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Japonaise au bain

1864

Japonaise au bain
James Tissot, 1864
Huile sur toile, 208 x 142 cm
Dijon, Musée des Beaux-Arts

Tissot fait partie des premiers "japonisants" français, quelques années après l'ouverture du Japon, en 1853, et dès avant l'Exposition universelle de Paris de 1867, où ce pays envoie une délégation et expose pour la première fois.

Tissot est, sous le Second Empire, l'un des plus avides collectionneurs d'objets asiatiques ; il est aussi, insigne honneur, le professeur de dessin du jeune prince Tokugawa Akitake, frère du dernier shogun et chef de la délégation nippone en 1867-1868. Tissot, que la délégation japonaise appelle "chisō", ne cessera de distiller son enthousiasme pour le Japon dans ses oeuvres.

En 1864, sa grande Japonaise au bain traduit une vision fantasmée d'un Orient rêvé, par le travestissement d'une Européenne vêtue d'un chatoyant kimono. Bien éloignée des estampes japonaises, la composition de Tissot ne rompt pas avec la tradition occidentale du modelé et de la perspective. L’artiste crée ici un espace complexe dans lequel le dessin du kimono, la guirlande de fleurs ornant la sombre chevelure, les motifs de paravents et le paysage visible par la fenêtre ouverte laissant apercevoir au loin une pagode et des cerisiers en fleurs se répondent pour offrir à la jeune beauté songeuse et languissante un écrin à sa mesure.

En associant d’authentiques accessoires japonais à un thème et à un style résolument académiques qui rapprochent cette composition de celle de la Suzanne au bain (musée d’Orsay), exécutée la même année par Henner, Tissot n’échappe pas au pittoresque d’un exotisme artificiel et décoratif. C’est pourtant dans cette juxtaposition audacieuse de motifs ornementaux d’inspiration orientale et d’un nu plus grand que nature, dont la sensualité est renforcée par le vermillon flamboyant du kimono, que réside la modernité élégante de son style. La langueur rêveuse de ses personnages féminins n’est pas ici sans rappeler l’expression des héroïnes préraphaélites ni même celle de la dame Chrysanthème de Pierre Loti avec lequel Tissot partage la même vision romantique du Japon.

Fils d’un drapier et d’une modiste, l’artiste a toujours été fasciné par la mode, qu’elle soit historique, exotique ou contemporaine. Le kimono constitue ainsi le principal sujet du tableau de Dijon même si son port est peu conforme aux codes vestimentaires japonais. Traité davantage à la manière d’un peignoir de bain occidental, il laisse en effet entrevoir le corps marmoréen et plantureux d’une demi-mondaine au regard aguicheur. Tissot a utilisé ici un modèle européen qu’il a travesti en geisha. Cet artifice du déguisement sera repris en 1876 par Monet pour sa Japonaise (Boston, Museum of Modern Art) représentant son épouse Camille.

Japonaise au bain
James Tissot, 1864
La Japonaise
Claude Monet, 1876