Editeur : Montparnasse, février 2010. Coffret 4DVD. 40 €

 

"Un cinéaste doit avoir des semelles de vent, partir ailleurs... ". C'est ainsi que Patrick Leboutte, directeur de collection, reprenant les paroles de Jean Rouch, nous invite à de savoureuses rencontres, sérieuses ou joyeuses, dans l'univers mythologique des sociétés de la boucle du Niger. Ces films, qui sont autant de contes universels, sont également l'héritage d'une histoire passionnelle entre Jean Rouch et l'Afrique. C'est là-bas qu'il tourna ses premiers films, c'est là-bas qu'il ne cessa de revenir.

Ces expéditions nous conduisent à la rencontre des Songhay (Au pays des mages noirs, Initiation à la danse des possédés ...) auxquels Jean consacra ensuite sa thèse d'Etat et à la découverte du peuple Dogon à qui il consacra plusieurs films, Cimetières dans la falaise mais surtout Sigui synthèse, l'incroyable film qui nécessita 7 ans de tournage, inspirés par son ami et maître Marcel Griaule.

Certains films de ce coffret de l'aventure africaine de Jean Rouch relèvent de la tradition ethnologique pure, d'autres de la pure fiction humoristique comme ces perles du Niger : Foot Girafe et VW voyou.

Au pays des mages noirs
premier film de Jean Rouch, au Niger en 1947
Foot Girafe
comédie burlesque réalisée en 1973.

DVD 1 : Les fils de l'eau. De 1946 à 1951 : Expéditions en pays Songhay, le long du fleuve Niger.

C'est en pays songhay, le long du fleuve Niger, que Jean Rouch naquit véritablement à l'Afrique, y découvrant tout à la fois sa vocation d'ethnologue et sa passion du cinématographe. De 1946 à 1951, il y mena trois expéditions dont la première est désormais légendaire. Avec ses amis Ponty et Sauvy, rencontrés avant-guerre à l'Ecole des Ponts et Chaussées, il descendit en pirogue, de la source à la mer, les 4.184 kilomètres du fleuve Niger, un exploit que nul n'avait jamais tenté avant lui. De ce voyage, il revint avec un premier film, Au pays des mages noirs, diffusé en complément de Stromboli de Rossellini. Etaient ainsi réunis d'emblée, en une même séance, les deux pères du cinéma moderne. De son deuxième voyage vers les Songhay, en 1948, Rouch ramena trois autres films dont Initiation à la danse des possédés, enregistré avec sa célèbre caméra Bell & Howell à ressort et le renfort de ses amis nigériens Damouré Zika et Lam Ibrahim Dia. Si le montage d'Au pays des mages noirs lui avait échappé, formaté par les "Actualités françaises" à la façon d'un documentaire colonial, celui-ci, maîtrisé par lui d'un bout à l'autre, impressionna aussitôt par ses qualités cinématographiques, obtenant le prix du court métrage au Festival du film maudit de Biarritz organisé par Henri Langlois et présidé par Cocteau. Un cinéaste était né, poursuivant son apprentissage au contact des Songhay auxquels il consacra ensuite sa thèse d'Etat sous la direction de Marcel Griaule.

DVD 2 : Le peuple de la falaise. Première expédition aux pays des Dogons au Mali en 1950

Dans les années trente, Marcel Griaule (1898-1956), spécialiste des Dogons, représentait une exception, étant le seul ethnologue en France (avec Patrick O'Reilly) à ne pas craindre d'utiliser une caméra comme outil de documentation scientifique. A ce titre, il fut un précurseur, anticipant le futur développement de l'anthropologie visuelle comme les premiers essais cinématographiques de Jean Rouch. Si les deux films qu'il réalisa au Mali pèchent par leur commentaire surplombant, trop nappés de musiques exotiques ou " jazzy ", la précision de ses images, la rigueur de ses observations, l'attention portée aux gestes peuvent être considérées comme autant d'éléments fondateurs des films de son successeur. Jean Rouch n'a jamais caché en effet qu'il considérait Griaule comme son maître, lui conservant jusqu'au bout son amitié en dépit de leur querelle mémorable à propos des Maîtres fous, un film que Griaule réprouvait, conseillant même au cinéaste d'en détruire la copie. Ce rapport entre les deux hommes, marqué du sceau de la transmission, fait tout l'intérêt de Sur les traces du renard pâle (1984), un film de l'anthropologue et cinéaste belge Luc De Heusch, avec qui Rouch cofonda le Comité international du film ethnographique en 1955. En 1950, Griaule avait suggéré à Rouch la réalisation de Cimetières dans la falaise, son premier film en pays dogon. Seize ans plus tard, ce dernier entamait au même endroit sa série des Sigui comme la meilleure façon de lui demeurer fidèle.

 

DVD 3 : Sigui. Retour en pays Dogon : Jean Rouch filme, sur 7 ans, le rituel des cérémonies du Sigui, un film unique.

Suite au décès de Marcel Griaule en 1956, Germaine Dieterlen, qui fut sa proche collaboratrice, propose à Jean Rouch de filmer au Mali les cérémonies du Sigui où tous les 60 ans, selon un scénario immuable étalé sur 7 ans, les Dogons de la falaise de Bandiagara commémorent l'invention de la parole et célèbrent le culte des morts. Décrit par Griaule dès les années 1930, ce rituel n'avait jamais été filmé. De 1966 à 1973, à raison de deux mois chaque année, coupés du reste du monde, Rouch et Dieterlen réalisent ainsi sept films indépendants dont ils proposeront une synthèse avec l'appui de la chaîne japonaise NHK. Selon Jean Rouch, "pour bien rendre compte de l'ensemble, il fallait monter un film unique montrant le tout comme un seul rituel qui déambule pendant 7 ans. La première année représente la mort du premier ancêtre, la deuxième ce sont les funérailles, la troisième est sa résurrection sous forme de serpent. La quatrième année, c'est la parole, qui représente la procréation pour les Dogons. La cinquième est la naissance. La sixième, les nouveaux nés deviennent des hommes par le rite de la circoncision. Parmi eux seront les "répondants" qui assureront le culte des morts pendant 60 ans et transmettront ce rituel lors du prochain Sigui."

  • Sigui synthèse (1967-1973). L'invention de la parole et de la mort de Jean Rouch et Germaine Dieterlen (Mali, 1981 - 120 mn - couleur)
  • Compléments : Énigmes de Sirius de Jérôme Blumberg et Jean-Marc Bonnet-Bidaut (Mali - 18 mn - couleur) et Jean Rouch raconte les Sigui " (25 mn - couleur)

DVD 4: Le rire et l'amitié. 1973-1974 : Deux perles humoristiques du Niger ...

Filmer est un plaisir auquel Jean Rouch s'adonnait le plus régulièrement possible, saisissant au bond toute occasion, serait-ce une publicité. Le méconnu VW voyou relève de cette catégorie. Conçu pour promouvoir en Afrique la Coccinelle Volkswagen, l'ensemble devait comporter 20 sketches d'une minute à diffuser séparément dans les salles. Si en définitive, le film ne sortit pas, chacun n'en reçut pas moins une Coccinelle en salaire. Rouch échangea la sienne contre une Peugeot plus grosse, Damouré la conserva et Tallou la revendit pour payer à boire à ses copains pendant une année entière. Sur le même registre, mais pour la marque Peugeot, Foot Girafe est un reportage parodique doublé d'une vraie fantaisie sportive. Inventant sa propre version sahélienne d'un célèbre jeu de ballon, Rouch s'y amuse à inscrire le faux dans l'ordre des réalités possibles : après tout la partie eut bien lieu puisque le film en témoigne. Tournés en pays songhay, comme une façon pour lui de provisoirement boucler la boucle, celle du Niger évidemment, Rouch offre ces deux films au talent d'acteur de Damouré Zika, son ami depuis 1941, ciné-plaisir et amitié ayant tout du long guidé sa vie.

  • Foot Girafe de Jean Rouch (Niger, 1973 - 20 mn - couleur)
  • VW voyou de Jean Rouch (Niger, 1974 - 25 mn - couleur)

 

 

Ciné-club de Caen

 
présentent
 
Jean Rouch, une aventure africaine