Madame a des envies

1906

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4'.

Assise sur le banc d’un jardin public, une fillette déguste une sucette pendant que son père lit le journal. Arrive une dame attendant un heureux événement, accompagnée de son mari poussant un landau occupé par l’aîné de la future fratrie. Pris d’une envie irrésistible, la dame s’empare de la sucrerie de l’enfant qui fond aussitôt en larmes au grand dam de son père. Le Monsieur propose la restitution de la sucette volée mais le père courroucé refuse violemment en souffletant le Monsieur qui n’en peut mais.

Plus loin, à la terrasse d’un café, un client se fait une joie à l'idée de boire un verre d’absinthe. Il est cependant absorbé par la lecture de son journal. Mal lui en prend, car la dame aux envies ne tarde pas arriver : l’absinthe est bientôt bue. Heureusement pour le futur père, la nouvelle victime est cette fois-ci si distraite par les nouvelles du jour que la petite famille a le temps de s’éloigner. Lorsque le consommateur trouve son verre vide, il met cela sur le compte de son étourderie… ou de l'abus de boisson.

La promenade se poursuit. Un pauvre hère s’apprête à manger son repas à base de hareng saur. Hélas pour lui, Madame passe par là : le hareng change vite de propriétaire. Monsieur est obligé de mettre la main à la poche pour calmer l’ire du vagabond.

Quelques pas et le couple croise un colporteur fumant la pipe. Madame s’empare aussitôt de la bouffarde. Malgré sa répulsion et force grimaces, la voici en train de fumer !

Monsieur est au comble de l’agacement et décide de rentrer à la maison. Sur le chemin du retour, lors d’une brève algarade, Monsieur bouscule Madame qui tombe dans le carré de choux d’un potager qu’ils longent. La délivrance ne tarde guère puisque Monsieur n’a qu’à se baisser pour cueillir un nouveau-né. Consterné dans un premier temps : deux bambins, c’est beaucoup ! Monsieur se trouve finalement heureux d’être à nouveau père et se réconcilie aussitôt avec Madame.

Comme très majoritairement chez Alice Guy, c'est une femme qui conduit l'action et qui n'en fait que selon ses désirs.

C'est le premier film où le montage entre plans généraux et plans rapprochés joue un rôle important. En effet, La naissance, la vie et la mort de notre seigneur Jésus-Christ, le film en 25 scènes réalisé un peu plus tôt cette même année 1906 ne comportait, au sein de plans généraux, qu'un unique plan moyen en 35 minutes. Madame a des envies comporte en revanche quatre plans rapprochés poitrine qui scandent le film pour mieux saisir le ravissement de madame à sucer sa sucette, boire de l'absinthe, manger du hareng ou fumer la pipe. Des images encore burlesques plus qu'émotion mais libératrices aussi ; la femme assumant des désirs jusqu'alors dévolus aux hommes.