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Caoutchcouc

1909

Caoutchcouc
Francis Picabia, 1909
Aquarelle, gouache et encre de Chine sur carton, 47,5 x 61,5 cm
Paris, MNAM

Une composition de formes circulaires sécantes, sur fond de plans trapézoïdaux imbriqués : Caoutchouc est à Picabia ce que l'aquarelle Sans titre (1910) est à Kandinsky – son principal titre de priorité à l’invention de l’abstraction. D’où la fortune critique de cette gouache : réalisée en 1909, selon la meilleure hypothèse, elle reste invisible jusqu’en 1930 – année même de formation des abstractions à Paris, avec la création des groupes Art concret et Cercle et Carré –, où elle apparaît lors de l’exposition « Picabia, trente ans de peinture » chez Léonce Rosenberg, avec la mention antidatée « Caoutchouc 1907 », s’imposant ainsi comme la première œuvre abstraite ; elle est à nouveau exposée en 1936 par Alfred Barr – mais avec la date de 1909 – dans l’exposition « Cubism and Abstract Art », qui dresse un premier bilan de l’abstraction et de ses sources. Elle est encore au cœur de ces querelles d’antériorité quand l’abstraction triomphe après-guerre, puis à la fin des années 1950, lorsqu’elle rentre, sur la foi de son importance historique, dans les collections du Musée. Mais, comme l’aquarelle de Kandinsky, celle de Picabia a entretemps fait l’objet d’une critique plus objective. On la considère aujourd’hui comme la pointe la plus avancée d’une série de natures mortes peintes par l’artiste dans un registre cubo-cézannien, vers la fin de l’année 1908-1909 : les cercles et les plans de couleurs quadrangulaires synthétisent les objets récurrents de ces compositions – des pommes, des oranges et le plan de la table, recouvert des plis d’une nappe.

Le titre de la gouache a été lui aussi sujet à controverses : elle est intitulée Vase de fleurs en 1937, lors de l’exposition des « Maîtres de l’art indépendant » au Grand Palais. Cependant, d’après la veuve de l’artiste, Gabrielle Buffet, « Caoutchouc » est bien l’intitulé reçu dès les années 1912-1913, soit à une époque où Picabia renforce l’abstraction formelle de ses œuvres par l’attribution de titres difficilement compréhensibles, annonciateurs du goût du non-sens que cultivera sans mesure le futur dadaïste.


Arnauld Pierre : Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008