Editeur : Ad Vitam. Mai 2012. Coffret 2DVD. 26 €.

Suppléments sur DVD2:

  • Préface de Michel Ciment (2'30)
  • L'entretien avec Jeff Nichols (12')
  • L'entretien avec Michael Shannon (15')
  • Le making of (10')
  • Scnènes coupées (6') et bande annonce
  • Les commentaires de Jeff Nichols et Michael Shannon

Assailli par des cauchemars et des visions apocalyptiques, un modeste ouvrier, marié et père de famille, se demande s’il est en train perdre la raison ou s’il doit protéger les siens d’une catastrophe qui s’annonce…

Quel traitement est appliqué à la paranoïa du personnage qui sacrifie le bien-être immédiat de sa famille, qu'il aime, à son obsession de fin du monde ? Curtis est-il rattrapé, comme il le craint, par la même maladie qui a frappé sa mère au même âge que lui et l'a conduite dans une résidence médicalisée ? Peut-être ou peut-être pas, répond mollement le film qui essaie de la jouer subtil en laissant subsister le doute : les signes que seul voit Curtis pourraient lui être destinés afin qu'il sauve seulement sa famille en lui construisant un abri. Le film joue ainsi sur trois registres, celui du quotidien difficile vécu par Curtis, sa femme et leur fille, celui de la paranoïa destructrice du mari et celui d'une possible apocalypse, autant redoutée par Curtis que souhaitée pour légitimer ses actes.

Ce dispositif plutôt malin laissant au spectateur le soin de choisir lequel des trois registres il préfère est toutefois limité par le fait qu'aucun d'eux n'est originalement traité et qu'ils n'interagissent pas entre eux ou de façon bien trop prévisible.

 

Préface de Michel Ciment (2012, 2'30)

Témoigne de l'alliance rare entre l'esprit du cinéma indépendant et la force de la tradition hollywoodienne. Après Frank Capra, John Ford et Henry King, Jeff Nichols est un grand cinéaste de l'americana, ce genre qui évoque la vie quotidienne d'américain moyen au cœur du sud ou du middle West. Mais c'est d'une autre Amérique qu'il nous parle, un pays brisé par les attentats du 11 septembre 2001 et le crash économique de 2008. Comme ses prédécesseurs, il sait relier l'intime et le collectif, l'état de l'individu et de la société, la crise du couple et celle du pays.

Un homme est tourmenté par des visions et des cauchemars qui prennent l'allure d'une colère biblique, des nuages d'oiseaux noirs, des pluies torrentielles, des tornades, des cieux menaçants sont des corrélatifs objectifs de son dérèglement psychique. Comme Terence Malick, son voisin du Texas qu'il admire tant, il sait mêler le cosmique et l'humaine condition.

Peu de films récents ont su témoigner avec autant de force des pressions sociales, économiques, psychologiques qui s'exercent sur un individu, de l'endettement et du chômage aux antécédent d'une mère schizophrène.

La paranoïa grandissante de Curtis LaForche, sa fatigue existentielle, son dérèglement finissent par miner son couple, déjà aux prises avec une petite fille atteinte de surdité. Mais Take shelter est en sens l'anti-Shining. Ce qui nous bouleverse c'est la tendresse pour les siens qui émane d'un protagoniste s'abritant du monde et des autres.

Visionnaire, Nichols nous laisse dans la séquence finale au bord d'un mystère où l'inquiétude reste présente. Et si Curtis n'était pas le plus lucide d'entre-nous ? La démarche lente, le regard méfiant, les sourcils froncés, la violence sourde de Michael Shannon contrastent avec la beauté éthérée de Jessica Chastain, incarnation comme dans The tree of life de la mère protectrice et aimante pour former un couple inoubliable.

 

Interview de Jeff Nichols (2012, 13')

Jessica Chastain recommandée par Malick sur le conseil de sa productrice. Il rencontre pour la première fois Malick en lui offrant son premier film qui expose sa filiation esthétique avec lui

Ils partagent sa paranoïa ou est-ce un happy end ? C'est une fin pleine d'espoir. Tout ne finit pas forcement bien mais il y a un espoir. Mais c'est une fin que j'ai voulu ambiguë. Est-ce une psychose collective ou un rêve ? Je ne sais pas. Je sais ce que je veux voir arriver. Je sais ce que je veux voir pendant les 30 minutes après la fin du film. Mais ce qui m'importe en tant que réalisateur et être humain, c'est qu'ils voient tous la même chose. Pour moi, la fin, la résolution du film est dans ce regard. Quand il est en bas, elle est en haut, ils se regardent et il y a un sentiment de compréhension mutuelle sur leur visage. Cinq prises sur le visage de Michael près du lac Michigan, l'équipe des effets visuels effacerait le lac, ca ressemblait à un océan, il y avait une plage.

La paranoïa qui imprègne nombre de films américains s'est-elle accrue avec le 11 septembre ? Reconnaît venir d'une famille d'angoissés. Et peut être lié à l'esprit d'entreprise, selon sa propre expérience familiale son père tenait un magasin de meubles et ses trois fils sont des entrepreneurs (musicien, avocat ou cinéaste) et lorsque l'on n'est pas un simple employé de bureau avec une paie qui tombe miraculeusement à la fin du mois on est très conscient de la fragilité de sa propre condition. Ce n'est pas une question d'argent, la guerre contre Kadhafi fait augmenter le prix de l'essence, sa marge diminue et on mesure l'interdépendance des choses et leur fragilité. Je suis très conscient que le monde ne tient que par un réseau de fils très fins et cela me fait parfois peur. Je ne sais pas si cela relève d'une spécificité américaine mais, peut-être, l'esprit d'entreprise a à voir avec cela.

 

Interview de Michael Shannon (2012, 15')

Jeff Nichols a présenté son scénario à Michael Shannon en lui disant : "J'ai écrit ce scénario parce que je me marie et que cela m'angoisse. Je ne sais pas si je suis assez fort pour avoir une famille". Curtis a peur de finir comme sa mère. Il fait beaucoup d'efforts pour être aussi normal que possible. Il se consacre à sa famille car il n'a pas reçu la même attention avec sa mère folle et son père est mort. Il ne veut pas apparaître faible et incapable de s'occuper de sa famille.

C'est humiliant pour lui de raconter ses visions, ce qu'il ne fait qu'après une grave crise et comme si on lui arrachait les mots de la bouche car il veut qu'elle se sente en sécurité. Il ne veut pas qu'elle sente qu'elle ne peut plus lui faire confiance. Pencher la tête de côté comme Nichols d'une manière inconscient, il s'est inspiré de lui. Désir d'exprimer des choses mais du mal à le dire.

Sanford Meisner, professeur de théâtre contemporain, "Arrêtez de penser à vous- même " plus que Stanislavski penser aux autres plus qu'à soi-même exercices étranges : je vous regarde et vous porter un tee-shirt bleu et vous me dites que vous porter un tee-shirt bleu, vous le répétez jusque ce que cette phrase commence à devenir autre chose il s'agit vraiment portez attention à la personne que l'on parle et non de construire seulement quelque chose à partir de soi.

 

Making-off réalisé par Brandon Schneider (2011,10')

Jeff Nichols : "En 2008 pendant ma première année de mariage, j'avais la sensation que le monde qui était extérieur au mien préparait quelque chose. Une chose négative allait se produire". Effet spéciaux réalisés par les frères Strause de l'entreprise Hydraulx qui investit 10 % du budget comme producteur.


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Take shelter de Jeff Nichols