Editeur : Montparnasse, avril 2007. Format 4/3 N & B- 3 DVD 6h27. DVD1 : Pour la suite du monde (1963, 1h45). DVD2 : Le Règne du jour (1967, 1h58). DVD 3 : Les Voitures d'eau (1968, 1h50)

Suppléments :

  • Le Beau plaisir (1968 - 0h15 Couleur)
  • Pierre Perrault, homme de la parole, cinéaste du vécu (Un film de Michel La Veaux - 1999, 0h39 Couleur)
    Entretien inédit avec Pierre Perrault, dans lequel il évoque avec ferveur ses débuts de cinéaste et le tournage de la Trilogie de l'Île-aux-Coudres.
  • Introduction de Patrick Leboutte. Directeur de la collection DVD Le geste cinématographique, critique cinéma
La Trilogie de l'Île-aux-Coudres avec son post-scriptum de 1968 : le beau plaisir

 

Pierre Perrault et Jean Rouch, chacun de leur côté et presque simultanément inventent "le cinéma vérité", "le cinéma direct" ou "Le cinéma du vécu". Autant de termes qui cachent un extraordinaire travail de mise en scène qui fait d'eux des cinéastes majeurs des puissances du faux. Pour Gilles Deleuze en effet lorsque le personnage réel se met à fictionner, quand il entre "en flagrant délit de légender", il contribue ainsi à l'invention de son peuple.

Mettre en scène le réel...

Pour Rouch, il s'agit de sortir de sa civilisation dominante et d'atteindre aux prémisses d'une autre identité. Pour Rouch "je est un autre" selon la formule de Rimbaud. De son coté Perrault n'a pas besoin de devenir un autre pour rejoindre son propre peuple. Pour Perrault, il s'agit d'appartenir à son peuple dominé, et de retrouver une identité collective perdue, réprimée. Ce n'est plus Naissance d'une nation, mais constitution, reconstitution d'un peuple, où le cinéaste et ses personnages deviennent autre ensemble et l'un par l'autre, collectivité qui gagne de proche en proche, de lieu en lieu.

Quand Perrault critique toute fiction, c'est au sens où elle forme un modèle de vérité préétablie, qui exprime nécessairement les idées dominantes ou le point de vu du colonisateur, même quand elle est forgée par l'auteur du film. La fiction est inséparable d'une vénération qui la présente pour vraie qui la présente pour vraie, dans la religion dans la société, dans le cinéma, dans les systèmes d'images.

...Pour créer un peuple qui s'invente.

Quand Perrault s'adresse à ses personnages réels du Québec, ce n'est pas seulement pour éliminer la fiction, mais pour libérer du modèle de vérité qui la pénètre et retrouver au contraire la pure et simple fonction de fabulation qui s'oppose à ce modèle.

Ce qui s'oppose à la fiction, ce n'est pas le réel, ce n'est pas la vérité qui est toujours celle des maîtres ou des colonisateurs, c'est la fonction fabulatrice des pauvres, en tant qu'elle donne au faux la puissance qui en fait une mémoire, une légende, un monstre, tel le dauphin blanc de Pour la suite du monde.

Ce que le cinéma doit saisir, ce n'est pas l'identité d'un personnage, rée ou fictif, à travers ses aspects objectifs et subjectifs. C'est le devenir du personnage réel quand il se met lui-même à fictionner, quand il entre "en flagrant délit de légender", et contribue ainsi à l'invention de son peuple.

Le personnage n'est pas séparable d'un avant et d'un après, mais qu'il réunit dans le passage d'un état à l'autre. Il devient lui-même un autre quand il se met à fabuler sans jamais être fictif. Et le cinéaste de son côté devient lui-même un autre quand il "s'intercède" ainsi des personnages réels qui remplacent en bloc ses propres fictions dans leurs propres fabulations. Tous deux communiquent dans l'invention d'un peuple. Je me suis intercédé Alexis (Le règne du jour) et tout le Québec, pour savoir qui j'étais "en sorte que pour me dire, il suffit de leur donner la parole." C'est une simulation d'un récit, la légende et ses métamorphoses, le discours indirect libre du Québec, un discours à deux têtes, à mille têtes, petit à petit. Alors le cinéma peut s'appeler "cinéma vérité" d'autant plus qu'il a détruit tout modèle du vrai pour devenir créateur, producteur de vérité : ce ne sera pas un cinéma de la vérité, mais la vérité du cinéma.

 

Pierre Perrault, homme de la parole, cinéaste du vécu, un film de Michel La Veaux - 1999, 0h39.

Pierre Perrault rappelle que sa carrière de cinéaste ne fut pas préméditée. Elle fut faite de rencontres, sa femme qui lui fait rencontrer ses oncles et son beau-père qui l'envoie voir Alexis dans la baie de saint Paul.

Il a appris le magnétophone. L'histoire racontée l'émeut plus que le réel : "sans les mots, les choses n'existent quasiment pas... Le présent, qui pourrait être banal, avec la parole fleurit". Il dit son peu de goût pour la caméra :"l'esclavage de l'image, satisfaire les caprices du cameraman". L'important est de "faire jaillir une parole" et de vivre avec le conteur :"Il faut rire de l'histoire que l'on raconte autrement le conteur s'arrête". Son travail consiste donc à "mettre en présence, mettre en rapport le sujet avec le cameraman qui choisit l'image et fait le point. Le monteur aussi est très important."

Pierre Perrault dit travailler pour gagner sa vie et puis il aime voyager, rencontrer des gens. Il va peu au cinéma et pour voir des films symboliques : Les visiteurs du soir ou L'année dernière à Marienbad. Autrement le cinéma ne l'intéresse pas car ce ne sont pas de vrais personnages.

La caméra ne doit pas avoir d'importance. Il faut qu'elle se nomme Bernard. Ce sont les gens devant qui comptent. Qui peut se payer une pêche aux marsouins ? l'idée de la pêche revient à Alexis. Ce n'est pas une reconstitution. C'est comment elle est vécue en 1962 par les gens de l'île. Ils l'ont vécu comme leur affaire. Ils n'ont pas demandé comment faire.

Il va en mai 1963 à Cannes présenter ce premier film de l'ONFC où il reçoit un mauvais accueil, excepté par les cahiers du cinéma. Au Canada, Grand Louis, le simple du village, a été trouvé magnifique. Les habitants se sont trouvés beaux dans les yeux des autres, des gens de Montréal.


 

Ciné-club de Caen

Les éditions Montparnasse
 
présentent
 
La Trilogie de l'Île-aux-Coudres de Pierre Perrault