Dans une grande usine de Kansas-city au Missouri, le bétail est abattu puis conditionné en viande de premier choix, steaks hachés ou saucisses. Profitant de la pause d'un ouvrier, Weenie, l'un des patrons, massacre un homme au marteau et l'introduit dans la chaine de conditionnement récupérant au final quelques saucisses. Celles-ci arrivent sur la table d'un boss de la mafia de Chicago. Excédé, le destinataire décide d'employer la manière forte et contacte Nick Devlin pour collecter les 500 000 dollars que lui doit Mary Ann, le propriétaire de l'abattoir et qu'il ne parvint pas à récupérer avec son précédent homme de main... dont les acolytes ne pourront donc qu'enterrer quelques saucisses.

Apres un long trajet en voiture pour traverser L'Illinois et le Missouri, Devlin et trois gangsters affrontent, près de Kansas city un univers rural sans foi ni loi où Mary Ann et son frère Weenie organisent des foires aux bestiaux avec des jeunes filles nues et droguées en guise de bétail vendu 20 dollars le kilo… Mary Ann se montre peu enclin à verser l'argent dû. En guise d'avance sur ce qu'il doit, Nick sauve et enlève l'une des jeunes filles destinées à la prostitution, Poppy, qui l'avait appelé au secours. Nick habille Poppy d'une superbe robe verte transparente pour la conduire au restaurant. Le soir, elle lui explique sa détention depuis l'enfance dans un orphelinat qui destinait ses pensionnaires à la prostitution. De son coté, Weenie habille d'une robe rouge, Violet, compagne d'infortune de Poppy en lui demandant d'être très gentille.

Le lendemain Nick conduit Poppy à la foire agricole où Mary Ann organise un concours de taurillons auprès des jeunes fils d'agriculteurs, où les fermières font goûter leur lait de vache, où s'organise concours de lassos et de tir aux dinons. Mary Ann présente sa femme à Nick qui n'est autre que son ancienne maîtresse, Clarabelle. Nick gifle Mary Ann qui lance ses hommes de mains aux trousses de Nick et Poppy. Ils les poursuivent dans un champ de blé puis c'est une énorme moissonneuse batteuse qui els prend en chasse. Ils ne doivent leur salut qu'à Shay, le fidèle homme de main de Nick qui lance, à travers champs sa voiture contre la moissonneuse-batteuse et abat son conducteur. La moissonneuse expire après avoir englouti la voiture. Le soir Nick se rend sur le Clarabelle, le bateau de la femme de Mary Ann qui voudrait bien qu'il le débarrasse de son mari. Dégouté, Nick largue les amarres... du bateau qui, à la fureur de Clarabelle humiliée, dérive sur le Mississipi. En rentrant à l'hôtel, Nick apprend que Poppy a été enlevé par Mary Ann.

C'est sous un ciel d'orage que, tels les cavaliers de l'apocalypse, Nick, Shay et el jeune Delaney viennent se venger et délivrer Poppy et Violet. Apres avoir tué Weenie et laissé Mary Ann se faire dévorer par un cochon, ils iront délivrer les jeunes filles de l'orphelinat.

Dans le chapitre "Fin de frontière, excès d'énergie" de son Cinéma américain des années 70, Jean-Baptiste Thoret replace Carnage dans son contexte. "L'énergie, moteur essentiel de la conquête de l'ouest, se met à tourner à vide. Comment répéter le mythe de la frontière alors que la frontière n'est plus. Deux réponses possibles : soit effectuer le chemin inverse de la conquête de l'ouest, c'est le road movie, soit brûler cette énergie sur place dans la folie meurtrière, ce sont les films d'horreur réalistes.

La violence ne constitue plus un facteur régénérant de la civilisation mais le moyen par lequel elle s'autodétruit et précipite le monde à sa fin. La capacité de l'individu à s'adapter aux métamorphoses du monde moderne fait place à une société prise dans les rets d'une causalité, d'un sens qui la dépasse, en pleine dégénérescence et dont les rednecks qui pullulent dans les films du nouvel Hollywood constituent les archétypes. Parce que la frontière a bel et bien disparue, le monde auquel se mesuraient naguère les pionniers n'est plus qu'un repère de dégénérés dont l'esprit de conquête a fait place à une oisiveté meurtrière."

On ne se saurait mieux présenter Carnage (Prime cut en VO), cet avatar du polar classique où un tueur à gage est censé récupérer de l'argent et, s'il n'y arrive pas, doit tuer le mauvais payeur. L'énergie tourne pourtant effectivement à vide : Nick Devlin est revenu de tout et le couple de frères, Mary Ann et Weenie, semble tant et tant avoir abusé de la viande sous toutes ses formes qu'ils seront, pour l'un, tué pour avoir confondu un couteau avec une saucisse (!!!) et l'autre laissé être dévoré par un cochon mangeur d'homme.

L'étrange dégénérescence de ce coin du Missouri est perceptible dès la scène d'ouverture digne de Tintin en Amérique. Le spectateur n'est pas bien sûr de comprendre ce que signifie la silhouette humaine entraperçue, ce sur quoi frappe Winnie à coups de marteau. Il est sommé de comprendre, avant qu'on le lui dise à Chicago, ce que vient faire une chaussure sur le tapis de conditionnement et de quoi est constitué la chair des saucisses. On est encore loin de Hooper et son Massacre à la tronçonneuse mais plus proche de Romero : le corps humains traité comme de la viande ou du bétail.

Jean-Luc Lacuve le 16/09/2011

 

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films. Septembre 2011. Nouveau master restauré haute définition. DVD 20 €.

Supplément :

  • À La croisée des chemins (23 mn) Jean-Pierre Dionnet, cinéphile professionnel, dialogue avec le cinéaste Frédéric Schoendoerffer à propos de la singularité de Prime Cut, film charnière entre le cinéma classique et le Nouvel Hollywood.

 

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Carnage
1972

(Prime cut). Avec : Lee Marvin (Nick Devlin), Gene Hackman (Mary Ann), Gregory Walcott (Weenie), Sissy Spacek (Poppy), Janit Baldwin (Violet), Angel Tompkins (Clarabelle), William Morey (Shay). 1h28.

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