Gainsbourg (vie héroïque)
2009

La vie de Gainsbourg, du jeune Lucien Ginsburg dans le Paris occupé des années 1940, jusqu'au poète, compositeur et chanteur célébré dans le monde entier.

Le film explore son itinéraire artistique, du jeune homme épris de peinture à la consécration de sa musique dont l'avant-gardisme en a fait une véritable icône de la culture française. Mais aussi la complexité de sa vie adulte à travers ses amours tumultueuses...

Pour Serge Kaganski, le film fait œuvre de salubrité publique pour notre temps. Pour le critique des Inrock, il s'agit en effet "d'un exemplaire parcours d'intégration républicaine, une identité nationale rêvée et réelle, à la fois indiscutablement française et sensuellement métèque, incarnée par un Juif érotomane, grilleur de Gitanes, mal rasé, qui a secoué l'héritage de Nerval, Prévert et Vian à coups de modernité anglaise et de déhanchements rastas ... Un biopic ultrapersonnel, élégant et pétillant, ludique et grave, mêlant acteurs et dessins, anecdotes réelles et fantasmes, un film lourd-léger comme l'était Gainsbourg, ce chanteur séducteur- provocateur."

On a connu Serge Kaganski plus incisif. Si l'on veut bien admettre que le personnage Gainsbourg, version simple ou version Gainsbarre, était un chanteur séducteur provocateur, le film l'est beaucoup moins.

C'est surtout la charge provocatrice qui est inexistante. En choisissant d'écrire un conte, Sfar délaisse sciemment le rapport au réel qui est la spécificité du cinéma. Le film est ainsi très théâtral, privilégiant les scènes d'intérieur dialoguées et ne parle aucunement des années 70 et 80 et encore moins d'aujourd'hui, du rôle que Gainbourg-Gainsbarre pourrait y tenir.

Délibérément autiste, le film joue de la confrontation de Gainsbourg avec son double protecteur, fut-il monstrueux, fut-il l'homme à la tête de choux. Le film développe ainsi un maniérisme constant plutôt réussi mais limité dans ses figures de carton-pâte ou ce reflet dans la glace inscrivant la tête de Gainsbourg dans celle d'une tête en bronze en forme de choux.

De lutte contre l'antisémitisme ou d'une revanche contre la laideur, il n'en est pas plus question ici. Sfar ne nous montre aucune scène de séduction : toutes les femmes que rencontre Serge sont déjà séduites avant qu'il ne les rencontre.

Comme presque tous les biopic hélas, celui-ci n'échappe pas à la règle. La totalité du travail du metteur en scène consiste à essayer de faire vraisemblable, de ne pas trahir les costumes, les décors, l'atmosphère ou même la biographie. Travail herculéen mais voué à l'échec de faire léger et vrai. C'est ici tout juste long et vraisemblable.

Heureusement, les acteurs sauvent la mise. L'arrivée de Laetitia Casta, en cuissardes avec son chien en laisse, est un grand moment sans oublier le charme de Lucy Gordon ni celui d'Anna Mouglalis ou celui, habituellement décalé, de Yolande Moreau. Dans le genre décalé, qui aurait pu être une constante du film, la palme revient sans conteste à Philippe Katerine, le seul à ne pas se fondre dans la pâte homogène du conte de Sfar.

Seul plan un peu mystérieux, lorsque Gainsbarre voit l'enfant de Jeanne posé sur un plateau pour être changé. La vitre s'obscurcit de rouge et Gainsbourg sombre dans la drogue. Faut-il une clé biographique pour comprendre cette scène ?

Jean-Luc Lacuve le 8/02/2010.

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Genre : Film biographique
Avec : Eric Elmosnino (Serge Gainsbourg), Lucy Gordon (Jane Birkin), Laetitia Casta (Brigitte Bardot), Doug Jones (La Gueule), Anna Mouglalis (Juliette Greco), Sara Forestier (France Gall), Mylène Jampanoï (Bambou), Kacey Mottet Klein (Lucien Ginsburg), Razvan Vasilescu (Joseph Ginsburg), Philippe Katerine (Boris Vian), Deborah Grall (Elisabeth Levizky), Yolande Moreau (Fréhel). 2h10.
Joann Sfar