1982

Dans la grande salle du palais des rois de Grande-Bretagne, le vieux roi Lear réunit ses filles, leurs maris et son fidèle ami le comte de Kent. Il annonce son désir de se retirer du pouvoir et sa décision de diviser son royaume entre ses trois filles, Goneril mariée au duc d'Albany, Régane épouse de Cornouailles et Cordélia, la plus jeune, courtisée par le duc de Bourgogne et le roi de France. La plus large part sera offerte à celle qui saura lui déclarer qu'elle l'aime le mieux. Alors que les deux aînées n'hésitent pas à jouer la carte de la flagornerie, Cordélia se montre sobre et sincère en affirmant qu'elle devra un jour la moitié de son affection à un futur mari bien qu'elle aime profondément son père. Blessé par cette réserve qui pique d'autant plus son orgueil qu'elle émane de son enfant préférée, Lear déshérite Cordélia, partage le royaume entre les deux autres sœurs, la chasse impitoyablement et annonce qu'il ira vivre alternativement sur les terres de Goneril et de Régane avec sa suite d'une centaine de chevaliers. Le comte de Kent, proche du roi, s'oppose à ce traitement injuste et tente de faire entendre raison au souverain qui, excédé, le bannit également. Apprenant l'infortune de Cordélia, le duc de Bourgogne renonce à ses vues mais le roi de France, sa passion raffermie par tant de vertus qu'il juge plus précieuses qu'une dot, annonce que Cordélia régnera sur la belle France où elle trouvera mieux que ce qu'elle a perdu.

Parallèlement se déroule au château du comte de Gloucester une seconde intrigue sur le même thème de l'amour filial. Le comte a deux fils, Edgar, enfant légitime et Edmond, son bâtard. Celui-ci trahit son père et son frère par ambition et pour gagner l'héritage auquel son statut de bâtard ne lui donne pas droit. Par une fausse lettre, qu'il révèle soi-disant contre son gré, Edmond démontre à Gloucester qu'Edgar cherche à usurper la succession tout en se montrant habilement le défenseur de son frère qu'il semble vouloir protéger du courroux de ce père. Dans un jeu de dupe, il pousse par ailleurs Edgar à se sauver pour mieux convaincre ensuite son père, en se blessant lui-même, que la raison de cette fuite est la lutte entre les deux frères provoquée par Edgar en raison du refus d'Edmond d'attenter à la vie du comte. Tous les hommes d'armes étant à sa recherche et les ports surveillés, Edgar trouve refuge dans la lande sous les oripeaux du pauvre Tom, mendiant de Bedlam.

Cependant, Kent, décidé à protéger son roi, retourne déguisé au palais et, se présentant sous le nom de Caius, se fait engager comme serviteur par Lear. Il aide le roi à corriger Oswald, l'intendant de Goneril, qui, sur ordre de sa maîtresse se refusait à servir Lear. Celui-ci commence à réaliser l'ascendant que Goneril a pris sur son père : elle ne le respecte plus, lui ordonne de se mieux comporter et de réduire sa suite qu'elle accuse de se quereller avec ses gens. Le fou se moque des malheurs du roi et de cette inversion des rôles. Furieux, Lear annonce qu'il part pour la maison de Régane dont il pense qu'elle lui réservera une affection et un sort meilleur. Albany, pris à témoin, tente de raisonner son épouse mais Goneril lui reproche sa "douceur d'agneau" et envoie Oswald prévenir sa sœur par un courrier. De son côté Lear fait porter une lettre à Cornouailles par Kent.

Pour éviter de recevoir son père, Régane se rend avec le duc de Cornouailles au château de Gloucester où Kent et Oswald se rencontrent, attendant les réponses aux missives. Kent invective l'intendant et tire l'épée contre le couard qui en appelle à l'aide de ses maîtres. Cornouailles, malgré les protestations de Gloucester, fait enferrer Kent dans les ceps. Lorsque Lear arrive chez le comte de Gloucester, il ne peut croire que la mise au pilori de son cher serviteur soit le fait de sa fille. Or, celle-ci et Cornouailles se prétendant épuisés par leur voyage refusent de lui parler et n'acceptent de descendre que sur l'intercession de Gloucester. Goneril qui est venue rejoindre sa sœur se ligue avec elle et Cornouailles pour refuser au vieux roi, non plus la moitié de son escorte, non plus vingt-cinq chevaliers mais ne lui accordera désormais plus un seul homme puisque ses gens se querellent avec ceux de la maison de ses filles. Accablé par la dureté et l'ingratitude de ses enfants auxquelles il a tout donné, il quitte le château sous la tempête, accompagné du fou. Avant de les rejoindre, Kent confie à un gentilhomme de confiance la mission de rejoindre Douvres où Cordélia, informée du sort réservé à son père et des dissensions qui se font jour entre Albany et Cornouailles, a débarqué avec l'armée du roi de France.

Dans la lande dévastée par la tempête et l'orage, le roi délire en écho aux sentences du bouffon. Kent retrouve le fou et le sage et les conduit jusqu'à une hutte où ils pourront se mettre à l'abri pendant qu'il ira forcer l'hospitalité du comte. La hutte est occupée par un être hirsute que le fou prend pour un fantôme et qui dit se nommer "le pauvre Tom". Il s'agit d'Edgar quasiment nu, hors une couverture autour des reins, et tenant des propos incohérents que Lear qualifie de "philosophie". À l'exemple du pauvre hère, le roi, toujours plus divaguant, déchire ses vêtements imaginant que si "le pauvre Tom" en est réduit à ce triste état, lui-même ne peut à son tour que se dépouiller. Gloucester parti à leur recherche les retrouve et persuade Lear de venir s'abriter dans une dépendance du château ce que le roi n'accepte qu'à la condition que son nouvel ami, son « bon Athénien » - dans lequel Gloucester n'a pas reconnu Edgar - les accompagne. Avant que Lear ne s'abandonne à un peu de repos, le roi, le fou et le « philosophe », sous le regard désolé de Kent, et pendant que Gloucester les abandonne un moment, organisent un simulacre de procès où des tabourets tiennent le rôle de Goneril et Régane.

Gloucester ne tarde pas à revenir, les pressant de s'enfuir vers Douvres afin d'échapper à un complot qu'il vient de découvrir, visant à tuer le roi et ses défenseurs. Toujours dupe d'Edmond, le comte lui avait confié, avant de partir à la recherche du roi dans la lande, l'existence d'une lettre l'informant de la connaissance par le roi de France des dissensions entre Albany et Cornouailles et du débarquement des troupes françaises envoyées pour venger l'offense faite à Lear par ses filles. Toujours avec la même duplicité, Edmond se lamente auprès de Cornouailles d'être le fils d'un traître et de devoir par loyauté en être le délateur. Le duc lui renouvelle sa confiance et, pour lui éviter d'assister à ce qui attend son père, l'envoie avec Goneril et Oswald rejoindre Albany. Dès après leur départ Gloucester est arrêté, sa barbe blanche arrachée par Régane et ses yeux crevés par Cornouailles. Un serviteur du comte ayant osé s'interposer est tué par Régane mais blesse mortellement le duc avant d'expirer.

Au château d'Albany, Goneril apprenant par Oswald l'opposition de son mari à l'offense faite à Lear renvoie Edmond chez Cornouailles après avoir échangé avec lui serments et baiser. Le duc paraît alors et reproche à Goneril sa monstruosité de femme et de fille de roi tandis qu'elle le traite avec mépris d'"Idiot, et puéril !". Un messager apporte la nouvelle de la mort de Cornouailles et de la torture subie par Gloucester dénoncé par son fils. Albany est atterré et jure vengeance. Goneril s'inquiète de se retrouver en concurrence avec sa sœur maintenant veuve et de perdre Edmond. De son côté, Régane apprend d'Oswald que celui-ci est chargé par Goneril d'apporter une lettre à Edmond et confie à son tour un présent pour le fils de Gloucester en faisant comprendre à l'intendant que Goneril ferait bien d'abandonner ses projets et en lui suggérant de supprimer le comte sur le sort duquel trop de monde s'apitoie.

Entre-temps, le comte de Gloucester qui avait été jeté dans la lande après sa mutilation est pris en charge un bout de chemin par un vieux paysan puis par "le pauvre Tom" (Edgar) auquel il demande de le conduire au bord de la falaise de Douvres. Arrivé là, il se jette... de toute sa hauteur dans la prairie. Edgar, prenant cette fois la voix d'un paysan lui fait croire qu'il a survécu miraculeusement à cette chute d'une hauteur de "dix mâts mis bout à bout". Lear, toujours enfermé dans sa douloureuse démence croise leur chemin. C'est pour chacun un redoublement de chagrin de constater la souffrance de l'autre. Les paroles de folie succèdent aux discours de révolte et aux propos désespérés. Un gentilhomme de la suite de Cordélia ramène enfin le roi auprès de sa fille. Survient alors Oswald ravi de trouver sur sa route Gloucester dont la tête est mise à prix. Il tire son épée pour le tuer mais Edgar s'interpose et lui porte un coup mortel. Oswald lui demande avant de périr de remettre à Edmond la lettre de sa maîtresse. Malgré ses scrupules, Edgar ouvre la lettre pour découvrir que Goneril se promet à Edmond en échange de l'assassinat de son mari.

Dans le camp français près de Douvres Kent apprend à un gentilhomme que Lear rôde dans la région tout en refusant de voir sa fille tant la honte et le remords le rongent. Cordélia ordonne qu'on le recherche. Un messager vient annoncer que l'armée anglaise est en marche. Lorsque le roi est enfin ramené le médecin lui administre le seul remède capable d'apaiser sa douleur, des simples qui vont lui accorder un repos réparateur. Pendant son sommeil, Cordélia l'embrasse et lui déclare sa tendresse. À son réveil Lear s'agenouille pour implorer son pardon pendant que Cordélia lui demande sa bénédiction. Après ces soins et ces paroles apaisantes, le roi retrouve peu à peu ses sens et apprend qu'il se trouve sur ses terres et non en France.

L'armée britannique est déjà proche de Douvres. Albany déclare que sa préoccupation n'est pas la révolte, qu'il considère légitime, des partisans de Lear mais l'invasion du pays par le roi de France. Goneril et Régane se jaugent pendant qu'Edmond tergiverse à part sur le parti à prendre entre les deux sœurs, dont il n'aime manifestement aucune, sans mettre en péril la totalité du gain, le bénéfice du royaume dans son entier. Avant d'entrer dans la tente où doivent se décider les plans de la bataille, Albany est rejoint par Edgar, toujours déguisé en paysan. Le jeune Gloucester remet au duc la lettre de Goneril destinée à Edmond et lui déclare que s'il est toujours vivant après la bataille, il lui suffira de faire appeler par la trompe du hérault le champion que lui-même se charge d'envoyer pour faire droit à Albany dans l'intrigue que lui révélera la lettre.

La bataille a eu lieu. Les Anglais sont victorieux. Lear et Cordélia sont emprisonnés. Edmond ordonne à un capitaine de les suivre et d'exécuter la mission inscrite sur l'ordre écrit qu'il lui remet. Albany réclame que le roi et la reine lui soient remis pour être traités selon leur rang. Edmond, bien que vassal d'Albany, refuse et voit sa défense prise tant par Régane que par Goneril qui, toutes deux, se glorifient d'avoir investi de leur propre pouvoir l'homme dont elles se disputent l'illusoire affection. Albany les pousse dans leur retranchement, incitant leur opposition, met fin à la sinistre comédie en mettant Edmond aux arrêts pour haute trahison et fait sonner la trompette et quérir le champion promis par Edgar. Celui-ci se présente, sans révéler encore son identité, les deux frères combattent, Edmond tombe et Edgar se nomme enfin. Il conte alors comment il a secouru son père jusqu'à ce que le cœur du vieil homme ne cède en apprenant, avant son départ pour le combat, que « le pauvre Tom » et le paysan secourable ne faisaient qu'un avec son fils légitime injustement banni. Il conte aussi comment Kent, sous les traits du serviteur Caïus, a assisté Lear et comment le comte a sombré sans connaissance à force de chagrin. On vient annoncer la mort de Goneril et de Régane : la première a empoisonné l'autre et s'est poignardée. Kent qui a recouvré ses esprits arrive et demande à voir Lear. Edmond avoue avant de mourir à son tour avoir avec Goneril donné l'ordre de pendre Cordélia dans sa cellule et de prétendre à un suicide. On se précipite à la prison mais il est trop tard. Lear apparaît, le corps de Cordélia dans ses bras et s'illusionne en voyant bouger une plume au souffle de son enfant. Mais Cordélia est morte et le cœur de Lear se brise. Albany déclare un deuil général et confie le pouvoir à Kent et Edgar.

La pièce, dont l'action est placée 800 ans avant l'ère chrétienne, s'inspire entre autres de l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth, qui évoque la figure légendaire de Leir, roi mythique de l'île de Bretagne à l'époque celtique précédant la conquête romaine et de sa fille Cordélia. Elle contient une double intrigue (procédé habituel chez l'auteur) dont l'action secondaire contribue à renforcer les différents moments de l'action principale. La tragédie familiale (la politique, ici, passe au second plan), tragédie de la vieillesse et de la transmission, épreuve initiatique menant le vieux roi vers l'acceptation de la mort et une forme de réconciliation. Œuvre-miroir où chaque personnage se regarde au reflet d'un autre. Ainsi Lear et Gloucester, qui, lui aussi s'aveuglant sur ses fils, Edgar le légitime et Edmond le bâtard, finira, tel Œdipe, les yeux crevés.

Produit par Shaun Sutton – Dirigé par Jonathan Miller. Date de première diffusion : 19 septembre 1982.

 

critique du DVD
Les éditions Montparnasse, février 2013. Coffret de 5 DVD. Durée totale des cinq pièces : 12h55 . 40 €

DVD 1 : Timon d’Athènes. DVD2 : Le roi Lear. DVD 3 : Antoine et Cléopâtre. DVD 4 : Macbeth . DVD 5 : Coriolan.

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Le roi Lear
Avec : Michael Hordern (Lear), John Bird (le duc d’Albany), Anton Lesser (Edgar), Frank Middlemass (le fou du roi), Brenda Blethyn (Cordélia), Michael Kitchen (Edmond). 3h05.
Thème : Shakespeare
Voir : édition DVD