Editeurs : Potemkine et Agnès B, Novembre 2012. Coffret 6 DVD. DVD1: The Brig (1964). DVD2: Walden (1969). DVD3 : Reminiscences... (1972). DVD4 : Lost, Lost, Lost (1976). DVD5 : As I was moving ahead... (2000). DVD6 : Courts-métrages : 1966 : Cassis (4'), Notes on the circus (12'), Hare Krishna (4'), Repport from Millbrook (12'). 1968 : Time and fortune Vietnam newsreel (4'). 1981 : travel songs (25'). 1991 : Quartet number one (8'). 1995 : Imperfect three-image films (6'). 1998 : song of Avignon (5'). 2000 : Mozart, Wien and Elvis (3'). 2002 : Williamsburg (15'). 80 €.

Ce coffret réunit les œuvres clefs de Jonas Mekas, l'un des plus prolifiques cinéastes d'avant-garde. Né en Lituanie en 1922, chassé par les armées soviétiques et nazies, Mekas arrive à New York avec son frère en 1949, après avoir passé quatre ans dans des camps de réfugiés en Allemagne. Il s'achète aussitôt une caméra 16mm et commence, au jour le jour, à filmer le monde qui l'entoure. Il s'impose en quelques années comme l'un des fers de lance de l'underground newyorkais. Il invente le journal filmé et affirme un style lyrique et profondément personnel, qui sublime le quotidien tout en témoignant de la solitude de l'exil, de l'oppression politique et des forces vitales de la poésie.

Une biographie éclatée dans plusieurs films

Les premiers pas de cinéaste de Mekas se trouvent dans Lost, Lost, Lost , filmé entre 1949 et 1963 mais monté seulement en 1976 "La période que je décris à travers ces six bobines de film fut une période de désespoir, de tentatives pour planter désespérément des racines dans cette terre nouvelle, pour créer des souvenirs. À travers ces six douloureuses bobines, j'ai essayé de décrire les sentiments d'un exilé, mes sentiments pendant ces années-là. Elles portent le nom de Lost, Lost, Lost , titre que nous voulions donner, mon frère et moi, à un film que nous voulions faire en 1949 et qui aurait suggéré notre état d'âme en ces temps-là. Le film décrit l'état d'esprit d'une « personne déplacée » qui n'a pas encore oublié son pays natal mais qui n'en a pas encore « gagné » un nouveau. La sixième bobine est une transition, elle montre comment nous commençons à respirer, à trouver quelques moments de bonheur. Une nouvelle vie commence..."

Lost, Lost, Lost (1976) : "Une semaine après notre arrivée en Amérique (Brooklyn) nous avons emprunté de l'argent et acheté notre première Bolex"

La suite de sa biographie est à chercher dans la première bobine de Reminiscences of a journey to Lithuania, monté en 1973 "Cette œuvre est composée de trois parties. La première est faite de films que j'ai tournés avec ma première Bolex à notre arrivée en Amérique, surtout pendant les années 1950 à 53. Ce sont les images de ma vie, de celle d'Adolfas, de ce à quoi nous ressemblions à l'époque; des plans d'immigrants à Brooklyn, pique-niquant, dansant, chantant ; les rues de Williamsburg."

Reminiscences of a journey to Lithuania, (1973), Williamsburg dans Brooklyn en 1950

Jonas Mekas crée en 1955 la revue Film Culture et défend, à partir de 1959, dans ses articles du Village Voice, l'idée d'une Nouvelle Vague américaine. Instigateur du New American Cinema Group (1960), qui réclame des films rudes, mal faits peut-être, mais vivants, il prêche d'exemple en tournant Guns of the trees (1962) puis avec le Living Theatre, The Brig (1964). Mekas avec sa caméra 16mm et son magnétophone enregistre en un après-midi une représentation de la pièce du même nom du Living Theatre qui raconte avec âpreté et réalisme le traitement sadique et dégradant auquel sont soumis dix marines punis et mis au cachot. "Je n'avais jamais vu la pièce avant de monter sur la scène. Dans le filmage, j'ai voulu appliquer les techniques de ce que l'on appelle le cinéma vérité, à une représentation théâtrale. Je voulais, peut-être, ébranler, quelques mythes et mystifications du cinéma vérité : qu'est ce qui est vrai au cinéma ?"

The Brig (1964)

L'authenticité abrupte du film lui permet de remporter le grand prix du documentaire au festival de Venise. Mais l'échec public de ce rêve de cinéma indépendant dans le système l'amène à se radicaliser : il devient avec fougue et générosité, par ses actes et ses articles, le principal animateur du cinéma underground.

Walden (1969) marque ainsi la volonté de Mekas de réaliser et de montrer ce qui sera connu comme un "journal filmé" , sa décision de faire, tout seul, un film encore plus long qu'un long métrage comme un défi non seulement aux codes d'Hollywood mais aussi aux traditions corporatistes du cinéma aussi bien américain qu'européen. Walden, journal filmé en six bobines entre 1964 et 1968, est dédié à Lumière à l'innocence d'une première fois face au monde avec le cinématographe. Dans Walden, Mekas met en relief des personnalités importantes de la scène artistique new-yorkaise des années 60 mais il s'agit avant tout de mettre en avant un regard sur un lieu en se réclamant de la tradition poétique de Henry David Thoreau (1817-1862). Le poète philosophe publia Walden en 1854. Le livre oscille entre l'essai et le récit autobiographique d'une expérience mené par l'écrivain qui, pendant deux années a vécu retiré du monde dans une cabane qu'il a lui-même construite près de l'étang de Walden dans le Massachusetts.

Walden (1969)

 

As I was moving ahead occasionally I saw brief glimpses of beauty (2000) couvre les journaux filmés de 1970 à 1999. "Cela couvre mon mariage, la naissance de mes enfants, on les voit grandir. Des images de la vie quotidienne, des fragments de bonheur et de beauté. Les voyages en France, Italie, Espagne et Autriche. Les saisons, comme elles passent à New York, la vie à la maison, la nature. Rien d'extraordinaire, rien de spécial, des choses que nous vivons tous au cours de notre vie. Il y a beaucoup d'intertitres qui reflètent mes pensées de l'époque. La bande sonore est constituée de musiques et de sons enregistrés pendant la même période que les images, avec des improvisations d'Auguste Varkalis au piano. Quelquefois, je parle dans mon micro pendant que je suis en train de monter, au présent, avec le temps qui a passé. Ce film est aussi mon poème d'amour dédié à New York, ses étés, ses hivers, ses rues, ses parcs."

A près de 80 ans Jonas Mekas, affirme sa liberté de renoncer à la construction et à la maitrise pour ne plus saisir que des éclairs de beauté : "Quand j'ai commencé à réunir toutes ces bobines de films, à les monter ensemble, j'ai d'abord pensé les laisser dans l'ordre chronologique. Mais ensuite, j'ai abandonné et j'ai juste commencé à les raccorder au hasard, comme je les trouvais sur l'étagère. Par ce que je ne sais vraiment pas à quoi correspond chaque morceau de ma vie. Je les ai donc laissé exister, laisser aller complètement au hasard dans le désordre. Ces bobines contiennent une sorte d'ordre qui leur est propre que je ne comprends pas vraiment, tout comme je n'ai jamais compris la vie autour de moi, la vie réelle comme on dit, ou les gens réels. Je ne les ai jamais compris. Je ne les comprends toujours pas, je n'ai pas envie de les comprendre".

Filmer, les gens, les situations, les animaux et les choses telles qu'elles apparaissent et se révèlent dans leur beauté grâce au cinéma, le plus simplement du monde, sans chercher à les comprendre ou les modifier telle est la joyeuse et seule mission que semble accomplir le cinéaste auquel, en 2012, le Centre Pompidou consacre une rétrospective, la Galerie du Jour une exposition photographique, la Serpentine Gallery une exposition de ses travaux récents, le British Film Institute une programmation de ses films et les éditions Potemkine ce très beau coffret DVD.

Le coffret est complété de courts métrages s'étendant de 1966 à 2002. 1966 : Cassis (4'), Notes on the circus (12'), Hare Krishna (4'), Repport from Millbrook (12'). 1968 : Time and fortune Vietnam newsreel (4'). 1981: travel songs (25'). 1991: Quartet number one (8'). 1995 : Imperfect three-image films (6'). 1998 : song of Avignon (5'). 2000 Mozart, Wien and Elvis (3'). 2002 : Williamsburg (15').

 

 

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Jonas Mekas - Coffret 6 DVD