moi que tu étais venu voir" lui dit celle-ci.

Glaïeuls dans les bras, Jean marche dans les rues et entre, clandestinement, dans une maison abandonnée où vécut jadis Juliette, le grand amour de sa vie.

Une bande d'enfants du quartier, apprentis cinéastes, découvre la même demeure, décor parfait de leur prochain film. Jean les effraie d'un grand cri. Juliette lui apparait. Jadis (ce qui a été et ne reviendra plus), ils se sont aimés. Elle est la seule femme qu'il a jamais aimée. Il a mis du temps à s'en rendre compte. Il reprend sa route jusqu'au cimetière, poursuivi par les enfants et pose les fleurs sur la tombe de Juliette de Garron (1949-1972). Les enfants voudraient tourner un film et sont gênés par la présence de Jean. Ils l'insultent pour qu'il se réveille mais sont chassés par un homme. C'est Claude, ancien ami de Juliette et de Jean, qui lui laisse les clés

Jean part en ville faire des courses, suivi par les enfants. Il leur jette des pommes mais les incite à porter ses sacs. Il leur fait la promesse qu'ils pourront tourner le film dans la maison mais seulement s'ils écrivent un scénario. Juliette réapparait. Les enfants tentent d'écrire le scénario. Juliette revient la nuit, ils chantent. Elle part de nouveau.

Les enfants écrivent le scénario mais s'impatientent devant les jours qui s'écoulent sans tourner. Céline, la jeune maman de Jules, lui propose de partir en vacances. Jules, inquiet du silence de Jean, le découvre, allongé par terre dans sa maison après un malaise. Mais Jean sort pour discuter avec les enfants. Juliette revient le regarder dormir, et l'entraîne dans les rues; Elle lui montre Bételgeuse, Cassiopée et Sirius son chien, Acturus. "Toutes les histoires se terminent de la même manière, par la mort" prophétise Jean.

Les enfants tournent leur histoire de fantômes. Jean participe. Il joue mal. Jules voudrait revoir son père, mort dans un accident de voiture. Il arrive au rendez-vous fixé par sa mère avec une heure de retard mais accepte de partir en vacances avec elle et Simon. Le film des enfants, La maison de l'horreur, suscite ce commentaire de Jean : "C'est très beau, c'est très simple, faire du cinéma pour le plaisir". L'équipe des enfants s'en va en bus terminer le film près d'un lac très beau où le père de Jules l'avait emmené. Ils chantent tous "Le lion est mort ce soir". Autour du lac se tourne la fin du film. Juliette s'en va mourir dans l'eau en disant au revoir... Julien voit un lion.

Les enfants découvrent la lettre d'adieu de Jean dans la chambre bleue, vide. Jules croise de nouveau un lion.

Jean, est de nouveau sur la terrasse où se tourne Les larmes d'Inès. Il joue la scène où il meurt après avoir prononcé sa phrase : "Ah c'était un rêve, je croyais t'avoir vraiment vue."

Film qui se voudrait une réflexion sur le cinéma au travers du personnage de Jean-Pierre Léaud qui incarna la Nouvelle vague puis maintenant, trop souvent, le fantôme de celle-ci. La rencontre de la grand-mère de Yuki, Marie, et de Jean est aussi un prétexte pour revoir Isabelle Weingarten qui incarnait Gilberte, l'amour décu d'Alexandre dans La maman et la putain (Jean Eustache, 1973).

Il s'agit bien donc bien ici d'invoquer la mort, celle de l'histoire d'amour avec Juliette pour faire ressentir que plus rien ne peut être "dorénavant" comme "jadis". La poèsie du texte est le plus beau du film. Ainsi cette belle phrase, lorsque Juliette s'enfonce à nouveau dans l'eau : "La mer ne sait rien. La mer ne saura jamais rien. La mer est condamnée à l'ignorance. Mais si tu ne sais pas nager et moi non plus, il ne faudra pas trop s'éloigner du rivage et ça, je le sais. Car, si je coule, je ne pourrais pas aller te repêcher malgré tout l'amour que j'ai pour toi."

Pour le reste, au delà de la très belle image, la réflexion sur le cinéma est laborieuse. Jean incite les enfants à écrire un scenario et s'extasie de leur film "C'est très beau, c'est très simple, faire du cinéma pour le plaisir". On retrouve là le célèbre jugement de Truffaut dans Les films de ma vie :

"Lorsque j'étais critique, je pensais qu'un film, pour être réussi, doit exprimer simultanément une idée du monde et une idée du cinéma ; La règle du jeu ou Citizen Kane répondaient bien à cette définition. Aujourd'hui, je demande à un film que je regarde d'exprimer soit la joie de faire du cinéma, soit l'angoisse de faire du cinéma et je me désintéresse de tout ce qui est entre les deux, c'est-à-dire de tous les films qui ne vibrent pas".

Ce qui ne fonctionne hélas pas ce sont les deux films dans le film, celui du réalisateur et celui des enfants, qui ne servent que de prétexte à cette théorie. Mais pire que tout : le jeu des enfants est, comme dans Yuki et Nina, insupportable de cabotinage mal contenu.

Jean-Luc Lacuve, le 4 janvier 2018