Lady Jane

2008

Genre : Film noir

Avec : Ariane Ascaride (Muriel), Jean-Pierre Darroussin (François), Gérard Meylan (René), Yann Trégouët (Le jeune homme), Frédérique Bonnal (Charlotte, la femme de François) 1h42.

Muriel tient une boutique de luxe appelée « Lady Jane ». Tout va bien dans sa vie, jusqu’au jour où son fils est enlevé. On lui réclame en échange une rançon qu’elle ne pas les moyens de payer. Elle décide donc de retourner voir ses amis François et René.

Dans les années 60, ils s’amusaient à de petits larcins dont le point d'orgue fut de distribuer des manteaux de fourrure volés aux femmes des quartiers populaires de Marseille. Le jour où ils tuent un bijoutier dans un parking, ils décident d’arrêter net leur vie de malfrats et de ne plus jamais se voir....

Guédiguian choisit d'aborder la symbolique de la vengeance croisée avec les thèmes très lourds du retour du passé, de la mort d'un enfant et des pères, et des désillusions de la vieillesse sous la forme du polar.

La réussite du film tient à ce qu'il réussisse d'une part à concilier un fond documentaire tout en incrustant des plans très forts où la symbolique décolle du réel et d'autre part à suspendre les codes du polar pour de brusques retours vers la saisie d'un quotidien savoureux ou cruel.

Ces changements de registre, rythmés par des musiques elle-mêmes les plus diverses, évitent au film de sombrer dans l'exercice de style tout en maintenant la crédibilité de cette histoire de sombre vengeance.

Muriel, fragile sur le fond de mer agitée, est une figure du destin (à la fois actrice et victime), dont l'abstraction est renforcée par les signes qu'elle porte sur son bras ou qu'elle a inscrit sur sa boutique.

La scène rapide de la mort de l'enfant reste aussi effroyablement saisissante lorsqu'elle est répétée.

François, dopé par la coke dérobée se transforme en héros de film noir portant costume et dégainant sans trembler devant ceux qui menacent sa femme et ses enfants. Enfin le passé grimaçant ressurgit sous la forme des masques de vieillards portés jadis que Muriel se remémore lorsqu'elle se croit poursuivie dans un parking ou que François porte une dernière fois avant de s'attaquer à la bijouterie de celle qu'il n'aime plus.

L'aspect documentaire vient interrompre la mécanique du genre pour un retour à la simplicité du réel vécu comme un bonheur oublié. Ainsi du pèlerinage dans les quartiers nord de Marseille où les visages des gens venus fêter un mariage, complètement étrangers à l'intrigue, sont saisis dans un quotidien documentaire. Ainsi des petites manigances de René frappant le bistrotier indélicat ou de François rappelant avant l'exécution programmée du jeune homme que l'appartement de ses parents se situait juste au-dessus de l'école désaffectée qui servira au châtiment et qu'il n'osait pas regarder les jours ou il était malade de peur que la maîtresse ne croie à une simulation.

La rupture de la chaîne de la violence que Guédiguian a élevé au niveau international par les scènes de combat entre palestiniens et israéliens vues à la télévision, reste incertaine pour le jeune homme toujours torturé que l'on voit déformé par les larmes et l'angoisse prêt d'exécuter sa famille avant de se suicider alors que Muriel peine à revivre au milieu des fans de rock, tenant toujours à la main la puce du téléphone où figurent les dernières photos de son fils.

 

Jean-Luc Lacuve le 18/04/2008 (voir l'avis plus mitigé d'Anthony Boscher)

Retour