DVD

Editeur : Carlotta-Films, avril 2009. Film : 3h28. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20 euros.

Suppléments :

  • Le regard imposé (0h24) Carlo di Carlo, cinéaste et ami intime d'Antonioni a accompagné La Chine – Chung Kuo en 2004 pour sa première projection devant un public chinois. Il revient sur les péripéties d'Antonioni face à l'administration chinoise, du tournage à la sortie du film.
  • La Chine de Mao (0h26) Pierre Haski, ancien correspondant de Libération à Pékin et co-fondateur de Rue89 fait le lien politique, économique et social entre la Chine contemporaine d’Antonioni et celle d’aujourd’hui.
  • Livret de 36 pages

En 1972, au plus fort de la Révolution culturelle maoïste, le gouvernement chinois invite Michelangelo Antonioni à réaliser un documentaire sur la Nouvelle Chine. Le cinéaste se rend pendant huit semaines avec une équipe de tournage à Pékin, Nankin, Suzhou, Shanghai, et dans la province du Hunan. Il en résulte un monument de trois heures et demie, composé en trois parties.

Deux bonus intéressants surtout celui de Pierre Haski. L'ancien correspondant de Libération à Pékin et co-fondateur de Rue89 explique le contexte politique de l'époque et pourquoi il a été rejeté aussi bien en Chine qu'en Occident. Pierre Haski rend justice à Antonioni pour son regard si juste qu'il en fait le seul document de cinéma qui montre la Chine de 1970, si différente de celle d'aujourd'hui.

Dès la fin du générique Antonioni déclare : "Nous n'expliquons pas la Chine. Nous voulons juste observer ce grand répertoire de gestes, de visages et d'habitudes. Venant d'Europe nous pensions escalader des montagnes et traverser des déserts. Mais la Chine reste en grande partie inaccessible, interdite. Même si les Chinois nous ont ouvert des portes et qu'ils jouent au ping-pong politique, nos accompagnateurs avec une souriante fermeté ne nous ont fait parcourir que des itinéraires délimités."

L'importance de la propagnade y est sans cesse rappelé : J'aime la place Tien'anmen est une chanson chantée dans toutes les écoles chinoises. Vivre en crèche est une façon d'habituer les tout jeunes enfants à la vie collective. "Leur grâce nous fait oublier que leurs chants sont politiques" déclare Antonioni :"la navigation dépend du timonier, la révolution du président Mao".

Antonioni montre une Chine vivante donc chaotique et non pas mise au pas. Les Chinois font du vélo, se lèvent tôt. Ils sont pauvres mais pas miséreux : ni luxe, ni faim. Leur qualité de vie est très éloignée de la notre : ni hâte, ni stress.

 

Le regard imposé (0h24) Carlo di Carlo

Alors qu'Antonioni prépare un autre film américain après Zabriskie point, Carlo Ponti lui annonce qu'il ne le produit plus. Concomitamment, la Rai lui propose un documentaire sur la Chine. Antonioni sera déçu car, habituellement, il regarde puis filme. En Chine, il regarde et filme ce que l'on veut bien lui montrer. Sans doute pour compenser cette frustration, il tourne 80 plans par jour durant quatre semaines pour un regard sur un demi-milliard de Chinois.

La Chine de Mao de Pierre Haski (0h26)

Au début des années 70, la Chine invite des intellectuels français et italiens. Il existe dans ces pays un fort courant de sympathie envers la Chine. Sollers et le groupe Tel Quel dont Roland Barthes sont invités par Zhou Enlai, le premier ministre de Mao Zedong, l'homme raisonnable du régime qui assume les risques de cette ouverture.

Antonioni montre la vie dans les rues, les restaurants, les champs et les salons de thé. Il montre des foules qui se saluent, se klaxonnent, les visages et les gestes de la vie quotidienne. Antonioni s'intéresse aux individus et non aux immenses rassemblements, à la théâtralisation de la vie chinoise. Il montre une Chine vivante donc chaotique et non pas mise au pas.

Il filme cependant la Chine comme un pays normal alors que ce n'en est pas un. Après le Grand bond en avant de la fin des années 50 qui visait une industrialisation à outrance pour produire de l'acier et qui a entraîné la famine de 40 millions de personnes, la Chine vit depuis sept ans la révolution culturelle. Durant les années 65-69, c'est la phase dure avec des immenses rassemblements. Au début des années 70, commencent les règlements de comptes politiques

Mao veut récupérer le pouvoir et soutient tour à tour les trois factions qui briguent sa succession. Lin Biao a déjà perdu la bataille. Il est mort l'an passé, en 1971, et son clan est marginalisé. Zhou Enlai, est l'homme raisonnable qui prône le développement économique et négocie avec les USA. La femme de Mao, Jiang Qing, à la tête de la bande des quatre, représente les radicaux, les intransigeants de la révolution et notamment en matière culturelle puisque Jiang Qing est une ancienne actrice. Outre la bande des quatre, cette faction comprend le dirigeant de Shanghai.

C'est dans ce contexte que sera utilisé le film d'Antonioni, contexte qui durera de 72 à 76 avec les morts de Zhou Enlai et de Mao puis ensuite l'élimination de la bande des quatre.

La première vision du film par las autorité chinoise est très positive. La polémique éclate en 1973 lorsque Jiang Qing, la femme de Mao, veut marquer des points contre Zhou Enlai. Si Lin Biao et son clan ont été déconsidéré pour être des adeptes des temps anciens et de Confucius, Antonioni est, à l'opposé, accusé de modernisme, de distiller un poison esthétique qui vise à réhabiliter les vieilleries. Le film est dénoncé par les communistes de Chine et d'Europe sans avoir été vu.

En Europe, Simon Leys, pseudonyme du belge Pierre Ryckmans, auteur de Les habits neufs du président Mao, le premier ouvrage à déconstruire le mythe de Mao, s'en prend à Antonioni. Il l'accuse d'être un grand naïf, de montrer le théâtre chinois et non la réalité chinoise, celle d'une dictature très dure avec ses purges.

Simon Leys range Antonioni parmi les occidentaux béats d'admiration devant la révolution culturelle comme il avait critiqué méchamment Sollers et les intellectuels français pour n'avoir pas su accéder à l'envers du décor.

C'est un jugement sévère. Antonioni assume ce regard d'un étranger qui s'est voulu le plus objectif possible. Grâce à lui, les Chinois peuvent comparer la Chine de 72 avec celle d'aujourd'hui.

 


 

 
présente
 
La Chine de Michelangelo Antonioni