Fight club

1999

Voir : photogrammes
Genre : Film noir

Avec : Brad Pitt (Tyler Durden), Edward Norton (le narrateur), Helena Bonham Carter (Marla Singer), Meat Loaf (Robert Paulsen), Zach Grenier (Richard Chesler), Richmond Arquette (l'nterne de l'hopital). 2h21.

Un jeune homme, le narrateur, le canon de révolver dans la bouche, dit que les gens lui demandent toujours s'il connait Tyler Durden. Or c'est justement Tyler qui tient le revolver et le menace : "Trois minutes; on y est, le point zéro. Tu veux dire quelques mots pour marquer le coup ?" interroge Tyler. Le jeune homme, alors que les trois minutes s'écoulent, s'interroge : "Pendant quelques secondes, j'oublie tout le programme de destruction méthodique de Tyler. Je me demande si cette arme est bien propre. Il y a un adage qui dit que l'on fait toujours du mal à ceux qu'on aime. Mais il oublie de dire que l'on aime ceux qui nous font du mal. Nous sommes aux premières loges de ce théâtre de destruction massive. Le comité de direction du Projet Chaos a entouré de gélatine explosive les piliers des fondations d'une douzaine de bâtiments. Dans deux minutes, les charges explosives feront sauter les piliers de soubassement de quelques blocs d'immeubles qui seront réduits en gravats fumants. Je le sais parce que Tyler le sait. Et brusquement je me rends compte que tout ceci : le flingue, les bombes la révolution est lié d'une certaine façon à une fille du nom de Marla Singer....

Le narrateur fréquentait un club de parole d'hommes atteints du cancer des testicules, moyen qu'il avait trouvé de vaincre ses insomnies. Il est en effet un expert en assurances, trentenaire célibataire, ne s'intéressant plus qu'à la meilleure façon de meubler son appartement. Refusant de l'assister par médication, son docteur lui suggère de participer à des thérapies de groupe contre divers troubles et maladies pour relativiser son état de souffrance. Le narrateur rejoint donc le groupe de victimes du cancer des testicules. Il s'aperçoit que se faire passer pour une victime lui permet de se sentir en vie et de soigner son problème récurrent d'insomnie.

Il y prend goût et décide d'intégrer d'autres groupes d'entraide mais remarque bientôt qu'une femme, Marla Singer, participe comme lui à toutes les thérapies de groupe. Incommodé par la présence d'un autre imposteur, il négocie avec elle pour qu'ils se répartissent les différentes séances hebdomadaires. C'est alors qu'il fait la connaissance de Tyler Durden en revenant d'un voyage d'affaires. C'est un charismatique vendeur de savon qui lui laisse son numéro de téléphone au cas où. De retour chez lui, le narrateur découvre que son appartement a été détruit par une explosion. Il décide de téléphoner à Tyler et les deux hommes se rencontrent dans un bar. Leur discussion sur le consumérisme amène le narrateur à se faire inviter chez Tyler pour y passer la nuit. En sortant du bar, ce dernier lui propose de le frapper. D'abord hésitant, le narrateur se décide à lui donner un coup de poing. S'en suit une bagarre entre eux qu'il trouve particulièrement vivifiante. Puis Tyler l'emmène dans la maison délabrée où il vit et où le narrateur prend rapidement ses quartiers. Les jours suivants, les deux hommes prennent l'habitude de se battre derrière le bar, ce qui finit par attirer l'attention de quelques clients qui demandent à participer. Tyler et le narrateur décident alors de former le Fight Club, un cercle exclusivement composé d'hommes, axé autour de combats ultra-violents se déroulant dans les sous-sols du bar.

Peu à peu, le narrateur découvre une nouvelle façon de vivre et de voir les choses. Tyler le pousse à s'affranchir des règles sociales, ce qui a vite des conséquences sur son travail. Mais il s'en moque car il a pris goût au Fight Club et à sa violence rédemptrice. Par contre, il n'apprécie pas que Tyler commence une relation avec Marla Singer. Il s'inquiète aussi de la dernière trouvaille de Tyler, le mystérieux Projet Chaos qui amène les membres du Fight Club à se transformer en une milice dont le but lui reste peu clair. Il reproche à Tyler de le tenir à l'écart et décide d'arrêter le projet lorsqu'une opération de sabotage provoque la mort de Robert Paulsen.

Le narrateur suit les traces de Tyler, qui a soudainement disparu, à travers le pays et découvre avec horreur que Tyler n'existe que dans sa tête. Il est en effet victime d'un dédoublement de personnalité. Embarqué dans un dialogue avec son autre lui-même dans lequel il ne se reconnait plus, il tente de discuter des actions de Tyler car le projet a pour but de détruire des immeubles qui hébergent des sociétés financières, effaçant ainsi toute trace des données bancaires du pays. Se rendant à la police pour se dénoncer, le narrateur découvre avec stupeur que son organisation a infiltré les lieux. Il parvient de justesse à s'échapper du commissariat et se rend dans un immeuble piégé. Mais Tyler apparaît pour l'empêcher de désamorcer les explosifs et ils commencent à se battre dans le parking de l'immeuble. La scène est filmée par des caméras de surveillance et on découvre sur les images que le narrateur se bat tout seul, contre lui-même. Dans son esprit, c'est Tyler qui finalement l'emporte.

À son réveil, le narrateur est de nouveau assis dans un fauteuil au dernier étage d'un bâtiment d'où lui et Tyler pourront admirer l'explosion des différents immeubles piégés. Le narrateur tente alors une dernière fois de raisonner Tyler, mais celui-ci dénigre ses suppliques avec mépris. Il lui reproche de s'obstiner à défendre une société ingrate et dérisoire. Soudain, le narrateur a une idée. Il s'aperçoit que l'arme que tient Tyler est en réalité dans sa propre main, puis la place dans sa bouche avant de faire feu. L'effet est immédiat : Tyler disparait définitivement. L'instant d'après, il est rejoint par ses hommes de main qui amènent Marla, enlevée sur les ordres de Tyler. Le narrateur leur demande de les laisser seuls. C'est alors que les bombes dissimulées dans les immeubles voisins explosent, faisant s'écrouler les bâtiments. Tous deux observent la scène en silence, main dans la main.

Le narrateur est un terne cadre moyen qui a canalisé ses pulsions violentes en se construisant une bulle high-tech chez lui. La rencontre d'une jeune femme dont il tombe amoureux, parallèlement à une psychose qui lui fait se créer un double violent et anarchiste, Tyler Durden, l'entraine dans un chaos de violence dont sortira peut-être un monde meilleur. La création de ce double se perçoit d'abord au gré des images subliminales, d'une durée 1/24 secondes dont Fincher parsème le film. J'en ai repéré cinq : aux photogrammes 5,12,15 où Tyler apparait subrepticement aux seuls yeux du narrateur et enfin au photogramme 14 après la première arrivée de Marla. La dernière image subliminale sera celle d'un sexe masculin à la toute fin du film, rappelant avec un brin d'ironie celle d'Ingmar Bergman au début de Persona (1966).

Tyler Durden, double fantasmé du narrateur, porte sa volonté de détruire la société de consommation. Le narrateur n'est que bien partiellement protégé par le genre de vaisselle qui le définit en tant que personne. "Dans le temps, on lisait des revues pornos, maintenant c'était les catalogues de mobiliers". Face à l'angoisse qui monte, il est prêt à toutes les méthodes d'apaisement : à retrouver dans la caverne, l'animal porteur de force ; à fréquenter les groupes de cancéreux, parasites sanguins, anémie falciforme...

Seule solution l'appel à tout détruire dans lequel on pressent la catastrophe du onze septembre : "Pendant quelques secondes, j'oublie tout le programme de destruction méthodique de Tyler. Je me demande si cette arme est bien propre. Il y a un adage qui dit que l'on fait toujours du mal à ceux qu'on aime. Mais il oublie de dire que l'on aime ceux qui nous font du mal. Nous sommes aux premières loges de ce théâtre de destruction massive. Le comité de direction du Projet Chaos a entouré de gélatine explosive les piliers des fondations d'une douzaine de bâtiments. Dans deux minutes, les charges explosives feront sauter les piliers de soubassement de quelques blocs d'immeubles qui seront réduits en gravats fumants. Puis à la fin : "Par ces fenêtres, nous allons assister à l'histoire de l'effondrement de la finance. Un grand pas en avant vers l'équilibre économique".

David Fincher modifie en effet la fin du roman homonyme de Chuck Palahniuk (1996) où le narrateur, atteint de trouble dissociatif de l'identité, qui l'avait aidé à survivre dans la société de consommation, finissait interné dans un hôpital psychiatrique après avoir détruit le musée national en faisant exploser un gratte-ciel situé à côté. Ici, le narrateur rejette finalement la double personnalité de Tyler tout en acceptant de passer par la destruction de l'ordre économique, incarné par le quartier des banques, qu'il fait exploser. L'image subliminale finale, nettement plus perceptible que les quatre autres, indique bien ce retour imminent de la puissance sexuelle et amoureuse.

Jean-Luc Lacuve le 16/10/2014.