Voici venu le temps

2005

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Avec : Eric Bougnon (Fogo Lompla), Guillaume Viry (Jonas Soforan), Pierre Louis-Calixte (Radovan Remila Stoï), Jacques Buron (Rimamba Stomadis Bron), Marie Collins (Oneira Tanda), Jean Dalric (Toba Louhan), François Gamard (Rixo Lomadis Bron), Sylvie Milhaud (Gala Lomadis Bron), Marie Félix (Aube Lomadis Bron), Jean Lescot (Chaouch Malines), Valérie Donzelli (Soniéra Noubi-Datch), Guillaume Rannou (Domano Réhon), Alain Figlarz (Urbanos), Dominique Bettenfeld (Manjas Kebir), Stéphane Boucher (Manganala Rivonne), Emmanuel Avena (Saphir du Matin), Manu layotte (Gaston Lumière), Eric Hemon (Bondolo), Roger souza (Oba Obandoha), Stephanie Barutel (Fala Falango), Lucia Sanchez (Loupinana Riboque).1h32.

Urbicate en Obitanie. Fogo, guerrier de recherche, parvient à dérober leur butin, 400 000 crobans, aux bandits Saphir du Matin et Gaston Lumière. Il le restitue au directeur de la caisse agricole non sans avoir laissé 10 000 crobans à Saphir et Gaston qui n'ont rien d'autre à manger que des ondonants crus. Il prend aussi 10 000 crobans pour lui car il sait que le directeur de la caisse agricole ne lui laissera que 10 000 crobans sur les 20 000 promis pour le retour du butin complet. Fogo aimerait passer la nuit avec Toba, le directeur, mais celui-ci est pris par un dîner d'affaires. Il dort donc dans la forêt. Il se fait dérober durant la nuit l'argent de la récompense et ses habits par un curieux guerrier et sa sage prisonnière.

Vêtu d'une couverture, Fogo trouve refuge chez Rimanba qu'il désire tout autant que Toba mais qui, marié à Onera Tenda, résiste à son propre désir. Fogo, pour cacher sa piteuse aventure de la nuit, déclare s'être fait attaquer par les quatre frères Maroul, anciens bergers d'ounays, vendus par leur père et devenus bandits, lassés de ce métier de bergers où ils devaient nourrir les ounays avec leur sang.

Au matin, Fogo se rend chez Rixo Lomadis Bron, dont la fille, Aube, a été enlevée par Manjas Kebir, celui là même qui a dérobé l'argent de Fogo. Rixo, riche propriétaire terrien et maître des bergers d'ounays, méprise Fogo et ne tient en haute estime que les guerriers Radovan et Manjas Kebir, le bandit d'escapades. Seule la femme de Rixo, Gala, garde sa confiance à Fogo pour retrouver leur fille. Fogo demande sans succès 40 000 crobans sur les 50 000 de récompense pour simplement retrouver Manjas Kebir que combattra Radovan.

Sur la trace de Manjas Kebir, Fogo retrouve son ami, Jonas Sophoran, guerrier d'attente, qui croit avoir repéré le bandit. Mais c'est Urbanos avec Domano Rehon et Soniéra Noubi-Datch, des bandits qui veulent aider les bergers d'ounays à se libérer de Rixo qu'ils ont débusqué. Ils pensent que les guerriers sont de vils chasseurs de primes à la solde des riches propriétaires. Ils sont responsables de l'ordre actuel.

Fogo rencontre Oba Obandoha sur la montagne pourpre qui a perdu ses ounays. Il retrouve Toba avec qui il passe la nuit et l'abandonne au matin pour lui donner rendez-vous le soir. Le soir, chez lui à Fontaine rose, il lui déclare vouloir le quitter et partir en Emborque. Fogo discute ensuite avec Loupiana, l'amie de Jonas, dans une fête. Loupiana lui parle du désir de Jonas d'acheter une ferme, d'y élever des escargots et ne rien faire d'autre que boire, manger et s'envoyer en l'air.

Sur la place du village Chaous Palin, le protecteur, discourt. Il cite John F. Kennedy : "vous vous demander souvent ce que votre pays peut faire pour vous. Aujourd'hui, il est temps de vous demander ce que vous pouvez faire pour votre pays". Il déclare que Rixo Lomadis Bron, offre 200 000 crobans à qui lui livrera Manjas Kebir car sa fille est maintenant entre la vie et la mort

Radovan Rémila Stoï, le plus grand guerrier de la contrée, s'élève contre cet acte insensé qui va radicaliser la brutalité des bandits vis à vis de la population. Mais les hommes du village, menés par Manganala Rivonne sont alléchés par la prime. Fogo veut aider Manjas Kebir à fuir l'Obitanie. Il convainc Soforan et Radovan de le suivre vers le Nord et la montagne pourpre.

Il rencontre Oba Obandoha et sa maîtresse, Fala Falango. Il exprime ses revendications pour eux : 5 000 crobans de salaire annuel qui s'ajoutent aux tickets existants, deux jours de repos et plus de déplacements forcés. Mais il parle bien vite de ses problèmes sentimentaux.

Fogo, Soforan et Radovan empêchent les chasseurs de prime de capturer Manjas Kebir et l'aident à s'évader en Catalie. Manjas Kebir plaide en effet l'accident pour Aube. D'ailleurs, il n'a jamais fait que donner une gifle à une femme qui s'est vengé ensuite en salissant sa réputation.

Fogo s'en revient voir Rimanba qui construit une machine impossible, machine avec des chaînes molles et quatorze bidounes. Dans la nuit, Fogo essaie une nouvelle fois vainement de coucher avec Rimanba qui s'y refuse d'autant plus qu'il sait que s'il jouit, il mourra aussitôt.

Dans la nuit, Urbanos, Domano Rehon et Soniéra Noubi-Datch investissent le manoir de Rixo. Urbanos égorge quatre gardes, blesse le majordome Mandolo et enlève Rixo. Un garde tire. Rixo tente de s'évader. Urbanos lance son poignard et le tue.

Fogo s'en vient voir Gala et sa fille Aube. Mandolore, le majordome blessé, lui fait des reproches. Fogo reste intransigeant sur la fin de l'exploitation des bergers d'ounays. Gala offre maintenant un million de crobans pour la capture d'Urbanos.

Radovan part en chasse, armé de sa longue épée mais c'est Urbanos qui le tue puis l'enterre.

Sous la torture, Jonas livre la cachette de Manjas Kebir en Catalie. Il ne l'avoue pas à Fogo et se fait soigner chez Loupiana à Terre blanche.

Fogo s'en revient une troisième fois chez Rimanba et se fait masturber sans grand succès par Onera Tenda. Survient Rimanba qui est furieux de la destruction de sa machine par sa femme, jalouse de cette passion. Dans la nuit, Rimanba se lève pour parcourir les ruines de sa machine détruite. Il se masturbe et en meurt juste au moment ou survient Fogo, trop tard pour le sauver.

Au petit matin, Fogo oblige Jonas à contempler Manjas Kebir, pendu par sa faute. Jonas partira probablement avec Loupiana acheter une ferme dans le sud de l'Emborque.

Fogo discute avec Toba sur la montagne pourpre. Ils vont se séparer définitivement. Toba a toujours eu peur des gens qu'il voudrait tant aimer. Il déclare à Fogo : "Regarde autour de toi, tu verras que tu n'es pas seul".

Voici venu le temps avec son titre prophétique relève pourtant du western crépusculaire. On y trouve les guerriers, défenseurs de l'ordre, les bandits, les propriétaires terriens, leurs bergers opprimés et les chasseurs de primes présents dans de nombreux westerns. On y trouve aussi la description d'un monde qui va basculer : les guerriers y sont méprisés, de moins en moins nombreux, supplantés par les paysans ou par de vils chasseurs de prime sans foi ni loi. Et lorsque Toba déclare à Fogo : "Regarde autour de toi, tu verras que tu n'es pas seul", à la fin du film, rien n'est moins sur.

Un western crépusculaire et sentimental

La création de cette Obitanie fictive, avec ses provinces d'Emborque et de Catalie, et ses villes, Urbicate, Fontaine-rose ou Brise-roches, concoure paradoxalement à rendre plus vraisemblable ce western que s'il avait été situé dans de prosaïques territoires de l'Aveyron. L'Obitanie et ses animaux, végétaux ou monnaie étranges (ounays, ondonants et crobans) est un territoire de légende où l'on se bat avec fusils et épées.

Comme tout grand western, il y a aussi des histoires d'amours et d'amitiés. Fogo est pris entre deux hommes "l'un avec lequel je couche et l'autre avec lequel je ne couche pas". Tous deux sont déjà mariés mais Fogo ne peut se satisfaire d'aimer quelqu'un sans croire que cela durera toujours... ou deux ans au moins comme le lui suggère Soforan.

La communauté des hommes est fortement soudée par les rêves qu'ils entretiennent, qu'ils soient bergers, bandits, guerriers ou constructeur de machines impossibles. Tuer leur rêve, c'est les tuer. Oneira Tanda croyait, en détruisant la machine de son mari, être aimée à sa place. Fogo lui avait pourtant dit que les êtres humains, êtres de désirs physiques, n'appartenaient pas au domaine du rêve et Rimamba se suicidera.

Un western politique

Entre grands propriétaires explorateurs de bergers et bandits, les guerriers font régner un ordre qui arrange les premiers. Mais les positions de chacun ne sont pas aussi nettes. Fogo est un guerrier citoyen qui veut changer la donne sociale par l'action collective, en l'occurrence le boycott de la viande d'ounays. Il se propose d'étendre à l'étranger si ses revendications en faveur des bergers ne sont pas acceptées : 5 000 crobans de salaire annuel qui s'ajoutent aux tickets existants, deux jours de repos et plus de déplacements forcés. A l'inverse, les bandits, menés par Soniéra Noubi-Datch et qui poursuivent le même objectif de libération des bergers ont recourt à l'action violente. En s'alliant avec Urbanos, ils provoquent un massacre qui leur parait anodin "Si, en plus de changer le monde, il faut le faire sans verser le sang, on est pas sorti de l'auberge".

Fogo se saura trop comment les juger : est-ce de la naïveté ou une envie d'en finir avec le monde ? Car leur action conduit finalement au drame. Les primes offertes conduisent à la mort de Manjas Kebir dont la réputation de guerrier sanguinaire était totalement injustifiée.

Sans nobles bandits, sans doute n'y aura-t-il plus de nobles guerriers. Comme le remarque Fogo, c'est parce qu'il y a plus à inventer dans l'agriculture que dans la guerre que la première supplante la première. Soforan avec sa ferme aux escargots fait sans doute le seul choix raisonnable.

La lumière magnifique qui baigne le film permet de retrouver une unité formelle sans cesse menacée d'écartèlement du fait des nombreux genres parodiés : le western, (pendaison, chasseurs de prime, traversée du fleuve frontière, marches et bivouacs) le conte (les fleurs exubérantes, la machine impossible) ou le film d'aventures (assaut du château, le bar de Loupiana, parodie de celui de La guerre des étoiles avec ses ampoules et ses boissons manifestement non alcoolisées, le combat de Radovan et d'Urbanos).

Aussi intransigeant sur ses choix sexuels que politiques ou formels, Guiraudie imprègne son film d'une sensualité fortement marquée par l'homosexualité du personnage principal qui empêche probablement le film d'atteindre le succès public qu'il mérite.

Jean-Luc Lacuve le 13/07/2009 (remplace la critique lors de la sortie salle du 16/09/2005).

Editeur : Epicentre, juillet 2009.

Suppléments :

  • Interview de Alain Guiraudie.
  • Bande-annonce