Mirbeau donne la parole à une soubrette, Célestine, ce qui est déjà subversif en soi, et, à travers son regard qui perçoit le monde par le trou de la serrure, il nous fait découvrir les nauséabonds dessous du beau monde, les " bosses morales " des classes dominantes et les turpitudes de la société bourgeoise qu'il pourfend. Échouée dans un bourg normand, chez les Lanlaire, au patronyme grotesque, qui doivent leur richesse injustifiable aux filouteries de leurs "honorables" parents respectifs, elle évoque, au fil de ses souvenirs, toutes les places qu'elle a faites depuis des années, dans les maisons les plus huppées, et en tire une conclusion que le lecteur est invité à faire sienne : " Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens. "
Mais Mirbeau ne nourrit pour autant aucune illusion sur les capacités
de révolte de la gent domestique, qui est aliénée idéologiquement
et presque toujours corrompue par ses maîtres : Célestine elle-même,
malgré sa lucidité et son dégoût, finit par devenir
maîtresse à son tour et par houspiller ses bonnes, dans "le
petit café" de Cherbourg où elle a suivi le jardinier-cocher
Joseph, antisémite et sadique, enrichi par le vol audacieux de l'argenterie
des Lanlaire, et dont elle s'est persuadée qu'il a violé et
assassiné une petite fille.
|
1871
|