DVD

Editeur : Carlotta-Films, février 2009. Nouveau master restauré, version originale, sous-titres français. 20 €.

Suppléments :

  • Capitaine Mystère vu par Bertrand Tavernier

  • Bande-annonce

La révolution irlandaise, au début du dix-neuvième siècle. Michael Martin, en fuite, est sauvé des Dragons Britanniques par le chef révolutionnaire John Doherty, déguisé en pasteur.

Superbe film d'aventure, il ne manque au Capitaine Mystère (Captain Lightfoot) ni l'attaque d'un château (celui de Bracey) ni un duel au pistolet à douze pas (avec le capitaine Hood), ni une fuite de forteresse (celle de Ballymore).

Tous les ingrédients d'un grand film d'aventure

Comme tout grand film d'aventure, il possède aussi en Rock Hudson un acteur à la mesure du rôle sachant apporter une dimension ironique dans les moments de repos. Ainsi du combat avec Big Tom qui le provoque, du corranto dansé avec la fille de l'auberge, de la fessée donnée à Aga et du retour de la phrase " Je vous ai dit de ne pas préparer mes funérailles si tôt." Les méchants, Devereaux, Desmond, Bracey, Clagett et Hood ne manquent pas et les paysages de l'Irlande sont superbes.

Autre ingrédient indispensable au genre, la relation amoureuse. Celle entre Aga et Michael est très réussie depuis leur première rencontre où elle le surnomme ironiquement capitaine Lightfoot, jusqu'au baiser qu'elle réussit à lui arracher dans sa chambre et, pour finir, son obstination à lever une armée pour sauver celui qu'elle aime.

Un "bleu" qui a besoin d'une explication

C'est enfin et comme toujours un roman d'initiation qui nous est raconté au travers des multiples aventures vécues par le héros. Michael devra abandonner la fougue de la jeunesse et la croyance en des valeurs trop simples pour se mettre au service d'une cause difficile. Apres sa première soirée chez lady Anne où il s'est ridiculisé, il ne souhaite plus que retourner à son Ballymore natal : "car tout est de plus en plus confus, les dames ne sont pas des dames, les gentilshommes échappent aux lois, le grand Thunderbolt tient une maison de jeu, il s'apprête à tuer son concurrent, il paie des informateurs". Thunderbolt l'avait prévenu : "Vous ne comprenez rien aux lois ni à leurs perversions". C'est Aga qui, aidée de son décolleté, le convainc qu'on peut sauver la cause en gagnant de l'argent au jeu et le fait accepter de continuer à seconder son père.

Un "bleu" qui a besoin d'une explication

Cette naïveté première du héros est formidablement symbolisée par l'improbable costume bleu ciel qu'il se fait confectionner. Il l'échangera ensuite contre un costume noir pour le duel puis un sobre costume marron durant les jours de lutte. Un manteau noir d'où émergera une belle écharpe jaune, symbole d'un romantisme adulte et assumé lors de la scène finale sur la plage.

Cadres et miroirs

Figure obligée du cinéma de Sirk, nombreux sont les miroirs à intervenir dans ce film. Depuis celui que protège Thunderbolt lorsque Michael se bat avec Big Tom en passant par celui de la roulotte de Tuer et de la pièce ou Michael donne la fessée à Aga. C'est néanmoins le petit miroir dans lequel Aga se coiffe qui est magnifiquement mis en scène. Aga a piégé Michael en lu faisant croire qu'elle allait se marier avec Shelley. Elle attend sa réaction de pied ferme dan sa chambre en se coiffant devant le miroir. Le montage alterne les coups frappés à sa porte par Michael et son calme à continuer de se coiffer. Lorsqu'elle va ouvrir, le miroir qui reste au premier plan marque sa pensée obstinée à aboutir à ce qu'elle souhaite : la déclaration de Michael.

Un miroir qui réfléchit la pensée obstinée d'Aga

Dans cette même séquence, Sirk utilise aussi un beau cadre dans le cadre. Aga est dans un premier temps séparé de Michael, enfermée dans le cadre de son paravent. Elle n'en est libérée que lorsque Michael la tire vers lui pour l'embrasser.

Un désir qu'exacerbe la séparation du cadre dans le cadre

Un autre très bel effet de cadre dans le cadre avait eut lieu lorsque Aga se rend au duel et que son carrosse est aperçu au travers de celui qui avait conduit Michael dans le carrosse de lord Clonmel.

Des cadres dans le cadre au service des émotions contradictoires des personnages

 

 

Capitaine Mystère vu par Bertrand Tavernier (26 mn)

Excellente analyse de Bertrand tavernier qui se souvient avoir toujours aimé le film depuis l'avoir projeté dans un ciné-club du 10ème arrondissement étant jeune.

C'est une comédie d'aventure à l'ironie revendiquée et qui s'amuse des figures imposées par le genre. Réussite presque égale à Scandale à Paris, et film bien meilleur que Tarzan fils de Cochise. Le ton est proche de Stevenson, celui d'une ton de narration décontractée et presque euphorique. Rock Hudson a confiance en lui et Barbara Rush retrouve Sirk pour la quatrième fois.

Le film est tourné en Irlande, entièrement en extérieur et loin des studios. Sirk évite les seconds rôles trop vus de la Universal et emploie des acteurs locaux que l'on n'a pas l'habitude de voir. Son chef opérateur n'est plus Russell Metty mais Irving Glassberg , moins extrémiste dans l'emploi des couleurs. Sirk lui recommande de profiter de la petite pluie fine, presque invisible qui nettoie la poussière, adoucie les teintes et renforce les plus brillantes. Cela permet de renforcer la profondeur de champ et de faire percevoir les tuniques rouges comme des intrus, des étrangers.

Le scope magnifie le paysage et Sirk filme en contre-plongée. La caméra basse privilégie les ciels et le surgissement des personnages dans le cadre.

Thématique habituelle de l'homme entre deux camps, deux univers, deux races. Ici le monde de sa jeunesse et des révolutionnaires.

Habituel jeu avec les cadres dans le cadre et les miroirs.

J.-L. L. le 18/02/2009

 

 

 
présente
 
Capitaine Mystère de Douglas Sirk