Le cinéma est bien entendu un processus de démolition ce qui semble évident depuis le début des années 50. L'éthique d'un cinéaste consiste à en être conscient (contrairement à Woody Allen par exemple) et à s'approprier ce " bien entendu " avant de se précipiter en étourdi vers un " mais " intemporel. Autrement dit si l'on souhaite énoncer un "mais" en essayant de se placer à la hauteur de Godard, il faut absolument vivre dans une parfaite conscience de ce processus de démolition en tant que tel. C'est l'éthique de Hasumi à laquelle Aoyama est resté fidèle

Chez Klossowski, il n'y a pas de masque, sous-entendu de masques hypocrites, dans la mesure où tout masque est déjà un masque de masque, comme il n'y a plus d'original puisque tout modèle de copie est déjà une copie. Une thèse qui marque l'aboutissement de sa relecture du principe nietzschéen de l'éternel retour, un principe qu'il assimile à un cercle vicieux, donc à un faux principe. Pour Klossowski, il n'y a pas de début ni de fin de l'histoire, le monde n'est que fable, au sens où il n'existe justement qu'en tant histoire (la religion, l'art, la science, l'Histoire). Le monde comme fable c'est aussi ce que chante, quoique sur un mode mineur, Zucca dans ses films. Question d'échelle : d'un côté (Klossowski) une pensée qui reproche à la philosophie occidentale d'avoir progressivement perdu sa capacité à fabuler ; de l'autre (Zucca), une sensibilité qui trouve dans l'art de l'image le matériau idéal pour célébrer les puissances du faux. La rencontre entre les deux passe évidemment par la fiction et surtout par les simulacres à l'instar des faux tableaux du peintre Tonnerre qui représentent Roberte en costumes d'époques et dans des poses équivoques. C'est tout l'enjeu du film : arriver à nous faire saisir (plutot qu'à nous faire comprendre) le double personnage de Roberte. Une Roberte imaginaire fantasmée par Octave et dont les aspects contradictoires (au niveau des gestes, du regard, de l'expression des désirs) peuvent se manifester simultanément puisque justement imaginaires ; et une Roberte disons réelle qui existe dans le monde avec ses souvenirs ("la grave offense " qu'elle a subie pendant la guerre et dont elle parle dans ses cahiers et ses projets (réussir sa carrière de femme politique, assurer l'éducation de son neveu Antoine mais qui sert aussi de modèle à l'autre Roberte nourrissant ainsi les fantasmes d'Octave (telles les lois de l'hospitalité qui consistent à offrir son épouse aux invités, de l'employé de banque au percepteur d'Antoine) et qui fait que Roberte, comme le rappelle Zucca "doit se regarder comme doit se regarder toute image "

 

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Vertigo n°34: sécial japon
n°34 revue vertigo esthétique et histoire du cinéma
2007
Vertigo