Editeur : Mk2, octobre 2007. Durée du Film : 1h09 - Durée du DVD : 2h06 - Format vidéo : 4/3 - Format image : 1.33 - Format audio : Version originale mono - Sous-titres : Français

Suppléments :

  • Préface de Charles Tesson 10’
  • Scènes commentées par Charles Tesson 30’

Une troupe itinérante de théâtre arrive dans un modeste port isolé au Sud du Japon pour s’y produire. Son directeur et acteur principal, Komajuro, retrouve dans le village son ancienne compagne Oyoshi et leur fils Kiyoshi dont il ignorait l’existence. Ce dernier ne connaissant pas le véritable lien de parenté avec Komajuro, le prend pour son oncle. De son côté, Sumiko, l’actuelle compagne de Komajuro et actrice vedette de la troupe, découvre le secret et décide se venger. De fait, elle entreprend de faire séduire Kiyoshi par la jeune et jolie comédienne, Kayo. Alors que les deux jeunes gens tombent vraiment amoureux, la troupe, subitement privée d’argent, doit se séparer…

Avec Herbes Flottantes, Ozu réalise le remake d’un de ses propres films muets, Histoires d’ herbes flottantes (1934). C’est le cinquantième film d’une oeuvre qui en compte 53 et qui s’achèvera trois ans plus tard avec Le Goût du Saké.

 

Préface et scènes commentées par Charles Tesson

51éme film de Ozu sur 54 et remake de son opus 31, Histoires d'herbes flottantes.

En abordant la couleur, Ozu revient délibérément sur ce qu'il a déjà filmé. Son film précédant Bonjour s'inspire de Gosses de Tokyo avec la grève de la faim des enfants transposé dans un autre contexte. Fin d'automne reprendra l'argument de printemps tardif avec cette fois non plus un père veuf qui veut marier sa fille mais une mère. L'actrice qui joue la fille dans Printemps tardif joue la mère dans Fin d'automne. Ici Kitschi, le samouraï qui distribue des prospectus était le fils du chef de la troupe dans le film original.


Le récit d'herbes flottantes suit de très près celui d'Histoires d'herbes flottantes. Ils sont tous deux encadrés par l'arrivée de la troupe puis le départ du chef de celle-ci réconcilié avec son actuelle maîtresse. La jeune actrice reste pareillement auprès du fils dont elle est tombée amoureuse. Le fil conducteur est la vengeance de l'actuelle maîtresse qui a demandé à la jeune actrice de séduire le fils de son amant pour se venger de sa liaison passée.

Reprise également de scènes ou d'annotations à l'identique. L'entrée de la maîtresse dans le cercle des acteurs, la dispute avec l'actuelle maîtresse sous la pluie des deux cotés de la ruelle, les étendards qui ponctuent l'action, les acteurs qui épient les filles dans la salle au travers des rideaux, les papillons de nuit attirés par la lumière de la lampe.

52 des 54 films de Ozu sont tournés par la Shoshiku. Herbes flottantes produit par la Daei fait partie des deux exceptions, l'autre étant Les sœurs Monekata réalisé en 1950 pour la Shintô. Selon son contrat avec la Shoshiku, Ozu doit tourner un film par an. Mais il a terminé tôt Bonjour, sorti le 12 mai 1959. Le remake permet d'aller plus vite dans la préparation et les dialogues le film est prêt à tourner en juillet. Le premier film était plus concis, plus elliptique : 1h29 contre 1h59.

A la Daei, Ozu s'appuie sur Kazuo Miyagawa, le chef opérateur de Mizoguchi pendant les années 50 et de Kurusowa pour Rashomon. Machiko Kyô, qui joue l'actuelle maîtresse est Lady Wakasa, l'héroïne des Contes de la lune vague (1953) et Masage, l'épouse du samouraï dans Rashomon (1950). Ayako Wakao a déjà joué Eiko dans Les musiciens de Gion (1953), et Yasumi dans La rue de la honte (1957) où elle est la prostituée la plus lucide, créant son entreprise après avoir escroqué ses clients. Elle joue ici Kayo actrice timide et audacieuse qui s'éprend du fil de l'acteur.

Ozu avait d'abord situé le remake dans le même contexte géographique de montagne que le film de 1934, mais l'enneigement abondant lui a interdit ce lieu de tournage. Il se rabat ainsi sur l'Ile de Schijima à Wakayama à l'ouest du Japon sur la côte sud.

Moins de plans de coupe sur des accessoires en l'absence de personnages. Chez l'ancienne maîtresse, la ponctuation des plans de coupe sur des objets change de support : la statuette du bouddha aux yeux ouverts est replacée par le mur de pierres aux fleurs rouges.

La jeune actrice de 1959 est plus audacieuse dans son entreprise de séduction. Elle embrasse le jeune homme à plusieurs reprises alors qu'aucune étreinte n'existe dans la première version. Surtout, elle passe la nuit avec lui dans l'auberge, chose inconcevable 25 ans auparavant.


Le jeune homme tendre, naïf et sentimental dans la première version devient plus violent en 1959 où le conflit entre générations devient nettement plus marqué. La violence contre les femmes et son fils existe dans la version de 1934 mais elle est accrue ici en défaveur du personnage.

Dans la version de 1934 l'actuelle maîtresse est déterminée à se venger de son amant qui lui a caché sa liaison passée et son fils. Elle domine sur tous les autres acteurs, motivée par une vengeance similaire à celle de l'héroïne des Dames du bois de Boulogne de Bresson. Ici c'est la jeune actrice qui domine. On suit son trajet qui passe par le renoncement à son métier pour vivre avec l'homme qu'elle aime.

En 1934, Ozu partage l'enthousiasme du chef de la troupe, nomade, bohème qui aime son métier et sa vie difficile avec son fils. Ozu ne sait pas encore qu'il ne fondra jamais de famille et n'aura pas d'enfant. En 1959, l'acteur qui joue le père a le visage plus dur et semble plus aigri et plus fermé. A la fin du film muet, on croit au couple recomposé mais c'est au jeune couple que l'on s'attache à la fin du film en couleur.

En 1942, Ozu réalise il était un père, figure d'un père exemplaire. Ici c'est plutôt : il était un mauvais père

 


Mk2
 
présente
 
Herbes flottantes de Yasujiro 0zu