2013

Dans un futur indéterminé, un groupe de scientifiques est envoyé sur la planète Arkanar à une époque où semble fleurir un début de Renaissance. Ils ont pour mot d’ordre de ne pas infléchir le cours politique et historique des événements. C'est cependant un retour à un moyen-âge violent et obscurantiste qui les attend. La planète est dorénavant placée sous le joug d’un régime tyrannique qui persécute les intellectuels et les artistes. Un écrivain est ainsi noyé dans des latrines alors qu'un autre se fait transpercer le cul d'une lance alors qu'il est sur les toilettes

Don Rumata est l'un des scientifiques venu de la Terre. Il se réveille difficilement d'un repas d'orgie car ses esclaves ont parlé trop fort malgré la défense qu'il leur en avait faite. Il s'habille de vêtements d'un blanc impeccable et joue un air de jazz d'une curieuse flute trompette. Le peuple prête à Don Rumata des facultés divines mais celui-ci dont le nez saigne sans prévenir préfère quitter cette contrée de pluie et de boue où sont pendus tant d'intellectuels pour se rendre dans sa contrée gelée, un peu moins soumises à la barbarie.

C'est là qu'il retrouve ses amis terriens tout aussi désespérés de leur aventure sur Arkanar et ce d'autant plus qu'un combat se prépare entre les Gris et les Noirs plus cruels encore. Don Rumata voudrait éviter ces massacres mais son entrevue avec Don Reba ne donne rien. Les opposant sont torturés tant est si bien que le sang gicle à qui mieux dans le donjon des tortures. La merde devient un réconfort pour les vivants.

Le désir de Don Rumata de violer l’interdit de la moindre action et de tuer le tyran est conforté par ses conversations avec le rebelle Arata et le savant Boudakh. Sa compagne lui raconte aussi les tracasseries auxquelles elle est en but dès qu'il est parti. Sa révolte n'aboutit qu'aux meurtres de ses amis et de sa compagne. Pourtant, alors que les terriens survivants décident de rentrer chez eux, Don Rumata préfère rester sur Arkanar s'étant attaché à ses habitants durant les longues années durant lesquelles il y a vécu.

Le film est l’adaptation du roman de science-fiction, Il est difficile d’être un dieu, écrit en 1964 par les frères Arkady et Boris Strugatsky par ailleurs auteurs de Stalker et Le Petit. Le roman avait déjà été adapté en 1989 avec Un dieu rebelle, film germano-franco-soviétique réalisé par Peter Fleischmann. Le tournage du film a débuté en 2000 et s’est achevé en 2006. S’en suivirent de longues années de post-production où le réalisateur travailla sur le son. Alexei Guerman décède en février 2013 avant d'avoir pu finir le film qui est achevé par sa compagne Svetlana Karmalita et leur fils Alexeï A.Guerman.

Voix off, noir et blanc, prédominance du plan-séquence sur des décors soignés évoquant Peter Breughel et Jérôme Bosch, des acteurs choisis pour leur trogne, fluides visqueux (pisse, sang, merde, boue et mixtures étranges), tortures et boyaux en décomposition, Alexei Guerman, a manifestement le soucis de faire une grande œuvre liée à ses thèmes de prédilection : la dissidence, l’opposition aux régimes, la guerre comme épreuve de vérité, la complexité morale, la cruauté de l’Histoire, l’utopie trahie, l’abjection des hommes, la monstruosité des systèmes et la faillite intime. L’être humain chez Guerman est incessamment confronté à ce qui menace de dissoudre son humanité, de le ravaler au rang de l’animal, à la chose, au néant. Plus précisément encore se pose à lui la question de savoir si l’on peut se relever d’un tel abaissement, renaître d’une telle ignominie, peu importe que le système en soit responsable. Sa réponse résolument positive l'a ici poussé à changer la fin du roman pour faire rester Don Rumata sur la planète Arkanar et à faire entendre de la musique au dernier plan comme l'espoir d'une possible Renaissance.

L'ancrage dans un passé lointain et la fable de science-fiction rendent néanmoins abstrait ce combat terriblement répétitif dans le limon, la soupe originelle de l'humanité. Le mal prolifère comme prolifère les espoirs de s'en sortir selon une symbolique au final un peu convenue (musique, femme douce,  nature de nouveau vierge sous la neige...).

Jean-Luc Lacuve le 01/03/2015

 

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(Trudno byt bogom). Avec : Leonid Yarmolnik (Don Rumata), Aleksandr Chutko (Don Reba), Yuriy Tsurilo (Don Pampa), Evgeniy Gerchakov (Budakh), Natalya Moteva (Ari), Dmitriy Vladimirov , Laura Lauri, Aleksandr Ilin (Arata). 2h50.
Il est difficile d’être un dieu