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Howl

1955

Howl
Allen Ginsberg, 1955
Créé à la Six Gallery le 7 octobre 1955

Howl a été écrit en 1955 pour être récité lors de la lecture publique à la Six gallery de San Francisco, mais il a ensuite été publié par le poète Lawrence Ferlinghetti chez City Lights Books. Le poème a été qualifié d'« obscène », Ferlinghetti et Shig Murao, directeur de la librairie, furent arrêtés et inculpés pour sa publication. Le 3 octobre 1957, le juge Clayton W. Horn rendit un arrêt affirmant le contraire, ce qui permit à Howl de continuer à être diffusé et de devenir le poème le plus réputé de la Beat Generation.

La lecture du poème à la Six gallery est racontée par Jack Kerouac dans son roman Les Clochards célestes, ou Ginsberg apparaît sous le nom de Alvah Goldbook.

Howl [premiers vers]

I saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical naked,
dragging themselves through the negro streets at dawn looking for an angry fix,
Angel-headed hipsters burning for the ancient heavenly connection
to the starry dynamo in the machinery of night,

[traduction en français

J’ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus,
se traînant à l’aube dans les rues nègres à la recherche d’une furieuse piqûre,
initiés à tête d’ange brûlant pour la liaison céleste ancienne
avec la dynamo étoilée dans la mécanique nocturne,

Carl Solomon, 19 ans en juin 1949, rencontre Allen Ginsberg dans un hôpital psychiatrique et lui parle d'Artaud, de Van Gogh ou le suicidé de la société, mais aussi de la performance du 13 janvier 1947 donnée par Artaud où il était présent.

Allen Ginsberg écrit Howl (1955), qui prône une poétique de la présence où se confondent contenu et style ; échapper à cette schizophrénie; ne pas censurer ce que l'on entend dans la rue. C’est une poésie du spoken word. Howl est d'abord lu avant d'être publié notamment à la Six gallery, dans le quartier noir de San Francisco. C'était un atelier de carrosserie un peu avant. Avec Howl, il s'agit de défier la machine éditoriale de New York, son bon goût; c'est la véritable naissance de la contre-culture.

La séance du 7 octobre 1955 commence à 20 heures organisée par Kenneth Rexroth avec Philip Lamantia, John Hoffman, Mike McClure, Allen Ginsberg, Gary Snyder et Phil Whalen. A 23h30, Allen Ginsberg est ivre (le public aussi) mais, d'après Mike McClure, retrouve sobriété et un état de maîtrise et de transe.

Poème en trois parties. La première est ce qu'il a vu de sa génération. Le "I saw" est emprunté à Pour en finir avec le jugement de Dieu d'Antonin Artaud (1947) : I saw the best minds of my generation destroyed by madness... (J'ai vu les meilleurs esprits de ma génération détruits par la folie...)

C'est une célébration, une litanie et une protestation. Chaque alinea correspond à une reprise de souffle, répétition avec progression dans la profération. Jeunes marginaux affamés à la recherche d'une dose, d'une bouteille ou d'un partenaire sont pour lui des figures déchues et saintes, entre la souffrance et l'extase. Ils auraient pu être des anges.

La 2e partie est consacrée à Moloch. "Moloch whose name is the mind (...) Moloch in whom I am a consciousness without a body"

Contre l'ère capitaliste, l'argent et les gratte-ciel, le monstre opère une séparation entre l'esprit et le corps, une conscience sans le corps. Profération pour se libérer des puissances qui se cachent dans notre corps, pour s’exorciser des emprises. Comme si on avait à se libérer de l’habitus (Bourdieu).

La réunion corps /esprit prend effet quand il le lit, la lecture publique est une action contre Moloch. Jack Kerouak incite Ginsberg à lâcher prise "Go ! Go ! Go !"

Le jazz est le troisième thème du poème. Mais surtout prononcé comme un saxophoniste;  les vers en  lien avec son souffle ; phrases avec syncopes et cris du saxophone

Charles Olson, Le Vers projectif (1950) recteur du Black Mountain College : "Aujourd'hui, en 1950, la poésie, si elle veut aller de l'avant, et si elle se veut d'usage essentiel, doit, me semble-t-il,  se saisir de, et s’intégrer à, certaines lois et possibilités du souffle, de la respiration de l’homme qui écrit, aussi bien que de ses facultés auditives"

" Un poème est de l’énergie transférée de là où le poète  l’a trouvée, par le moyen du poème lui-même, vers, d’un bout à l’autre, le lecteur. Et donc le poème lui-même doit en tous points,  être une construction à haute teneur d’énergie et en tous points, une décharge  d’énergie. D’où ceci : Comment le poète va-t-il réaliser pleinement cette énergie, comment va-t-il faire, quel est le processus par lequel le poète pénètre, en tous points, une énergie au moins équivalente à l’énergie  qui l’a propulsé en 1er lieu, mais une énergie qui est propre à la seule poésie et sera à l’évidence aussi de l’énergie que le lecteur, parce qu’il est situé en 3e terme, en retirera ?"

Il y a à la fois simplicité dans la manière de dire et élévation par l’audace. La voix intime est publique ; le privé devient enjeu public (voir Mai 1968 et Bod Dylan)

Howl est une litanie, une protestation et une libération (drogue et sexe). Censuré un an plus tard pour obscénité, c'est le 1er pas pour peser pour faire exister une société différente, parler vrai dans la simplicité. Debout comme un saxophoniste avec son instrument. Les spectateurs sont à la fois témoins et guides, profération expérience collective pleinement vécue. Les spectateurs sont une caisse résonance à des mots écrits dans l'intimité.

La chanson Spell de Patti Smith est un poème inspiré de Howl. La période de la vie de Ginsberg durant laquelle il rédige Howl a fait l'objet d'un film biographique américain, Howl, de Rob Epstein et Jeffrey Friedman (scénario et réalisation), sorti en 2010, où Allen Ginsberg est incarné à l'écran par l'acteur James Franco. Ce film relate la saga judiciaire à propos du poème de Ginsberg qui en donne une brillante lecture.