4 mois, 3 semaines, 2 jours

2007

Genre : Drame social

(4 luni, 3 saptamani si 2 zile). Avec : Anamaria Marinca (Otilia), Laura Vasiliu (Gabita), Vlad Ivanov (Monsieur Bébé), Alexandru Potocean (Adi).

Otilia et Gabita sont étudiantes dans une petite ville en Roumanie, pendant les dernières années du communisme. Elles partagent la même chambre dans une résidence universitaire. Gabita est enceinte et ne souhaite pas garder son enfant, mais l’avortement est interdit par la loi. Malgré les risques, les deux jeunes femmes font appel à un certain M. Bébé. Otilia parvient à louer une chambre dans un hôtel miteux où se déroulera clandestinement l’intervention.

4 mois, 3 semaines, 2 jours n'est pas un film à thèse du moins pas un film pour ou contre l'interruption volontaire de grossesse car les deux jeunes filles sont prises dans un engrenage social et moral qui rend presque abstrait l'avortement malgré le désormais célèbre plan du fœtus éjecté dans la salle de bain.

Le titre renvoie à l'age du fœtus lors de l'avortement. C'est un indice donné au spectateur par le metteur en scène avant que ce qui inquiète les jeunes filles ne soit énoncé comme tel dans le film. Il s'entend aussi comme un compte à rebours d'une course folle contre le piège qui se referme sur Otilia et Gabita.

Des indices, une course et un piège voila par quoi débute la mise en scène de Mungiu. Les indices sont patiemment amenés. Ce sont ceux d'une corruption généralisée où les cigarettes peuvent couvrir une absence au cours de gym et où les réceptionnistes d'hôtels sont démobilisés et respectueux jusqu'à l'outrance des consignes de la police. Ce sont surtout ceux de l'inconséquence de Gabita. Celle-ci navigue dans l'insouciance de l'adolescence. Elle ne voit pas la réalité en face et contourne les évidences : elle réserve par téléphone sans confirmer, elle ne se rend pas au rendez-vous en personne, elle oublie la toile cirée, elle ment sur l'age du bébé. Ces indices ponctuent la course d'Otilia : course pour trouver une chambre, pour trouver l'argent, pour être présent à l'anniversaire de la mère de Adi le fiancé, pour rencontrer monsieur Bébé. Ce mélange d'indices et de courses conduisent au piège qui se noue dans la chambre d'hôtel.

Mungiu y délivre le dernier indice contre Gabita : elle a " oublié " la proposition de prostitution de monsieur Bébé. Et dans la chambre d'hôtel où Monsieur Bébé contraint Otilia et Gabita à coucher avec lui, tout bascule. Otilia jusqu'ici indulgente vis à vis de sa camarade ne peut être qu'écœurée par ce qu'elle vient de subir, par le piège qui l'a immobilisé là avec la rage du tuer, matérialisée par le couteau. Dans cette chambre, Mungiu a déjà lui aussi basculé sa mise en scène vers le plan fixe qu'il va désormais utiliser encore plus systématiquement pour maintenir piégée Otilia dans le cadre. Celle-ci ne peut que subir le chantage de Monsieur Bébé comme elle ne peut que subir la conversation des parents d'Adi et de leurs amis ou l'inertie de sa camarade.

Les courses d'Otilia se déroulent désormais dans le noir. La caméra peut bien l'accompagner à l'épaule tant il n'y a plus à voir que la peur, le noir et le dégoût : Otilia pleure dans le bus et vomit dans la rue. Affolée et grelottante, elle finira par jeter le fœtus du haut du vide-ordures d'un immeuble comme monsieur Bébé le lui avait conseillé.

Le dernier plan cadre Otilia et Gabita qui ont décidé de ne plus parler de "ça". Mais comment pourront-elles parler d'autres choses ? Derrière elles, les invités du mariage dansent en ombre chinoise : la fin d'un monde qui pourrait rappeler celui de la fin de La règle du jeu. Le vrai sujet de Mungiu semble ainsi moins être le quotidien de la dictature du régime de Ceaucescu, où l'horreur de l'avortement que le terrifiant effondrement d'un personnage aussi lumineux qu'Otilia.

Jean-Luc Lacuve, le 04/09/2007

 

Palme d'or et Prix de l'éducation nationale à Cannes, le film a fait l'objet d'une polémique quand Xavier Darcos, Ministre de l'Education, a jugé le film "trop dur" pour un public adolescent et refusé son édition sous forme d'un DVD pédagogique destiné aux lycées suivant en cela la demande de Christine Boutin alors Ministre du logement et de la ville. Cependant, classé fin juillet "tous publics" par la commission de classification des oeuvres cinématographiques, il ne devrait plus y avoir d'obstacle à la diffusion du film, sous la forme d'un DVD pédagogique, par le Ministère de l'Education. Sans surprise, le Vatican a qualifié le film de "retour à la barbarie de nos consciences" Le film, comme l’a souvent rappelé le réalisateur lors de la promotion, ne prend pourtant pas partie sur ce sujet délicat.