Irma Vep

1996

Avec : Maggie Cheung (elle-même), Jean-Pierre Léaud (René Vidal), Nathalie Richard (Zoé), Antoine Basler (le journaliste), Nathalie Boutefeu (Laure). 1h38.

Star du cinéma asiatique, Maggie débarque à Paris pour le tournage d'un remake des Vampires de Feuillade. Elle est prise en charge par Zoé, la costumière. Le tournage est confus, René Vidal, metteur en scène illuminé, rumine son insatisfaction, tandis que l'équipe se demande si le film se fera. Alors que Maggie, moulée dans sa combinaison en latex noir, s'accomplit dans son rôle de vamp lors d'une nuit folle dans son hôtel, Vidal déprime. Il doit arrêter le film qui sera repris par un confrère (Lou Castel). L'équipe aura toutefois le temps de voir le montage magnifique de Vidal.

Scène clé : Maggie vole les bijoux. Après une journée de travail plutôt déprimante, Maggie, par hasard, se trouve, follement, inutilement dans la peau du personnage.

Message essentiel : le désir passe par des voies tordues et sinueuses.

Dans une séquence comique, un journaliste franchouillard, assez virilement inculte, exprime toute sa haine du "cinéma français intellectuel...pour les élites" face aux "bons metteurs en scène John Woo, Arnold Schwartzenegger et Jean-Claude Vandamne". Or s'il est une dignité des auteurs du cinéma d'aujourd'hui, c'est de pouvoir, malgré des contraintes des "genres" qui triomphent au box-office de développer les thèmes, l'esthétique voir la morale qui leurs sont chers.

Film de survivants, "Irma Vep" est une tentative laborieuse et désespéré pour faire un film avec son lot d'improvisations maladroites et de petites médiocrités, sur le plateau d'une production fauchée et calamiteuse. Comment, en effet, être créateur alors que le projet (tourner un remake de Vampires), imposé par la production, n'est même pas personnel ?

Au milieu de ce désastre en puissance, seul surnage le désir de faire jouer Maggie. Ce désir est bien plus créatif que le professionnalisme de l'acteur masculin, seulement capable d'une interprétation réaliste au ras des pâquerettes. La scène dans l'hôtel, pleine de mystère, est une preuve creatrice encore plus convaincante que le montage final expérimental. Ces deux scènes sont deux réponses aux deux extraits de Feuillade et du film de kung-fu.

La fascination et le désir sont aussi le moteur de Zoé, la costumière, qui va tomber amoureuse de Maggie. Ce désir sera démoniaquement verbalisé par Bulle Ogier et devra ainsi resté du domaine de la sublimation. Sitôt formulé le désir se décharge, comme s'il ne pouvait prendre que des voies tordues, sinueuses. Il n'est dans ce film jamais question de possession (Maggie dérobe les bijoux, mais s'en défait presque immédiatement, tant elle sent que, dans la mise en scène, c'est l'instant du vol qui compte et non la possession d'un objet), mais d'une oscillation entre le voilement et le dévoilement, opération par laquelle l'oeil du spectateur parvient à un plaisir inséparable de l'élégance.