Les yeux clos Odilon Redon 1890
 
 

Les yeux clos
Odilon Redon, 1890
huile sur toile marouflée sur carton , 44 x 36 cm
Paris, Musée d'Orsay

   

Dans les années 1890, Odilon Redon interprète parfois en couleur certains de ces dessins ou gravures. Peint en 1890, Les Yeux clos, qui est sans doute un portrait de son épouse Camille Falte, reprend ainsi la composition d'un dessin antérieur.

Les yeux fermés du sommeil ou de la mort évoquent le monde intérieur, le rêve, l'absence ou l'apparition, thèmes féconds chez Odilon Redon, comme il le raconte dans A soi-même, son journal intime publié en 1922. L'extrême dilution de la peinture la rend presque immatérielle, laissant le grain de la toile apparent. Le buste semble flotter dans un espace que l'artiste laisse indéfini.

Ce visage fait référence aux bustes de la renaissance italienne du XVe siècle, aux marbres de Francesco Laurana en particulier. Il garde aussi sans doute le souvenir de L'Esclave mourant de Michel-Ange, exposé au Louvre, qui avait bouleversé Redon et dont il avait commenté dans son journal le charme étrange des "yeux clos".

Icône du symbolisme en peinture, c'est la première oeuvre de Redon entrée dans les collections nationales, choisie en 1904 dans l'atelier de l'artiste par Léonce Bénédite, le directeur du musée du Luxembourg.


Composée en référence aux portraits flamands et italiens du XVe siècle, cette œuvre porte une double signification dans le parcours de l’œuvre de Redon. Il s’agirait d’une icône de vierge modernisée, dont les traits du visage pourraient rappeler Camille, la femme de l’artiste. Ce visage, utilisé comme motif, fut reproduit et peint à de nombreuses reprises et permit à Redon la transition entre les “Noirs” et le passage à la couleur. Le tableau Yeux Clos est une transposition à l’huile d’une image lithographique sacralisée qui l’accompagne au cours de cette période. La bande horizontale, située en bas de la composition- et fréquente dans les bustes de Redon, agit comme un élément aquatique qui donne une tonalité onirique et suggestive à l’œuvre. Certains chercheurs pensent que Redon aurait pu s’inspirer de l’Esclave mourant de Michel-Ange, conservé au Louvre. Sur cette œuvre, Redon écrivait en 1888 dans son journal : “Sous les yeux clos de son esclave, que d’action cérébrale élevée ! Il dort, et le songe soucieux qui passe sous ce front de marbre, met le nôtre dans un monde émouvant et pensant”.


Ce tableau marque aussi le changement de la situation sociale de Redon ainsi que sa reconnaissance officielle au tournant du XXe siècle, lorsque, par l’intermédiaire de Léonce Bénédite, alors directeur du musée de Luxembourg, l’Etat français l’acquiert en 1904.

Texte : Katia Papandreopoulou

Source : Musée d'Orsay, photo RMN, Hervé Lewandowski

 

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