Clément Cogitore

Né en 1983
4 films
   
   
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1- Mise en scène

Le sens du rite et la manifestation du sacré sous-tendent l’ensemble de l’œuvre de Clément Cogitore, inspirée par les rassemblements, les phénomènes communautaires (Ni le ciel ni la terre, 2015; Braguino, 2017); l’expression des révoltes (Tahir, 2015) la forces des marginaux (Parmi nous, 2011 ; Assange Dancing, 2012, ) et des croyances d’aujourd’hui, fussent-elles erratiques ou diffuses (Goutte d'or, 2022). L'artiste s’y confronte et y répond avec une intensité visuelle et un sens du conte qui confine au fantastique.

Au travers de films, d’installations vidéo et de photographies, Clément Cogitore perturbe le flux narratif existant de manière à troubler les distinctions entre réalité et fiction. Il guette au coeur du réel les traces d'un monde fabuleux qui le sous-tendrait. Dans ses fragments narratifs microcosmiques, les mythologies personnelles et collectives se manifestent et font remonter à la surface des angoisses existentielles enfouies liées aux conflits, à l’identité, à la communauté et, en définitive, à la survie, qui ont des répercussions non seulement sur des préoccupations sociétales plus larges, mais aussi sur leurs solutions.

2 - Biographie

Né en 1983 à Colmar, Clément Cogitore suit des études à l’Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, et au Fresnoy-Studio national des arts contemporains. Il développe une pratique à mi-chemin entre cinéma et art contemporain. Mêlant films, vidéos, installations et photographies, son travail questionne les modalités de cohabitation des hommes. Il y est le plus souvent question de rituels, de mémoire collective, de figuration du sacré ainsi que d’une certaine idée de la perméabilité des mondes. Parmi nous (2011) filme ainsi les tentatives des émigrés clandestins de s'embarquer pour l'Angleterre à partir du port de Ouistreham. Plus qu'un idéal d'un ailleurs probablement très difficile, c'est la possibilité d'une fraternité et d'un partage immédiat qui est évoquée par deux fois, fugitivement, dans deux espaces étranges et irréels du film.

Ses films ont été sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux (Quinzaine des réalisateurs Cannes, festivals de Locarno, Lisbonne, Montréal…) et ont été récompensés à plusieurs reprises. Son travail a également été projeté et exposé dans de nombreux musées et centre d’arts (Palais de Tokyo, Centre Georges Pompidou – Paris, Haus der Kultur der Welt – Berlin, Museum of fine arts – Boston…).

Clément Cogitore a été récompensé en 2011 par le Grand prix du Salon de Montrouge, puis nommé pour l’année 2012 pensionnaire de l’Académie de France à Rome-Villa Médicis.

En 2015, son premier long-métrage  Ni le ciel, ni la terre est situé en Afghanistan où, à l’approche du retrait des troupes, le capitaine Antares Bonassieu et sa section sont affectés à une mission de contrôle et de surveillance dans une vallée reculée du Wakhan, frontalière du Pakistan. Le film est sélectionné à la Semaine de la critique du Festival de Cannes et récompensé en 2016 par le prix du Meilleur premier film français décerné par le Syndicat Français de la critique de cinéma, nommé pour le prix Louis-Delluc ; le prix Lumière ainsi que pour le César du meilleur premier film. En 2017, il part au milieu de la taïga sibérienne, à 700 km du moindre village, pour filmer l'antagonisme des deux grandes familles qui se sont installées dans cet enfer. Son documentaire, Braguino, est récompensé par de nombreux prix en festivals (Telluride, San Sebastian, Marseille, Toronto, Buenos Aires, Moscou...).

En 2018, il est lauréat du prix Marcel-Duchamp pour l'art contemporain. Son travail figure dans de nombreuses collections privées et publiques telles que le Centre Georges-Pompidou – Musée national d'Art moderne, la Fondation Louis Vuitton, le FNAC Fonds national d'art contemporain.

En 2018, Clément Cogitore réalise un court métrage de 5 minutes mettant en scène un passage de l'opéra baroque Les Indes Galantes, de Rameau. Il y intègre des danses contemporaines (hip-hop et krump). Ce court-métrage est remarqué par le directeur de l'Opéra de Paris qui lui propose de mettre en scène l'ensemble de l'œuvre. Il collabore avec la chorégraphe Bintou Dembélé dans le cadre de ce projet, dont la première a lieu en septembre 2019. La production de ce spectacle est mis en scène dans Les Indes galantes, documentaire de Philippe Béziat. L'opéra est nominé par le New York Times parmi les 10 meilleures productions lyriques de l'année 2019, élu meilleure production d'opéra 2019 par Il Giornale della Musica et remporte le Trophée de la meilleure nouvelle production 2019 de Forum Opéra. Depuis 2018, Clément Cogitore est professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, où il dirige un atelier.

En 2022, son deuxième long-métrage de fiction, Goutte d'or, est sélectionné à la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Le titre du film renvoie au quartier de Paris mais aussi à une dimension métaphorique, à la fois visuelle et initiatique, entre conte et violence urbaine.

Filmographie :

Courts-métrages - installations vidéo :

2005 : Travel(ing). vidéo, PAL 4:3, couleur, 3min 50s.   Vidéo-performance pour un camion, un groupe électrogène et un projecteur 16 mm. «Travel(ing)» confronte la réalité d’une expérience à sa représentation cinématographique. Sur l’arrière d’un camion en marche la nuit est projeté un film 16 mm représentant la route parcourue par ce même camion, de jour.  L’image cinématographique fragile et vacillante attire l’œil du spectateur comme la lumière les papillons de nuit, et raconte par une mise en abyme le pouvoir hypnotique des images en mouvement.

2005 : Travel(ing) 2011 : Bielutine - Dans le jardin du temps

2006 : Chroniques
2007 : Visités
2010 : Scènes de chasse
2011 : Bielutine - Dans le jardin du temps. 0h35.vReclus dans leur appartement de Moscou, Ely et Nina Bielutine veillent jalousement sur l'une des plus importante et mystérieuse collection d'art de la renaissance. Entourés de leur corbeau, de leur chats, et sous l'œil de Léonard, Titien, Michel-Ange et Rubens, Ely et Nina évoluent dans une fiction, un monde qui n’existe que pour eux, un monde où l'art et le mensonge ont peu à peu pris le pas sur la réalité.

2011 : Parmi nous

2011 : Parmi nous. Amin, jeune clandestin, vient de rejoindre un campement dans la forêt. Chaque nuit est l’occasion de tenter de gagner la zone portuaire et d’embarquer sous les camions. Au cours de ses tentatives, il découvre qu’entre la forêt et les hommes qui la parcourent, agissent d’autres groupes, d’autres visages, d’autres espaces.Parmi nous a bénéficié de l'aide à la production de court métrage de la Région Basse-Normandie. Le film a été tourné dans le Calvados, à Blainville-sur-Orne, Merville-Franceville, Ouistreham, Saint-Aignan de Cramesnil et Touffréville, avec les services du Bureau d'accueil de tournages de la maison de l'image. Les repérages dans le port de Ouistreham n'ont toutefois abouti qu'à une interdiction de tourner. Ce repli frileux des autorités préfectorales a conduit Clément Cogitore à reconstruire ses décors dans un autre lieu, leur donnant par ailleurs une intensité fantastique et prophétique qui aurait peut-être été moins forte dans des décors naturels.

2011 : Un archipel 2012 : Memento Mori

2011 : Un archipel. vidéo PAL 16:9, couleur, 11 min 27 avril 2008, 14h G.M.T : le sous-marin à propulsion nucléaire H.M.S Astute quitte la base navale d’Édimbourg pour une mission de transfert de personnel. Cette dernière sortie sera par la suite considérée comme l’un des épisodes les plus désastreux de l’histoire de la marine britannique. Réalisé en grande partie à partir d’images trouvées sur Internet et d’agences de presse, et ponctué par de nombreux cartons de texte, Un archipel s’aventure au croisement du cinéma muet, du cinéma expérimental et du storytelling hollywoodien.

2012 : Memento Mori. vidéo, HDCAM 16:9, couleur, 64 min. Dans le cadre fixe de l’image, cinq loups émergent de la brume. Comme des condamnés, ils errent dans un espace artificiel tenant à la fois du square pour enfants, du décor d’opéra et de l’enclos d’un zoo. « Memento Mori » est un tableau vidéo accompagnant un oratorio composé de cantates morales inédites du compositeur Luigi Rossi et de madrigaux spirituels de Claudio Monteverdi. La pièce se présente sous la forme d’une vanité, expression de la finitude de l’homme et de la vacuité de son existence. Cette proposition musicale conçue par Geoffroy Jourdain, encadre la lecture par Benjamin Lazar du «Sermon du Mauvais Riche», l’un des plus célèbres textes de Jacques-Bénigne Bossuet. En le prononçant au Louvre en 1662 devant le roi et sa cour, Bossuet confronte pour la première fois publiquement le pouvoir à la question du partage des richesses.   « Suivre en temps réel l’errance d’une petite meute, captive et résignée. Raconter la mort comme une histoire pour enfants. Partager un purgatoire parcouru d’ennui et d’effroi. Filmer l’enclos comme on filmerait une nature morte. » Clément Cogitore.

2012 : Tahrir. vidéo, 16:9, couleur, 7min 50s   «Tahrir» consiste en un montage stroboscopique d’images de la place Tahrir, tournées pendant la seconde révolution égyptienne. La vidéo affiche successivement, et à une fréquence de 25 images par secondes, une image des forces de l’ordre puis une image des émeutiers. Par la persistance rétinienne, l’oeil du spectateur les assemble dans une troisième image fantôme : celle d’un champ de bataille hypnotique et brutal.  

2012. Assange Dancing. Vidéo, 16:9, couleur, 6min 56s « Assange Dancing » a été réalisé à partir d’une vidéo amateur tournée puis mise en ligne par le DJ du 'Glaumbar', une boîte de nuit de Reykjavik en 2011. On y voit l’activiste et fondateur de Wikileaks, Julian Assange, s’animer sur un dancefloor presque désert, livré à une solitude totale. L’homme représente pourtant par la force de son action une foule à lui seul. En revisitant l’image d’origine par la boucle et le ralenti, «Assange Dancing» confère à la danse l’aspect d’une transe rituelle : celle d’un homme chassant les démons. 

2012 : Tahrir 2012. Assange Dancing.

2014 : Élégies.vidéo, HD 16:9, couleur, 6min 52s Des centaines de petits écrans lumineux flottent au-dessus d’une marée humaine : le public d’un concert photographie à l’aide de téléphones portables une scène hors-champ.  Comme les sous-titres d’un chant absent, ou de la voix intérieure d’un narrateur invisible, des vers des «Élégies de Duino» de Rainer Maria Rilke rythment ce gigantesque élan collectif aux airs de liturgie numérique. 

2016 : L'intervalle de résonance.vidéo, HD 16:9, couleur, 22min 37s. À travers les images et les histoires générées par deux manifestations aux origines physiques inexpliquées : la perception supposée de sons émis par les aurores boréales, et l’apparition d’une formation lumineuse mystérieuse en Alaska, le récit s’établit à mi-chemin entre mythologie personnelle et collective, entre protocole scientifique et célébration rituelle, entre fiction et documentaire. Dans les deux cas, les superstitions et les systèmes de croyance Inuit et Saami viennent perturber la recherche d’explications scientifiques. Aux images stratosphériques qui se reflètent sur le sol, s’ajoute la dispersion dans l’espace plongé dans le noir d’une voix polyglotte et d’une musique céleste composée par les compositeurs italiens d’avant-garde Francesco Filidei et Lorenzo Bianchi Hoesch induisant une perte des repères spatiaux, une perturbation des sens.» Daria de Beauvais Commissaire de l’exposition « L'intervalle de résonance », Palais de Tokyo, Paris, 2016.

2014 : Élégies 2016 : L'intervalle de résonance

2017 : Lascaux. Film 16mm, couleur, 45s. Clément Cogitore redonne vie au film d’archive en le filmant à nouveau de manière à mettre en scène à sa surface une envolée de papillons, dont les ailes deviennent elle-mêmes des surfaces de projection et dont les ombres en mouvement se déploient sur les parois rocheuses : le motif de ces papillons (il s’agit de Monarques, orangés et veinés de noir, surmontés de menues taches blanches) dialogue avec les ocres de la grotte, mais ce qui intéresse surtout l’artiste est bien de jouer de la cadence de leurs ailes, de la vibration de leurs battements, induisant une réflexion sur la technicité de l’image cinématographique, au moment-même où le défilement de la pellicule a laissé la place à sa dématérialisation, en devenant signal vidéo. Néanmoins, malgré l’évolution technologique, le rituel du cinéma, la magie de sa lanterne, ou celle de toute création artistique, persiste : comme les hommes de Lascaux, nous portons un regard sur la nuit originelle et nous devinons des formes dans les pierres. Nous entretenons avec le monde un rapport d’intimité tel que la seule manière de le traduire est de faire l’expérience d’un secret, de vivre la profondeur d’une 'énigme à résoudre'. Dans la caverne mentale ou dans celle du cinéma, l’inintelligible est au cœur, si bien que nous écarquillons toujours les yeux face aux images ; preuve que nous gardons en nous, toujours intact, un pur désir d’émerveillement.


2018 : The Evil Eye. vidéo, HD 16:9, couleur, 14min 46s. «The Evil Eye» est entièrement réalisé à partir d’images préexistantes. Le récit d’une voix féminine y traverse des scènes anonymes et stéréotypées, empruntées à des banques d’images mondiales où se fournissent les producteurs de clips publicitaires et de campagnes politiques. "Une dramaturgie ambivalente s’installe peu à peu, où l’indifférenciation identitaire entre en tension avec un registre allégorique. L’installation prend la tournure d’une boîte optique. Le fourmillement d’un grand écran LED happe le regard dans un espace paradoxalement intime, où l’autorité du dispositif médiatique et celle du spectateur entrent l’une et l’autre en dérive". Marcella Lista, Historienne de l'art, Conservateur au Centre Pompidou - MNAM.

2017 : Lascaux 2018 : The Evil Eye

2018 : Les indes galantes, vidéo, HD 16:9, couleur, 5min 26s. Clément Cogitore adapte avec la collaboration des trois chorégraphes Bintou Dembele, Brahim Rachiki et Igor Carouge une courte partie du ballet en mobilisant un groupe de danseurs Krump, une forme d’art né dans le ghetto noir de Los Angeles dans les années 1990. Dans l’atmosphère violente des émeutes déclenchées par le passage à tabac de Rodney King et de la répression policière brutale qui s’ensuit, de jeunes danseurs ont commencé à exprimer par le Krump les violentes tensions à l’œuvre dans le corps physique, social et politique. Entre la danse tribale exécutée à Paris en 1723 et les danseurs de Krump d’aujourd’hui se produit comme un court-circuit dans l’histoire des peuples et des formes, ou il s’agirait avant tout de raconter, comme dans l’intrigue des Indes Galantes, l’histoire de jeunes gens dansant au-dessus d’un volcan. «Le corps est rarement non politique chez Clément Cogitore, comme chez ses danseurs qu’il met en scène dans son vidéo 'Les Indes Galantes'. Cogitore en livre une nouvelle vision, sa mue contemporaine. (...) Grimaces, intimidations, la gestuelle fonctionne comme une puissante catharsis et libère dans sa transe les tensions sociopolitiques. A mesure que la musique baroque enveloppe le corps des danseurs, la violence contenue disparaît par ondes et la grâce s’affiche, puissante, victorieuse, évidente.» Léa Chauvel-Lévy Critique d’art


2022 : Morgestraich; Vidéo 4K, couleur, stéréo, 4’10’’ commande à l’occasion de la 16e édition de la Biennale de Lyon

2018 : Les indes galantes 2022 : Morgestraich

 

Longs-métrages :

2015 Ni le ciel ni la terre
Avec : Jérémie Renier (Antares Bonnassieu), Kévin Azaïs (William Denis), Swann Arlaud (Jérémie Lernowski), Marc Robert (Jean-Baptiste Frering). 1h42.

Afghanistan 2014. A l’approche du retrait des troupes, le capitaine Antarès Bonassieu et sa section sont affectés à une mission de contrôle et de surveillance dans une vallée reculée du Wakhan, frontalière du Pakistan. Malgré la détermination d’Antarès et de ses hommes, le contrôle de ce secteur supposé calme va progressivement leur échapper. Une nuit, des soldats se mettent à disparaître mystérieusement dans la vallée.

   
2017 Braguino
Documentaire. 0h50.

Au milieu de la taïga sibérienne, à 700 km du moindre village, se sont installées 2 familles, les Braguine et les Kiline. Aucune route ne mène là-bas. Seul un long voyage sur le fleuve Ienissei en bateau, puis en hélicoptère, permet de rejoindre Braguino. Elles y vivent en autarcie, selon leurs propres règles et principes. Au milieu du village : une barrière. Les deux familles refusent de se parler. Sur une île du fleuve, une autre communauté se construit : celle des enfants. Libre, imprévisible, farouche. Entre la crainte de l’autre, des bêtes sauvages, et la joie offerte par l’immensité de la forêt, se joue ici un conte cruel dans lequel la tension et la peur dessinent la géographie d’un conflit ancestral.

   
2019 Les Indes Galantes
Avec : Sabine Devieilhe, Florian Sempey, Jodie Devos, Edwin Crossley-Mercer. 3h09

Captation de l'opéra dont il assure la mise en scène et dont il interprète ce rôle dans le film de Philippe Béziat

   
2022 Goutte d'or
Avec : Karim Leklou (Ramsès), Malik Zidi (Michaël), Yilin Yang (Grace), Ahmed Benaissa (Younes). 1h38.

Ramsès, trente-cinq ans, tient un cabinet de voyance à la Goutte d’or à Paris. Habile manipulateur et un peu poète sur les bords, il a mis sur pied un solide commerce de la consolation. L’arrivée d’enfants venus des rues de Tanger, aussi dangereux qu’insaisissables, vient perturber l’équilibre de son commerce et de tout le quartier. Jusqu’au jour où Ramsès va avoir une réelle vision.