Palmarès des années 2000

Le classement des meilleurs films de la décennie par la presse ciné par Serge Kaganski le 14/02/2010.

En ce début d’année, les Cahiers du cinéma, Positif et Film Comment viennent de dresser leurs listes des meilleurs films de la décennie 2000-2009.

Par-delà le plaisir ludique des listes et ses limites, il est intéressant de comparer ces différents tops, histoire de mieux cerner ce qui restera du cinéma de ces années-là et de mesurer ce qui rassemble ou sépare les différentes tendances critiques.

Ainsi, les deux vieux frères ennemis des kiosques français partagent en commun quelques films (Mulholland Drive, Le Nouveau Monde) et cinéastes (Lynch, Cronenberg), mais cette convergence est trompeuse.

Côté Cahiers, on retrouve des objets comme The Host, Tropical Malady ou A l’ouest des rails, qui n’apparaissent pas dans le panthéon de la gazette à Michel Ciment, et à l’inverse, pas trace dans les Cahiers de There Will Be Blood, La nuit nous appartient ou De battre mon coeur s’est arrêté, films très haut classés chez Positif.

La revue de Bazin a privilégié les cinéastes les plus jeunes ou novateurs de l’époque (Lynch, Weerasethakul, Bong Joon-ho, Van Sant, Kechiche…) alors que le coeur de la revue de Chardère bat pour un certain classicisme (Eastwood, Malick, Gray, P.T.Anderson, Audiard).

Le constat est clair : bien que les polémiques Cahiers/ Positif relèvent de l’histoire médiévale, les Cahiers continuent d’affirmer un goût plus aventureux et désirable que leur vénérable et pépère concurrent.

Les premiers restent fidèles à une idée du cinéma où la forme traduit une pensée, tandis que les seconds persistent à privilégier le sujet, le contenu et les effets de signature.

Pour sortir de ce vieux couple francofrançais, il est stimulant d’aller faire un tour chez les New-Yorkais de Film Comment. Leur panel est très significatif puisque, loin de se limiter à l’étroitesse consanguine d’une rédaction, il intègre une centaine de cinéphiles de tous horizons : critiques étrangers, producteurs, distributeurs, universitaires, programmateurs…

Résultat : l’internationale cinéphile penche elle aussi vers le “goût Cahiers”. Comme aux Cahiers, Mulholland Drive est numéro 1, et si on retrouve There Will Be Blood dans leur top 10, on y note aussi la présence de deux (!) films de Weerasethakul, fétiche des Cahiers (et des Inrocks) rejeté par Positif. Dans leur top cinéastes figurent des classiques comme Eastwood (6e), mais aussi des modernes comme Jia Zhangke (1er), Claire Denis (3e, cocorico !), ou Van Sant (4e).

Don Quichotte Ciment a coutume d’en appeler à la critique internationale pour mieux fustiger le “dévoiement” de la critique française et de son “triangle des Bermudes” (traduire Le Monde-Libé- Cahiers-Inrocks), clamant que seul Positif serait dans le vrai.

L’impressionnant jury planétaire de Film Comment pulvérise cette vieille antienne en validant en grande partie les goûts et la pensée “bermudiens”.