L'intendant Sansho

1954

(Sansho dayu). Avec : Kinuyo Tanaka (Tamaki), Yoshiaki Hanayagi (Zushiô), Kyôko Kagawa (Anju), Eitarô Shindô (Sanshô dayû), Akitake Kôno (Taro) Masao Shimizu (Masauji Taira).

Le Japon du XIème siècle. Une femme, Tamaki, traverse la forêt avec son fils de treize ans, Zushio, sa fille de huit ans, Anju et une servante. Six ans auparavant, son mari, gouverneur de la province de Putsu, a été exilé pour avoir pris le parti de paysans dont on exigeait un trop lourd tribut. Avant de partir, il a demandé à son fils de ne jamais oublier ces paroles : "Un homme fermé à la pitié n'est pas humain. Sois dur pour toi-même et généreux pour les autres. Tous sont égaux et ont droit au bonheur". Tamaki a vécu six ans avec ses parents, puis ils sont morts et son frère l'a chassée.

Au cours de son périple avec ses enfants, elle sera capturée par des marchands d'esclaves qui la vendront comme courtisane dans al lointaine île de Sado. Zushio et Anju sont vendus comme esclaves à l'intendant Sansho qui gère, dans la province de Tango, un domaine appartenant au ministère de la Justice. Ses méthodes sont féroces et impitoyables. Ses esclaves travaillent comme des bêtes et ceux qui tentent de fuir, hommes ou femmes, jeunes ou vieillards, sont marqués sur le front au fer rouge. Les deux enfants ne trouvent de compassion à leur égard que chez taro, le propre fils de Sansho, qui réprouve les méthodes de son père.

Dix ans ont passé, Zushio s'est endurci et Anju, qui est restée la même, lui reproche sa cruauté. Elle apprend d'une esclave récemment arrivée que, sur l'île de sado, se trouve une courtisane surnommée la dame, qui chante perpétuellement une complainte où reviennent deux noms, Zushio et Anju. Zushio se décide alors à fuir avec sa sœur.

Mais, pour permettre la fuite de son frère, Anju se noie volontairement dans un lac. Ayant réussi à rejoindre Kyoto et à faire reconnaître sa véritable identité par un ministre, Zushio apprend que son père est décédé, et lui succède comme gouverneur de la province où opère Sansho : après avoir fait arrêter Sansho et libérer les esclaves, il démissionne et retourne à l'île de Sado pour retrouver sa mère, devenue une vieille femme infirme et aveugle, qu'il rejoindra sur une plage déserte.

D'une façon minoritaire dans l'œuvre de Mizoguchi, c'est ici par son sujet et ses personnages, un film plus masculin que féminin ; et l'oppression qu'il dépeint touche autant les hommes que les femmes, les enfants que les adultes. A travers les malheurs de Tamaki, de Zushio et d'Anju, Mizoguchi a voulu décrire l'aube des valeurs morales à une époque où elles ne sont pas encore des valeurs objectives mais seulement le parti pris de quelques uns (ex. le père de Zushio).

Jacques Lourcelles