Jour de Colère

1943

(Dies Irae). Film danois. Avec : Thorkild Roose (Absalon), Lisbeth Movin (Anne). 1h32

En 1623, dans un village du Danemark, Marthe Herlofs, une femme du peuple, accusée de magie noire par trois notables, est conduite au bûcher. Avant de mourir, elle maudit le pasteur, Absalon. Celui-ci vit avec sa mère, Merete, et sa jeune épouse Anne, dont la mère fut jadis accusée également de sorcellerie.

Sur ces entrefaites, Martin, fils d'un premier mariage du pasteur, revient au presbytère. L'amour naît entre les deux jeunes gens, sous le regard sévère de Merete. Un jour Anne, à bout de nerfs, lance son amertume au visage de son mari et lui révèle qu'elle est amoureuse de son fils. Le pasteur tombe foudroyé. Merete accuse publiquement Anne d'avoir, avec l'aide du diable, ensorcelé Martin et provoqué la mort d'Absalon. Sentant Martin lui échapper, la jeune femme reconnaît en souriant le bien-fondé de l'accusation. Il ne lui reste plus qu'à attendre à son tour le bûcher

Ce n’est qu’en 1943, en pleine guerre mondiale, que Dreyer retrouva les plateaux pour tourner Jour de colère, une adaptation de la pièce Ann Pedersdotter de Hans Wiers-Jennsen. Le sujet à certains égards rappelle celui de La Passion de Jeanne d'Arc : il s’agit dans les deux cas d’un film historique (l’action de Jour de Colère se situe au XVIIe siècle) dans lequel une jeune femme est confrontée à l’intolérance et au fanatisme. Le procès en sorcellerie qui ouvre le film est même une reprise évidente de celui de Jeanne.

Mais le style et la pensée de l’auteur ont bien changé depuis 1928. Esthétiquement, le cinéaste ne cherche plus ses références du côté d’Eisenstein ou de Griffith, mais tente une fusion du théâtre et de la peinture et compose ses plans comme des tableaux vivants. La somptuosité plastique des images de Jour de colère évoquent tour à tour les scènes de genre et les portraits corporatifs de la peinture hollandaise au temps de Rembrandt.

Spirituellement, le salut de son héroïne, Anne, ne dépend plus, comme celui de Jeanne, d’un amour exclusif du divin, mais semble suspendu à son accomplissement ici-bas dans l’union spirituelle et sensuelle qu’elle forme un temps avec son beau-fils, Martin. Il suffira d’une promenade en pleine nature pour que les deux amants voient se reconstituer sous leurs pas le Paradis perdu et comprennent qu’il n’est pas d’autre jardin pour l’homme que celui qui fleurit à la rencontre de deux êtres, deux chairs, deux âme

Film récemment restauré autrefois sorti en France sous le titre : Aimez-vous les uns les autres.