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Autoportrait à vingt-quatre ans

1804

Self-portrait
Jean-Auguste-Dominique Ingres , 1804-1851
Huile sur toile 77 x 61
Chantilly, Musée Condé.

Autoportrait à vingt-quatre ans est un tableau peint par Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1804 et exposé au Salon de 1806. Premier autoportrait de l'artiste, celui-ci connut diverses modifications entre 1804 et 1851, le premier état est connu par une gravure de Jean-Louis Potrelle datée de 1806 et retouchée par Ingres, une copie de Marie-Anne-Julie Forestier de 1807, et une photographie prise vers 1849 par Charles Marville.

Par sa composition, il fait référence aux portraits de la Renaissance, et en particulier à celui de Bindo Altoviti par Raphaël. Le tableau qui appartient aux collection du musée Condé de Chantilly, est considéré, soit comme l'autoportrait de 1804 modifié en 1851, ou comme une copie par Ingres d'un tableau disparu.

Tableau achevé en 1804 et exposé au Salon de 1806 avec les portraits de la famille Rivière, et celui de Napoléon Ier sur le trône impérial. Conservé par Ingres jusqu'en 1860. Après le refus du prince Napoléon-Jérôme Bonaparte de conserver le Bain turc, jugé choquant par son épouse, Ingres accepte de l'échanger contre son autoportrait. La transaction est effectuée par le conservateur du Louvre, Frédéric Reiset. En 1868 le prince Napoléon cède une partie de sa collection dont l'autoportrait qui est acquis par Frédéric Reiset. En 1879 celui-ci le vend au duc d'Aumale avec l'ensemble de sa collection de peinture. L'autoportrait entre dans les collections du musée Condé en 1897.


Le portrait s'inscrit dans un rectangle vertical. Ingres se représente en buste, coupé au niveau du coude. Sur un fond uni brun, le corps est de profil orienté vers son chevalet et le visage de trois-quarts tourné vers le spectateur, les expressions du regard noir et de la bouche fermée, sont énergiques, voire agressives. Il porte sur ses épaules un carrick marron foncé à col de velours, et dessous une chemise blanche froissée. Il porte sa main gauche à sa poitrine, et la droite tient une craie blanche dirigée vers une toile dont on aperçoit la tranche, et qui est posée sur un chevalet, ainsi qu'un archet. En haut à gauche la toile est signée EFF J.A. INGRES P.or, et en haut à droite datée F.it PA.is 1804.

Dans sa version initiale connue par trois documents (une gravure, une copie, et une photographie ancienne), Ingres se représentait devant une toile dont on apercevait un dessin à la craie blanche. L'examen de la photo de Marville montre qu'il s'agissait d'une esquisse pour le Portrait de Jean-François Gilibert ami du peintre. Ingres de sa main gauche essuie la toile avec un chiffon, la position de sa main droite est inchangée par rapport à la version ultérieure. Il est vêtu d'un pourpoint à col carré de style Renaissance, et d'un ample surtout clair rejeté sur son épaule droite.

Sur la copie de Marie-Anne-Julie Forestier, l'absence de dessin préparatoire sur la toile qu'Ingres essuie, indique qu'elle a été peinte d'après l'état le plus ancien de l'autoportrait. Ce détail est confirmé par une remarque d'un critique du Mercure de France lors de l'exposition du tableau original au Salon de 1806 : « Il tient à la main un mouchoir qu'il porte, on ne sait pourquoi, sur une toile encore blanche. ». L'esquisse que l'on aperçoit sur la toile qu'Ingres essuie, telle qu'elle figure sur la photographie de Marville, a été ajoutée a posteriori, probablement en réaction à la critique du Mercure.

Copie de l'autoportrait d'Ingres
par Marie-Anne-Julie Forestier,
peinte en 1807 (musée Ingres).
Photographie de Charles Marville
datée vers 1849, la toile essuyée
par Ingres montre un dessin
préparatoire, ajouté
après l'exposition du Salon.
Copie de madame Gustave
Hequet avec des retouches
par Ingres. Réalisé avant 1851,
la toile montre une version
intermédiaire de l'autoportrait
du musée Condé.
L'ample surtout est supprimé.
La posture d'Ingres
reste inchangée.

Il est difficile de définir avec précision la période des changements sur l'autoportrait, pour parvenir au tableau tel qu'il est exposée au musée Condé. Cependant celles-ci n'ont pu être effectuées que dans une période située entre 1849, date supposée de la photographie de Marville, et 1851, date d'une gravure au trait par Achille Réveil publiée dans le recueil Œuvres de J. A. Ingres gravées au trait sur acier (Firmin-Didot), qui en présente l'état final, alors que le tableau était encore la propriété du peintre. Entretemps l'autoportrait est passé par plusieurs phases intermédiaires, dont deux autres copies témoignent. Les changements sont si importants qu'un doute s'est installé sur l'authenticité de l'œuvre du musée Condé, s'il s'agit du même autoportrait exposé au Salon de 1806, ou d'un autre tableau réalisé ultérieurement.

Deux études au crayon conservées au musée Ingres montrent les premières modifications dans le vêtement. L'ample surtout clair est remplacé par le carrick de la version finale, mais drapé autour du bras droit et présentant une petite cape suspendue au dos du costume. Une copie conservée au Metropolitan Museum of Art présente ces changements intermédiaires.

La participation d'Ingres au Salon de 1806, où il exposa l'autoportrait, les portraits de la famille Rivière, et celui de Napoléon Ier sur le trône impérial, est marquée par une réception de la critique particulièrement négative, voire hostile aux choix esthétiques et aux innovations de l'artiste. L'autoportrait fut l'une des œuvres les plus durement critiquées. Selon Chaussard dans Le Pausanias français :

« Quand on a l'avantage d'être artiste et d'avoir du talent, pourquoi se peindre sous un aspect aussi défavorable? M. Ingres a voulu faire encore de l'extraordinaire. Vous voyez une tête basanée, des cheveux noirs qui font tache sur une toile blanche, un surtout planté sur une épaule dont il masque les formes, un mouchoir blanc à la main ; enfin, une opposition systématique du noir au blanc, qui produit une discordance infiniment désagréable. »

L'Observateur du musée Napoléon en fait une description peu flatteuse :

« Un peintre, dont la tête à cheveux noirs et drus, se détache en découpure sur une grande toile blanche ; l'artiste, vêtu en noir et recouvert d'une redingote blanche, essuie avec un mouchoir très blanc ; ce qui fait blanc sur blanc. »

Tandis que le Mercure de France qualifiant l'autoportrait de caricature, poursuit sur le même ton :

« On y voit un artiste devant son chevalet. Il tient à la main un mouchoir qu'il porte, on ne sait trop pourquoi, sur une toile encore blanche, mais destinée sans doute à représenter les objets les plus effrayants, si l'on en juge par l'expression sombre et farouche de son visage. Sur son épaule est jetée une volumineuse draperie qui doit prodigieusement le gêner dans le feu de la composition, et dans l'espèce de crise que son génie paroît éprouver.