Le mariage à trois

2010

Avec : Pascal Greggory (Auguste), Julie Depardieu (Harriet), Louis Garrel (Théo), Agathe Bonitzer (Fanny), Louis-Do de Lencquesaing (Stéphane). 1h40.

Auguste, auteur célébré pour le théâtre, est obsédé par le souvenir d'Harriet, son ex-femme, actrice, qui vient le visiter chaque nuit dans ses rêves. Ce midi, il s'apprête d'ailleurs à la recevoir avec Stéphane le metteur en scène habituel de ses pièces et Théo son nouveau partenaire pour travailler ensemble à cette dernière oeuvre qu'il a du mal à terminer.

Auguste comprend très vite que Théo est l'amant de Harriet et l'accuse de sa grossièreté à s'imposer ainsi comme acteur. Théo lui jette à la figure qu'il se mariera le 26 septembre avec Harriet, qu'il est suffisamment bon acteur pour ne pas avoir besoin de jouer sa pièce et qu'il rentre immédiatement à Paris.

Profondément vexé, Auguste va retrouver Fanny, l'étudiante qu'il a embauché un après-midi par semaine pour répondre à son courrier. Il lui fait part de ses doutes sur l'âge d'Harriet qui n'a plus l'innocence pour jouer le rôle. Il lui demande de lire une page de texte et se convainc qu'elle ferait une excellente actrice.

Harriet est perturbée par le départ de Théo et Auguste tente de la séduire dans la chambre qui fut la leur. Harriet se dérobe et Auguste lui demande de convaincre Fanny de reprendre le rôle dans la tournée en province qu'elle-même se refuse à faire. Harriet est séduite par Fanny et l'encourage à accepter et le rôle et l'amour d'Auguste. Auguste tente à nouveau de séduire Harriet qui se laisse caresser par lui.

Théo a préféré revenir et s'en va compter fleurette à Fanny. Son retour plaît à Auguste, qui après un petit compliment l'agresse cependant de nouveau verbalement. Théo le bouscule sur le canapé et sort près de la rivière où il est bien vite rejoint par Harriet. Les deux jeunes gens vont faire l'amour quand Auguste, fou furieux, surgit avec un fusil et dans une sorte de parade grotesque se mesure physiquement avec Théo... que retiennent Harriet et Stéphane. Auguste s'en va rejoindre Fanny et lui offre son amour. Fanny se dérobe puis accepte et embrasse Auguste avant de descendre avec lui rejoindre les autres.

Théo demande alors à passer une audition que Auguste lui propose de faire avec Fanny. Les deux jeunes gens s'en tirent très bien sous l'œil dubitatif d'Harriet. Stéphane propose alors de jouer à évoquer les pensées de celui qui lui est désigné. Le jeu dégénère un peu et chacun ayant évoqué une possible vie à quatre, c'est Harriet qui force un peu Fanny à l'embrasser. Celle-ci décide lors de quitter la pièce et s'en va sous prétexte de rendre sa voiture à sa mère. Théo qui est aussi las de ces marivaudages part avec elle et se fait pressent pour que Fanny l'embrasse. Fanny le plante alors et rentre seule vers Auguste. Elle monte dans sa chambre et s'étend, nue, sur le lit. Harriet monte à l'étage et recule, troublée par la beauté du jeune corps de Fanny. Elle s'en va avec Théo, laissant Auguste devenir l'amant de Fanny.

Chacun des personnages du mariage à trois a ses chances dans le jeu amoureux qui s'engage entre eux : Auguste, le dramaturge, Harriet, la comédienne, ex-épouse du dramaturge, Théo son nouvel amant et futur mari ainsi que Fanny, la jeune secrétaire d'Auguste. Le mariage à trois promis par le titre pourrait aussi bien concerner Auguste, Harriet, Fanny que Théo, Harriet, Fanny ou encore Théo, August Harriet ou bien encore Fanny, Théo et August sans oublier la carré magique évoqué par tous. Seul, Stéphane le metteur en scène parait exclu de ce marivaudage ensoleillé en huis clôt bien éloigné du drame aux couleurs froides du premier venu.

L'enjeu se délite pourtant peu à peu tant Doillon semble refuser le drame qu'il nous préparait pourtant durant la première séquence. La musique stridente de Philippe Sarde, les plans serrés sur le couple Harriet Auguste puis les plans plus larges montrant ce dernier seul finissaient par faire comprendre que celui-ci était obsédé par le souvenir de son ex épouse dont le fantôme le visitait de nombreuses nuits.

L'association d'un dramaturge prénommé Auguste et d'une jeune femme prénommée Harriet fait penser au couple August Strindberg et Harriet Bosse, jeune actrice de vingt-deux ans que Strindberg épousa en mai 1901 et dont il sépare en 1903 et divorce en 1906. Pourtant, après cette première séquence, seule celle dans leur ancienne chambre avec la poutre vient évoquer les stridences du dramaturge suédois. Du théâtre de chambre vécu sur le mode infernal, on passe bien vite au huis clos ensoleillé qui rappelle parfois, au bord de la rivière, les jeux renoirien.

Théo rayonnant, simple et drôle ignore les problèmes existentiels comme il le narre dans l'anecdote de Man Ray disposant un revolver près de lui pour intimider son inconscient. Mais Auguste se calme aussi bien vite de ses tourments amoureux en grimpant aux étages discuter avec la diaphane Fanny qui s'avérera aussi très charnelle. Celle-ci, sans doute inconsciemment amoureuse d'Auguste et espérant sans y croire faire du théâtre se laisse facilement convaincre de s'abandonner à un maître. Quant à Harriet, bien plantée dans ses bottes de caoutchouc, elle a des envies hédonistes qu'elle réprimera cependant pour une vie plus tranquille en couple.

Fallait-il faire un film de près de deux heures pour résoudre, avec brio certes, des problèmes qui n'en sont pas pour ces gens heureux ?

Jean-Luc Lacuve le 2/5/2010