Editeur : Wild Side Video, 2006. 2h35 minutes | Japonais Mono | Nouveau master restauré - 1.33, 4/3 | Sous-titres : Français

Bonus :

  • Kurosawa en couleurs (40')
  • Kurosawa par Kurosawa : entretien avec sa fille Kasuko Kurosawa (26') et son fils Hisao Kurosawa (26')
  • Bande annonce. Galerie photos. Filmographie. Liens Internet

Rokuchan est un jeune garçon qui vit dans un bidonville. Pour s'évader d'un quotidien sinistre, il s'imagine être aux commandes d'un tramway comme il y en a en ville, et sillonne le dédale des bas-fonds, sans prêter attention aux ricanements des gamins moqueurs. Il y fait d'ailleurs d'étranges rencontres. Près des poubelles, un clochard et son fils en quête d’un monde luxueux, là une jeune fille qui fabrique des fleurs artificielles… Pendant ce temps, le médecin du quartier refuse de dénoncer un voleur à la police, sauve un désespéré du suicide, désarme un ivrogne... Autant d’exclus, de déclassés, d’alcooliques et de rêveurs dont les destins de solitude vont peu à peu se croiser…

Premier film en couleurs de Kurosawa, Dodes'kaden (onomatopée signifiant " tchou-tchou ") est une œuvre s'inspirant d'un récit de Shugoro Yamamoto (déjà auteur de Sanjuro), qu'il transpose dans un registre symbolique, qui n'est pas tendre pour le Japon du " miracle économique " dont il montre l'envers de la médaille.

Le film dépeint les bas-fonds, qu'il a déjà décrit dans nombre de ses films (Les bas-fonds, L'ange ivre...). Le quartier est ici extremement pauvre, où les personnages se croisent, se querellent, s'inventent des vies... Dans cette galerie de personnages qui semblent tous plus fous les uns que les autres, le rêve est la seule façon d'échapper à la dureté du quotidien, au manque d'argent, au manque d'avenir...

Kurosawa pousse cette fois au paroxysme ce qu'il avait seulement ébauché dans Les bas-fonds : la folie des habitants est décrite de manière extrement poussée, et dans ce monde profondément individualiste, seuls quelques personnes semblent se préoccuper du sort des autres. La plupart des habitants sont au contraire extrements cruels, se moquant des plus faibles qu'eux. Le quartier se fait ici huis-clos étouffant, chaque être est prisonnier de son image, des ragots qui circulent, de sa condition...


Lorsqu'il dépeint la misère extrême avec le duo père-fils qui vit dans une carcasse de voiture et doit mendier sa nourriture, Kurosawa semble nous indiquer une voie pour s'en sortir : s'évader dans l'imaginaire, comme le père qui ne cesse de penser aux plans et à l'aménagement de leur future maison... Pourtant, l'issue de leur destinée nous montre que Kurosawa ne semble pas croire à ces vertus de l'imaginaire. Le propos se fait extremement pessimiste et confine parfois à la misanthropie.

Dodes'Kaden reprèsente des nombreux changements radicaux dans la carrière d'Akira Kurosawa : c'est son premier film en 5 ans, depuis Barberousse en 1965, c'est son premier film sans Toshiro Mifune après une étroite collaboration et complicité de 17 années, et c'est son premier film en couleurs. En effet, alors que la couleur était largement utilisée par tous les cinéastes du monde, Kurosawa continuait à tourner en noir et blanc, considérant que les pellicules couleur ne donnaient pas encore le résultat qu'il en attendait.

Kurosawa semble alors au Zenith de sa carrière, mais sa santé est fragile, et paradoxalement, le montage financier de ses films reste difficile dans son pays. Sans grandes vedettes commerciales, le film est un échec public cinglant qui déstabilise totalement Kurosawa. Il sombre dans une dépression et touche le fond en attentant à ses jours. Il lui faudra cinq années pour s'en remettre. En mars 1976, c'est une formidable résurrection : Kurosawa reviendra sur le devant de la scène avec un magnifique film soviétique, Dersou Ouzala, lauréat de l'Oscar du meilleur film étranger à Hollywood.

 

 
présente
 
Dodes’ kaden de Akira Kurosawa