La demoiselle d'honneur

2004

Genre : Film noir

D'après le roman de Ruth Rendell. Avec : Benoît Magimel (Philippe), Laura Smet (Senta), Aurore Clément (Christine), Bernard Le Coq (Gérard), Solene Bouton (Sophie), Anna Mihalcea (Patricia), Michel Duchaussoy (Le Clochard). 1h50.

Depuis la mort de leur père, Philippe, cadre commercial dans une PME du bâtiment de la périphérie nantaise, se montre très aimant envers sa mère et protecteur vis-à-vis de ses sœurs : Patricia, la plus jeune, est en rébellion permanente, tandis que Sophie s’apprête à épouser un garçon assez terne, Jacky. Christine, la mère, qui fait de la coiffure à domicile, fréquente Gérard Courtois, un parvenu avec qui le premier contact, lors d’une soirée au restaurant, laisse un goût étrange à Philippe, méfiant. Le jour du mariage de Sophie, Philippe rencontre une demoiselle d’honneur de sa sœur, Senta. C’est le coup de foudre et, alors qu’il rentre chez lui, il est suivi par la jeune femme, qui s’offre à lui. La passion naît, Senta affirmant à Philippe qu’il est celui qu’elle attendait. Celle qui se révèle très vite possessive vit dans une grande demeure délabrée, dont elle occupe le sous-sol, croisant parfois sa mère, danseuse de tango souvent absente.

Philippe commence à douter devant les tendances mythomanes de son étrange maîtresse, qui exige bientôt de lui une effrayante preuve d’amour : commettre un crime. Entre disputes éphémères et addiction mutuelle, la relation devient obsédante et Philippe entre dans le jeu de Senta en lui affirmant avoir tué un clochard qui la gênait pour satisfaire sa requête. Le lendemain matin, Senta lui avoue avoir durant la nuit tué Gérard Courtois… Éberlué, Philippe se rend chez Courtois et le découvre, arrivant en voiture chez lui, bien vivant ! Pourtant, convoqué au commissariat pour récupérer Patricia prise en flagrant délit de vol, Philippe apprend la mort d’un nommé Lavoignat, cousin de Courtois, à qui ce dernier avait prêté sa maison… Assommé par la nouvelle, il rejoint chez elle Senta, qui lui confirme être coupable. Pire, elle lui montre dans son armoire le cadavre en décomposition d’une jeune fille disparue, en fait sa concurrente dans le cœur d’un ex-petit ami. Philippe assure à Senta qu’il ne l’abandonnera jamais, juste avant que la demeure soit cernée par la police…

Chabrol n'excelle jamais tant que dans l'adaptation de romans familiaux où les non dits entre parents, entre voisins, entre amants sont l'occasion d'échanges codés, à double entente ou à double détente puisqu'ils conduisent le plus souvent à la mort. Ici on échange une statue de pierre, un nom, une robe qui seront l'occasion de quiproquos, incestueux pour l'un et mortels pour les seconds.

Philippe, jeune homme en apparence calme et solide, hait le mouvement qui déplace les lignes. Il semble être resté étrangement près de sa mère. Il supporte mal que celle-ci offre à Gérard, son amoureux du moment, Flore, la statue de pierre qui lui ressemble. La trahison de Gérard avérée, Philippe retrouve la statue près du domicile d'une cliente et la vole. Dès lors, il la cache et ne s'en sépare plus. N'osant l'adorer tant que la ressemblance renvoie à la mère, il ne s'en sépare plus dès qu'il l'identifie à Senta.

La relation amoureuse entre la mère et le fils est parfaitement évidente et pourtant jamais dite. L'un et l'autre se trouvent beaux comme des dieux, beaux comme des astres, leur visage s'illumine dès qu'ils sont en présence l'un de l'autre. La mère demande au fils d'assumer le rôle du père auprès de sa sœur. Et le fils comprend tellement bien les femmes vieillissant seules.

Si Philippe plonge à ce point dans la cave avec Senta, refuse de voir l'évidence que le spectateur suspecte bien avant lui (voir l'excellent indice de l'aboiement du chien !) c'est, qu'après tout, il s'agit du même amour malheureux et impossible qu'avec sa mère. La statue dans le placard est finalement assez proche de Senta dans sa cave. Il tente désespérément de faire coïncider le visage de Senta à cette statue comme Senta tente de faire coller sa vie de mythomane à la vie réelle. Comme déjà dans La femme infidèle, il faudrait bien, effectivement, un meurtre pour rendre vie à ce couple en perdition.

La route de nuit, la plage de Pornic, le jardin des plantes de Nantes semblent les seuls lieux en accord avec ces deux personnages fantomatiques, éloignés dans leur absence au monde de ces petits bourgeois que Chabrol se plait à décrire en les caricaturant tous plus ou moins légèrement (les invités du mariage, beau-frère et beau-père en tête, Gérard Courtois).