Tel père, tel fils

2013

Thème : Père et fils

Prix du Jury (Soshite chichi ni naru). Avec : Masaharu Fukuyama (Ryota Nonomiya), Machiko Ono (Midori Nonomiya), Lily Franky (Yudai Saiki), Yoko Maki (Yukari Saiki), Keita Ninomiya (Keita Nonomiya), Shôgen Hwang (Ryusei Saiki) . 2h00.

Ryoata Nonomiya, un architecte en pleine ascension professionnelle, a laissé à sa femme, Midori, le soin d'élever au quotidien Keita, leur fils de 6 ans. Ses exigences sont néanmoins en adéquation avec sa propre réussite: leçons de pianos et école privé. Keita aime tant son père qu'il accepte facilement ces contraintes. Il sait même mentir pour réussir l'examen d'entrée dans l'école privée en donnant aux examinateurs une image plus flatteuse car moins obsédée par la réussite de sa famille. Les examens d'entrée se sont accompagnés d'examens biologiques et la maternité de l'hôpital où est né Keita leur apprend soudainement que celui-ci ne peut être leur enfant. Les tests ADN révèlent bientôt que deux nourrissons ont été échangés à la naissance. Contact est alors pris avec le couple qui a élevé leur fils sous le prénom de Ryusei.

Ryusei Saiki, le fils biologique des Nonomiya, a grandi dans un milieu plus modeste. Yudai, le père est, dès l'abord, attentif à l'argent qu'il peut espérer de l'erreur de l'hôpital mais la sincérité de son amour pour ses enfants saute aux yeux.

L'hôpital, s'appuyant sur des cas d'erreur d'attribution d'enfants ayant eu lieu dans les années 70, prétend que, dans 100 % des cas, les familles procèdent à l'échange d'enfants. Ryota croit alors comprendre pourquoi son fils lui a toujours paru un peu étranger. Lors d'une audition de piano où il se montre particulièrement mauvais, il n'est ni jaloux ni humilié par la performance d'une enfant de son âge. Ainsi après la révélation de l'inversion Ryota lâche-t-il un "C'était donc ça" qui glace sa femme Midori. Elle perçoit un double reproche : avoir choisi un hôpital de province où habitait sa famille et n'avoir pas douté en tant que mère que son enfant n'était pas le sien.

Lors d'une sortie des deux familles, les liens se resserrent entre les deux femmes, Midori et Yukari. Ryota, sur la suggestion de son patron, pense que la solution serait d'élever les deux garçons. Il propose l'idée de façon abrupte aux Yukari qui la rejette avec colère alors que sa femme est meurtrie par sa prétention. Quand elle comprend qu'il va faire l'échange, elle lui reproche d'abandonner Keita car "C'était donc ça" signifiât qu'il croyait comprendre pourquoi son fils ne lui ressemblait pas.

L'ami avocat de Ryota prépare le procès contre l'hôpital où l'infirmière révèle qu'elle a procédé à l'échange pour se venger du bonheur des Nonomiya alors qu'elle-même se voyait rejetée par les enfants de son mari qu'elle venait d'épouser.

Le procès gagné contre l'hôpital, l'échange des enfants se fait. Mais Ryota déchante bien vite : Ryusei n'admet pas son autorité et regrette sa précédente famille où son père l'amenait camper et reparait ses jouets cassés, autant d'actes dont est incapable Ryota. Ryusei fait une fugue et Ryota doit reconnaitre devant Yudai son échec provisoire dans l'éducation de l'enfant. Il n'a pas un regard pour Keita qui souffre en silence.

Ryota organise un camping à domicile qui arrange un peu les choses. Au matin dans le canapé, il découvre la rose offerte par Keita et surtout sur l'appareil photo, les photos prises par Keita qui monte combien il aimait son père. Vaincu, Ryota s'en va demande pardon à Keita et lui demander de revenir : "la mission est terminée", l'échange, n'aura pas lieu.

Kore-Eda dépeint les sentiments et comportements de six personnages et de deux milieux sociaux différents. C'est sans doute trop : le montage s'épuise à suivre une famille puis l'autre, les hommes de chaque couple puis les femmes et enfin chacun des deux enfants. Les scènes avec la mère de Midori et les parents de Ryota et même la séquence symbolique dans la forêt reconstruite sont sans doute superflues.

Ryota devient vite le moteur fictionnel du film alors que c'est le personnage le plus caricatural, pensant pouvoir imposer à tous sa volonté de puissance. Si le film garde une vraisemblance psychologique indéniable, il dilue l'émotion au sein d'une thèse que le spectateur a admise depuis le début : affirmer la force des liens du sang ne tient pas face à la constitution de la personnalité des enfants qui s'est construite sur l'éducation et l'amour reçus par leurs parents adoptifs.

Jean-Luc Lacuve, le 02/01/2014