Cancion sin nombre

2019

Genre : Drame social

Festival de Cannes 2019 Avec: Pamela Mendoza (Georgina Condori), Tommy Párraga (Pedro Campos), Lucio A. Rojas (Leo Quipse), Maykol Hernández (Isa). 1h37.

Pérou, au plus fort de la crise politique des années 1980. Georgina attend son premier enfant. Sans ressources, elle répond à l’annonce d’une clinique qui propose des soins gratuits aux femmes enceintes. Mais après l’accouchement, on refuse de lui dire où est son bébé. Déterminée à retrouver sa fille, elle sollicite l’aide du journaliste Pedro Campos qui accepte de mener l’enquête.

À l’image de nombreux pays d’Amérique Latine, le Pérou a souffert d’un conflit armé des années 1980 jusqu’au début des années 2000. Le pays était en proie à un conflit armé entre les groupements maoïstes du Sentier Lumineux, les socialistes du mouvement révolutionnaire Tupac Amaru et les forces militaires du gouvernement péruvien. Cette confrontation a causé près de 70 000 morts et disparus. Une courte séquence, la première avec le journaliste Pedro Campos, met en scène les charniers terribles conséquences de cette guerre civile.

Au travers des séquences d'actualité du début ce sont aussi les conséquences économiques sur la pullulation qui sont rappelées, l'inflation galopante qui permet aux seuls détenteurs de capital immobilier de s'enrichir alors que tous les autres survivent dans des bidonvilles avec une activité réduite au minimum. Ces actualités sont vues au travers du poste de télévision 4:3 qui sera ensuite celui du film, forme qui a paru plus adaptée à la réalisatrice pour cette période historique. Choix contestable de ce point de vu car tous les films de cette période, sans être au format scope (2.35 ; 2.39) comme généralement aujourd'hui, sont au moins un peu plus large (1.66 en Europe ; 1.85 aux USA).

Ce choix du format d'image est pourtant adapté pour saisir l'intime du drame de Georgina comme le noir et blanc ouaté qui à l'instar du temps du muet permet un traitement mélodramatique de ce drame moderne. Ouvert et clos sur une berceuse, le film ne laisse aucun espoir dans la société kafkaïenne d'errance dans les couloirs de la justice, le monde extérieur à son personnage. Si le père de on enfant se perd dans le terrorisme, le journaliste ne réussit pas davantage à recoudre le drame ; Georgina ne reverra jamais son enfant et lui même doit renoncer à son amour pour Isa tant l'homosexualité est alors pourchassée. Dire la vérité historique et dire la souffrance des individus est ce que ce film modeste et sensible à l'image de ses personnages peut faire de mieux. Ce n'est pas un cri inutile mais le sentiment d'une souffrance lancinante et obsédante comme une berceuse partagée avec eux.

 

Jean-Luc Lacuve, le 05/07/2020