Garçon chiffon

2020

Avec : Nicolas Maury (Jérémie Meyer), Nathalie Baye (Bernadette Meyer), Arnaud Valois (Albert), Théo Christine (Kévin), Laure Calamy (Sylvie), Jean-Marc Barr (Le réalisateur), Laurent Capelluto (Jean-François, l'agent) Dominique Reymond (La thérapeute Jaloux Anonymes) Andrea Romano (Gianfranco), Isabelle Huppert (Spectatrice à la sortie de Noce Blanche). 1h50.

Jérémie, la trentaine, cherche son chemin dans les rues de Paris avec Google map. Il trouve la salle de réunion des Jaloux anonymes où chacun y va de son histoire de jalousie. Il ne s'y sent pas à sa place et fuit. En se rendant au domicile de son compagnon, Albert, il reçoit un coup de fil de celui-ci lui disant vouloir rester chez lui ce soir. Or, il le voit sortir et prendre sa moto. Jérémie se rend immédiatement au cabinet vétérinaire d'Albert et le surprend avec son jeune assistant Gianfranco; mais il ne s'agissait que d'une opération d'urgence et Albert se montre excédé de la jalousie de son compagnon.

Jérémie va voir le réalisateur qui lui a promis le rôle qu'il travaille depuis un moment pour s'entendre dire qu'il lui est finalement refusé au profit de Ramzy. Effondré par la rouerie du metteur en scène, Jérémie s'enfonce dans la paume un bout du verre de lunette que, crispé à l'extrême, il vient de briser. Le soir, il est seul à aller voir Noce blanche, Albert n'ayant pu se libérer. Ils passent la nuit ensemble et Jérémie en profite pour installer une caméra espion chez Albert. Mais celui-ci, excédé à propos des questions de Jérémie sur un caleçon marqué de sperme, exige "qu’il jarte".

Jérémie téléphone alors à sa mère, lui indiquant qu'il va venir la retrouver pour l'hommage à son père qui s'est suicidé il y a un an. Avant, Jérémie passe chez Sylvie une réalisatrice en plein burn-out qui ne lui propose pas un rôle mais d'être son coach, ce qu'il refuse. En partant, il tombe et s'abîme le contour de l'œil. Enfin avant de partir, Jérémie discute avec Jean-François, son agent, qui l'incite à bien apprendre chez sa mère le rôle de Moritz dans L’Éveil du printemps, une pièce de théâtre de Frank Wedekind pour lequel il lui a obtenu une audition

Bernadette attend à la gare celui qu'elle appelle "Mon chiffon". Jérémie fait la connaissance de Patrick, l'homme pratique, ami de sa mère envers lequel il éprouve une détestation immédiate et réciproque. Bernadette occupée par ses gîtes ruraux essaie d'amadouer son fils mais celui-ci s'irrite lorsqu'elle veut lui faire répéter son rôle. La cérémonie conduite par des chasseurs où la grand-mère le prend pour son père, Denis, est une catastrophe. Jérémie remarque pourtant Kévin et lui demande de le conduire au refuge de son père pour y passer la nuit. Au matin il tente maladroitement de se suicider en se jetant d’un pont, il est recueilli par des nonnes qui le soignent t gentiment lui offre une décoction de houx pour soigner sa jalousie. Lors d'une soirée spritz, Bernadette lui confie combien son père, aux nombreuses maîtresses, fut odieux avec elle. Pour son anniversaire Bernadette lui offre un chien qu’il baptise gugusse et qui lui rend sa joie de vivre.

De retour à Paris, il est pris pour le rôle de Moritz dans L’Éveil du printemps. Un matin, il découvre Gugusse très malade et le porte en urgence au cabinet vétérinaire d'Albert. Le chien est sauvé. Jérémie accepte la rupture douloureuse mais inévitable avec Albert qui a entamé une liaison avec Giancarlo. Le soir de la première de L'éveil du printemps, Kevin vient trouver Jérémie dans sa loge.  Les deux hommes vont marcher sur les quais de Seine. Jérémie chante « Garçon velours » comme une ouverture à une possible vie nouvelle..

analyseSoldat de la fragilité (il se blesse à la paume, à l’œil et se jette à l’eau), ni à l'aise dans la société du spectacle ni dans celle des hommes, jaloux prisonnier du déchiffrement des signes, Jérémie accomplit un parcours initiatique où il apprend à voir de nouveau le monde avec l’aide de l’amour maladroit de sa mère et inconditionnel de Gugusse.

Loin du vaudeville du jaloux qui cherche derrière les placards, Jérémie est du côté des enfermés de l’intérieur des Hauts de Hurlevent (Emily Brontë), du Dieu des cauchemars (Paula Fox) et de 4.48 Psychose (Sarah Kane), références littéraires entraperçues, mais surtout de L’éveil du printemps de Wedekind, dont Jérémie répète le texte. L’éveil du printemps est sous-titré, non sans une certaine ironie, “une tragédie enfantine”, ce qui pourrait être aussi le sous-titre de Garçon Chiffon, adolescent suicidaire endormi dans les chiffons, avant de trouver in extremis, un soir de première un nouveau  personnage de garçon velours.

Jean-Luc Lacuve, le 31 mai 2021.